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Une discipline pour la république – La science de l’éducation en France (1882-1914)
Jules Ferry, en 1882, au lendemain de ses lois avait besoin de les légitimer ; on se souvient qu’elles ne passèrent à la Chambre qu’avec une faible majorité. De là naquit la science de l’éducation. En 1883 à Paris, l’année suivante à Bordeaux, Lyon, Montpellier et Nancy, et par la suite dans neuf autres villes, le ministère, dans les facultés de lettres, créa des enseignements de la science de l’éducation. Il y fut question de psychologie appliquée à l’éducation, de pédagogie théorique et pratique, d’éducation morale et intellectuelle, d’histoire et d’organisation de l’enseignement, de législation, de la pédagogie de l’histoire et de la géographie, d’éducation du caractère, de la discipline à l’école, de l’éducation de la femme, des droits de la société sur l’enfant…
L’enseignement se poursuivit jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et disparut alors, aucune communauté universitaire ne s’étant réellement agrégée à cet enseignement.
C’est en 1967 que succédèrent à la science de l’éducation, les sciences de l’éducation que l’on connaît aujourd’hui. Comme Jacqueline Gautherin le fait remarquer, il y a un paradoxe à lire certains détracteurs des sciences de l’éducation d’aujourd’hui – accusant ces dernières de construire sur une table rase, d’être trop jeunes pour avoir pu faire leurs preuves -, dans le même temps où ils souhaiteraient le retour à la haute culture scolaire de Jules Ferry. Ils ignorent que c’est à l’initiative de ce dernier que se développa une réflexion pédagogique à l’université.
Le livre de Jacqueline Gautherin est un régal. Empruntant à la sociologie politique et à la sociologie de la science, l’auteur, philosophe de formation, relate en la problématisant, l’émergence de la science de l’éducation et les conditions de sa construction, au plus près des logiques des acteurs. Ainsi le sociologue, l’historien et même l’érudit en quête de précisions s’y retrouveront avec plaisir, et quiconque souhaite un regard distancié sur quelques débats contemporains touchant, par exemple, à la socialisation, à la culture commune, à la laïcité. Ils y découvriront « comment dès la fondation de la science de l’éducation commence l’interminable débat qui oppose les spécialistes, sociologues ou psychologues, aux pédagogues, généralistes éclectiques ».
Michel Develay