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Pap Ndiaye : « Les musées ne font pas à eux seuls l’histoire »

Dans l’actuelle période électorale, il n’est pas forcément facile, pour un établissement culturel, de trouver sa place. Rencontre avec Pap Ndiaye, directeur général du Palais de la Porte dorée, à Paris, qui abrite le Musée national d’histoire de l’immigration et un aquarium tropical.
Comment s’est passée l’école pour vous ?

J’en ai de très bons souvenirs. L’école était très importante dans ma famille, elle a organisé mon enfance et mon adolescence, je faisais plein d’autres activités, artistiques ou sportives, mais l’école occupait beaucoup de place. J’y ai travaillé du mieux possible.

C’est là que votre parcours s’est dessiné ?

Oui ! L’histoire me passionnait et j’aimais beaucoup les sorties scolaires. Ça peut paraître un peu désuet mais c’était très important pour moi. Je me souviens de visites de musées très marquantes. J’ai par exemple un souvenir ébloui de l’exposition « Paris-Moscou » au Centre Pompidou, en 1979. Une enseignante du collège nous avait emmenés et nous avait dit qu’il y avait un peintre qui peignait des carrés blancs sur fond blanc. Ça m’intriguait énormément. Avec mes copains, on était allés voir cette exposition avec l’espoir de connaître le mystère de Malevitch !

À l’inverse, ma mère m’avait emmené ici, voir ce qui était à l’époque le Musée des arts africains et océaniens. Ça ne nous avait pas du tout intéressés, ma sœur et moi. La seule chose qui nous avait plu, c’était l’aquarium, mais il faut dire qu’on était petits.

Comment êtes-vous devenu directeur du Palais de la Porte dorée ?

Je suis enseignant dans le supérieur depuis longtemps et historien. Cet établissement abrite un musée de société, il n’est pas anormal qu’il soit dirigé par un historien, c’est même assez logique. Par ailleurs, il y a des liens entre mon activité d’enseignant-chercheur, qui est en pause pour le moment, et des activités qui ont trait à la transmission du savoir et aux relations avec la jeunesse, puisque nous avons un public scolaire important. C’est un changement de vie, mais pas une révolution, plutôt une évolution qui me plait. J’ai gardé mon poste à Sciences Po, je retournerai enseigner lorsque mon temps ici sera achevé.

Quelle est la politique du Palais en direction des publics scolaires ?

C’est un public essentiel pour nous, qui représente 10 ou 15 % de notre public total. Les visites scolaires redémarrent en ce moment, après la période difficile que nous avons connue. Il y a aussi un public universitaire, les étudiants peuvent venir d’eux-mêmes et nous accueillons des séminaires universitaires sur des questions liées à nos thèmes. Nous souhaitons développer cette activité.

Nous avons des professeurs relais détachés de l’Éducation nationale pour élaborer des programmes pédagogiques qui accompagnent les expositions. Ils travaillent sur l’articulation entre le thème choisi et les programmes scolaires pour explorer un thème de manière plus systématique que dans le cadre d’un cours. Mais nous voulons aussi surprendre, pas seulement nous insérer dans les programmes. Dès le départ, une exposition est conçue pour répondre aux attentes du public scolaire.

Est-ce que la période de tensions que nous vivons retentit sur le Musée d’histoire de l’immigration ?

Notre rôle est de mettre à disposition des savoirs vérifiés, fiables, sur les questions d’immigration et les questions coloniales ou sur l’environnement, à travers la sensibilisation à la fragilité des milieux aquatiques. Nous ne sommes pas partisans mais engagés. Nous intervenons par des propositions scientifiques ou artistiques, comme la future exposition « Juifs et musulmans ». Cela peut faire écho à l’actualité du moment, mais c’est explicitement détaché de l’actualité politique et électorale. Libre aux visiteurs de se faire leur opinion.
Cette exposition a été préparée avec des spécialistes rigoureux. Elle montre à quel point ces mondes sont entrecroisés et interdépendants, historiquement et culturellement. Cela va à rebours d’un discours qui insisterait au contraire sur les fractures irrémédiables, les tensions irréductibles.

Nos choix d’expositions sont donc politiques au sens de l’organisation de la vie sociale et de valeurs d’humanisme, de bienveillance et de tolérance. Cela ne plait pas forcément à tout le monde mais on peut espérer que ces valeurs sont encore partagées bien au-delà des frontières partisanes.

La perspective historique permet de prendre un peu de recul sur l’actualité. L’immédiateté donne parfois à penser qu’on serait dans une situation catastrophique et irrémédiable de quasi guerre civile. Or, s’il y a effectivement des tensions, à l’échelle historique les choses prennent une autre couleur.

Il faut rester modeste, nous n’allons pas à nous seuls changer le débat sur l’immigration en France. Les musées ne font pas à eux seuls l’histoire. Il y a des forces xénophobes très puissantes à l’heure actuelle, avec des relais médiatiques extrêmement forts. Nous n’avons pas la même portée mais nous faisons un travail en profondeur. Il faut se garder de croire que la société française est résumée par la société médiatique. Elle est plus complexe et nuancée.

Propos recueillis par Cécile Blanchard
Photographie : Cyril Zannettacci – Palais de la Porte Dorée.

Article paru dans notre n° 576, Former les élève à la coopération, coordonné par Sylvain Connac, Cyril Lascassies et Julie Lefort

Il ne suffit pas que quatre élèves travaillent ensemble pour qu’ils en tirent un bénéfice. Sans précautions spécifiques, la coopération peut même décourager les plus fragiles. Un des leviers pour que la coopération soit profitable à tous est la formation des élèves à la coopération, pour leur expliciter les attendus.

https://librairie.cahiers-pedagogiques.com/revue/897-former-les-eleves-a-la-cooperation.html