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Travail en équipe et pédagogies alternatives. Dynamiques d’une recherche collaborative à l’école primaire

Couverture du livre Travail en équipe et pédagogies alternatives.

Couverture du livre Travail en équipe et pédagogies alternatives.Bruno Robbes, Sylvain Connac, Nathalie Denizot et Sébastien Pesce, Presses universitaires de la Méditerranée, 2023

Cet ouvrage rend compte d’une recherche collaborative sur le fonctionnement de pédagogies différentes dans une école du Nord de Paris (rue d’Oran dans le 18°) dans un milieu « défavorisé ». Elle s’est déployée sur plusieurs années, depuis le début des discussions avec sa directrice et avec les enseignants de l’école, avec les différents intervenants, portant à la fois sur les étapes de contractualisation jusqu’à la mise en œuvre,  approximativement entre 2011 et 2019.

Dans la première partie de l’ouvrage, Bruno Robbes s’attelle à définir l’approche méthodologique et épistémologique de la  « recherche en collaboration » ainsi nommée par les chercheurs, inscrite  dans un paradigme foisonnant de recherches-actions, visant des transformations des pratiques.

Dans cette recherche, les chercheurs en mobilisant des théories de référence diverses, ainsi que des outils et des méthodologies variés, tissent une collaboration étroite avec l’équipe d’enseignantes, afin d’investiguer plusieurs axes de réflexion professionnelle :

  • l’étude de pratiques de coopération entre les élèves dans les classes, ce que l’on fait dans les pratiques réelles, les écueils à éviter afin d’améliorer ces pratiques en vue des apprentissages des élèves – et ce qui peut se révéler comme une nouvelle didactique de la coopération des élèves selon Sylvain Connac. L’équipe enseignante a appris par cette démarche de recherche à solidifier la construction des dispositifs coopératifs dans les classes afin qu’ils soient plus féconds du point de vue des apprentissages mais tout autant porteurs sur le climat de classe par les dispositifs d’aide, d’entraide et du tutorat.
  • le croisement de l’analyse didactique et pédagogique des séquences ou des situations d’apprentissage et ce que chacune de ces deux approches peut apporter en termes de compréhension des préoccupations professionnelles des enseignantes (Nathalie Denizot et Bruno Robbes).
  • l’étude des relations éducatives et pédagogiques entre les enseignants et les élèves, en enquêtant sur le climat scolaire à partir de situations de conflit, en saisissant mieux les enjeux d’autorité, les situations de violence (réelle ou symbolique), dans une approche de l’éthique de la relation, afin de déconstruire certaines manières de penser et d’agir et de trouver des pistes d’interventions (Bruno Robbes). Il s’agit d’aborder ces enjeux tout autant du côté des élèves que des enseignants. Le lecteur peut lire des descriptions de situations de travail d’enseignante vécue et analysées dans une approche qualitative et collaborative. Cette démarche d’analyse permet de revoir les situations exposées à partir de plusieurs points de vue, afin de comprendre ce qui se joue autant pour les élèves que pour les professionnels en affinant la posture et les leviers d’actions.
  • l’étude des relations professionnelles au sein de l’équipe, en rapport avec la mise en œuvre d’un dispositif de co-enseignement, l’objectif étant de mieux comprendre les jugements normatifs apposés aux situations de travail. On interroge dès lors comment et dans quelle mesure le collectif d’enseignants de l’école de la rue d’Oran se considère comme « une école apprenante », par les chantiers successifs d’analyse de son propre fonctionnement, et dans la mise en place de ses nouvelles manières d’agir, penser et apprendre ensemble. Comment l’école se sent responsable, en partant d’une crise ou d’une problématique spécifique, et décide de s’engager dans une démarche d’enquête, pour analyser les enjeux, et articuler les divers savoirs individuels et collectifs pour produire des nouveaux possibles, par institutionnalisation et réinterroger ses manières de faire (Sébastien Pesce).

Pour chacun des axes explorés, le lecteur, qu’il soit enseignant, formateur ou chercheur, peut trouver une riche description de la démarche, des étapes et des dispositifs de la recherche en collaboration, des théories et des analyses qui ont émergé, et ceci dans l’ajustement réciproque et la confiance partagée entre les enseignants et les chercheurs, dans une temporalité longue. Dans les toutes dernières pages de l’ouvrage, par le témoignage des enseignantes, nous remarquons comment cette recherche les a engagées dans une démarche de développement professionnel : « Quatre ans de collaboration avec les chercheurs … ce n’est pas rien ! (Daphné) », « De réels temps de pause réflexive…(Fantine) », « Nous avons reçu de la formation, construit des savoirs, « grandi » dans notre métier (Danièle), « Un pas de côté … pour travailler autrement avec les élèves (Véronique) ».

Cet ouvrage, par sa clarté, contribue à dissiper les sentiments de méfiance entre ces deux mondes – la recherche et le travail réel et vécu par les enseignants et les élèves dans les écoles.

Andreea Capitanescu Benetti