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Les chemins de l’autorité éducative

Dans le paysage éducatif, les discours sur l’autorité tournent souvent en boucle, entre laisser faire et retour aux bonnes vieilles méthodes. On s’interroge peu sur ce que les bénéficiaires (ou ceux qui la subissent) en disent. Qu’est-ce qu’aborder aujourd’hui l’autorité en éducation avec les jeunes générations ? De quelle autorité les élèves ont-ils besoin ? Ce dossier s’ouvre en donnant la parole aux élèves, qui mettent bien le doigt sur ce qui fonde une autorité éducative[[https://tinyurl.com/ycjecfz9]] : la qualité de la relation et la cohérence du cadre. Du plus jeune âge jusqu’à l’adolescence, c’est un sentiment de sécurité qui permet aux élèves de reconnaitre les enseignants comme à l’origine de leur bien­être en classe et de leur accorder leur confiance et donc d’assouvir leurs besoins d’autonomie.

L’autorité éducative passe par le fait que les adultes assument une fonction limitante, mais cela ne va pas de soi. Quelles pratiques pour avoir de l’autorité, pour éviter de sombrer, que l’on soit débutant ou expérimenté, quand la fatigue vous fait perdre tout sang-froid ? C’est un long cheminement au bout duquel le professionnel acquiert du tact, cette capacité qui se construit grâce à l’expérience et impose d’accepter d’interroger ses pratiques, comme de travailler sur soi et de comprendre que rien n’est jamais acquis. Ainsi, la capacité à aménager des situations d’enseignement-apprentissage (qui donne une autorité didactique) est un exercice d’équilibriste pour les enseignants, qui doivent guider les élèves dans un environnement où la vérité, « c’est maintenant le nombre de clics et non la preuve ». L’autorité du maitre s’appuie à la fois sur ses compétences pédagogiques et didactiques pour développer une pensée critique chez les élèves.

Rien de bien nouveau, dira-t-on. Les espoirs nés en 1968 n’ont pas vraiment abouti : l’école est toujours faite pour les élites, les pédagogues sont peu considérés et l’autorité à l’école s’exerce encore dans le cadre d’une « politique de sergent de ville ». Nous affirmons cependant, dans ce dossier, la place importante du « faire autorité », qui dénote assurément son caractère beaucoup moins stable. Si différentes conceptions de l’autorité coexistent toujours dans les pratiques, ce qui est peut-être nouveau, c’est la demande sociale du « zéro défaut » dans un système dominé par le nouveau management public. La confiance n’est jamais acquise, elle doit se regagner en permanence. Les approches cliniques de l’autorité et du lien éducatif s’avèrent plus que jamais indispensables pour prendre soin de soi et de l’autre[[Bruno Robbes, L’autorité enseignante. Approche clinique, Champ social, 2016 ; Mireille Cifali, Préserver un lien. Éthique des métiers de la relation, PUF, 2019.]], de même que l’appui sur des collectifs, ce qui justifie largement la place faite aux « réponses » par les pédagogies coopérative et institutionnelle dans le dossier.

L’autorité est plus que jamais une affaire collective, où le tiers, la médiation du savoir et des institutions tiennent une place capitale. De nombreux témoignages mettent en évidence l’efficacité des pratiques coopératives : une réflexion collective où l’on apprend les uns des autres. La caractéristique fondamentale des réponses proposées ici est leur capacité à s’adapter aux contextes tout en conservant des finalités politiques émancipatrices clairement affirmées. C’est cela : faire fructifier les héritages de l’Éducation nouvelle en nous ancrant dans le présent.

Michèle Amiel
Personnel de direction retraitée
Bruno Robbes
Professeur des universités en sciences de l’éducation, université de Cergy-Pontoise