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Un lycée « en transition »
Cédric Metge : Tout est parti d’une activité en seconde. J’avais lancé mes élèves dans un travail sur les objectifs du développement durable, en proposant de construire des actions de sensibilisation au sein de l’établissement. Une dynamique est née, dans le contexte des Marches pour le climat : on s’est demandé comment sensibiliser les élèves du lycée sur ces questions, quelles actions à l’échelle locale, comment réduire l’empreinte carbone, défendre la biodiversité…
Edwige Pujol : Le projet a pris vraiment corps quand un élève, Yannis, a proposé de mener un projet en dehors des cours. M. Cros, le proviseur, a adhéré pleinement à ce projet.
C. M. : Oui, et on a voté au conseil d’administration vingt actions sur l’année afin de devenir un lycée écoresponsable. Les élèves se sont alors réunis par petits groupes, avec des réunions régulières pour rendre effectif le projet.
E. P. : Cela concerne un noyau dur d’une dizaine d’élèves, mais lorsqu’on organise un événement, de nombreuses personnes sont impliquées, par exemple lors de la plantation d’arbres. Dans ce projet, il s’agissait de planter une soixantaine d’arbustes autour du terrain de sport avec le soutien de l’association Arbres et paysages. L’idée est de laisser pousser ces arbres et de créer une zone de « couloir pour la biodiversité » que nous observons, (dans laquelle on n’a rien planté, tout est venu naturellement.
C. M. : On a ensuite pensé qu’on pouvait partager ces actions à l’extérieur et on a créé le site « Lycées en transition ».
E. P. : L’objet de ce site est de recenser des actions dans les établissements scolaires. Un forum et des discussions sur un groupe WhatsApp permettent des échanges réguliers. On organise aussi des webinaires, avec par exemple des membres du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) comme Jean Jouzel. Actuellement, on a une quarantaine d’établissements inscrits, dont un en Équateur et l’autre au Maroc, et quelques collèges.
E. P. : On a essayé de contacter des collèges proches au moins pour les sensibiliser. Même si c’est moins facile pour des élèves plus jeunes de monter des projets.
C. M. : En fait, ça nous a permis de mieux communiquer à distance et de réfléchir ensemble. On a à cette occasion construit un « kit de démarrage » pour lancer un projet, les étapes à suivre, les moyens de surmonter les difficultés et obstacles.
E. P. : Ce qu’on veut montrer aux élèves, c’est comment mener un projet de A à Z sans oublier de communiquer sur le résultat ou de discuter préalablement avec les personnes concernées.
C. M. : Et aussi de montrer ce que peut être une pédagogie du projet, partant des élèves et de leurs motivations.
C. M. : Cela s’inscrit dans un apprentissage de l’esprit critique. Ce n’est pas pour rien que nous faisons intervenir des experts. Nous espérons prochainement pouvoir faire une visioconférence avec Valérie Masson-Delmotte et rendre compte du dernier rapport du GIEC. On a la chance à Toulouse d’avoir des chercheurs qui ont participé à ce rapport et qui peuvent intervenir. On a l’ambition de le faire connaitre à un maximum d’élèves.
E. P. : J’ajoute que rencontrer des spécialistes est aussi une approche pour penser l’après-lycée, c’est une ouverture vers le supérieur et les métiers liés à la transition écologique.
C. M. : Et pendant les webinaires, les lycéens s’expriment, posent des questions. Ce n’est nullement passif et descendant.
C. M. : C’est une idée de Yannis (dont on a parlé au début de l’interview) de mettre en place une « certification climat », validée par des scientifiques, un peu à l’image de Pix en informatique.
C. M. : Dans l’établissement, par exemple, une section bilangue SVT-Anglais a été lancée. On se pose la question d’un parcours DNL (sciences de la durabilité), qui se déroulerait sur les trois ans, avec un accompagnement des Savanturiers. Il y aurait trois groupes : un sur les données brutes, un autre sur les mécanismes d’atténuation, un troisième sur les solutions, avec une participation de diverses disciplines dont la géographie. Cette matière s’implique elle aussi de plus en plus au lycée.
E. P. : Là, nous travaillons surtout sur le plan local. Ainsi, avant de faire notre plantation autour du stade, nous avons fait venir un botaniste du Muséum de Toulouse qui nous a parlé des diverses manières de développer cette biodiversité. Il est d’ailleurs revenu en mai lors de la journée banalisée « de la citoyenneté » où de nombreux spécialistes viennent à la rencontre des élèves, sous forme d’ateliers.
Une autre action qui est menée est celle de la lutte contre le gaspillage alimentaire. De même essaie-t-on qu’un minimum de menu végétarien soit proposé (une fois par semaine) à Berthelot et ailleurs. On fait une campagne, avec présentation quotidienne des menus, des défis anti-gaspillage et on travaille avec le personnel du lycée, en tenant compte des contraintes économiques (la restauration concerne 2000 élèves !). Signalons au passage que notre lycée est très hétérogène socialement, peut-être le plus « mixte » de Toulouse, ce qui fait qu’on n’en reste pas à une catégorie de la population.
C. M. : Les parents s’associent à notre action, soutiennent notre démarche. On trouve d’ailleurs beaucoup de partenaires extérieurs parmi eux ou par leurs relations. J’en profite pour dire que notre rôle d’enseignants est plus dans la mise en contact avec ces intervenants, mais tout part des élèves et c’est pour ça que ça marche.
E. P. : D’ailleurs, j’ai trouvé une bonne image pour exprimer la relation entre nous et les enseignants, ils sont comme les managers qu’ont les artistes, des soutiens très importants sans pour autant être ceux qui nous dictent ce qu’il faut faire.
C. M. : On utilise en fait les compétences de chacun. Certains (comme Edwige !) savent bien communiquer, mais d’autres ont beaucoup participé sur le plan technique à la gestion du site ou l’organisation des webinaires. Le site lui-même a été créé par un ancien de Berthelot. On essaie aussi que ce ne soit pas « genré » et qu’il y ait des filles et des garçons dans chaque domaine.
E. P. : Disons qu’il était important de se mettre d’abord d’accord entre nous sur le fond. Après, on peut discuter avec les différents acteurs (par exemple sur les coûts financiers d’un projet comme la plantation d’arbres, ou sur les zones de plantation en tenant compte des besoins des professeurs d’éducation physique et sportive…).
C. M. : C’est vrai que nos actions sont davantage encore dans la sensibilisation. Peut-être maintenant développera-t-on davantage le débat.
E. P. : On essaie aussi de montrer combien nos actions sont valorisantes pour l’image du lycée et cela peut aider à convaincre des chefs d’établissement de se lancer dans des projets « lycées en transition ». On fait cependant débattre dans le lycée par exemple à travers le dispositif « fresque du climat ». On a aussi l’intention de mesurer l’empreinte carbone, mais il faut arriver à motiver des élèves pour s’engager dans cette action complexe.
C. M. : L’intégration aux travaux du CRI et des Savanturiers va être bénéfique et nous allons participer à un MOOC sur le climat
E. P. : Et de toutes façons, il ne se passe pas une journée pour le petit groupe d’élèves engagés sans qu’on parle de projets à venir ! Notre groupe WhatsApp est toujours très actif ainsi que le forum de Lycées en transition…
Le site Lycées en transition
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