Seul avec du monde autour

Tout commence par la passionnante lecture du Traité de la e-Formation des adultes¹. Bien que le préfixe e- connote fortement le terme, à l’image de l’e-commerce, de l’e-sport ou de l’e-mail, la majuscule témoigne que le signifiant essentiel est le nom Formation, c’est-à-dire le développement des compétences des e-Formés.

Chez Nipédu, nous avons tous les trois des missions de formation, voire d’e-Formation. Cela n’a pas empêché Jean-Philippe de faire son e-coming-out, dans l’épisode 2 de la saison 10, intitulé « Tu m’as traité d’e-Formateur ? »², avouant ne jamais avoir participé à la moindre formation en ligne en tant qu’apprenant.

Mais c’est un autre questionnement que nous examinons ici : est-ce qu’en e-Formation, comme ailleurs, l’enfer c’est les autres ? C’est en tout cas ce que semble soutenir Régis, qui revendique un profil d’apprenant qui se concentre exclusivement sur les ressources, qui ne cherche pas les interactions avec ses pairs et fuit la civilisation des forums.

Or, parmi les clés d’une e-Formation efficiente, le besoin d’affiliation sociale est invoqué comme moteur d’apprentissage, et comme levier pour soutenir la motivation et l’engagement. Comme le dit Philippe Carré : « On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. »³ Ce que décline Jean Heutte en affirmant : « On comprend toujours seul, mais jamais sans les autres. »⁴ Des assertions qui résonnent entre elles, comme des punchlines.

Si le mot seul compose la première proposition de chacun de ces deux énoncés, c’est la force de la polis qui est mise en exergue, au sens étymologique de corps social, disons ici la communauté d’apprentissage.

En tirant ce fil « polis-tique », prétexte à la discussion et à l’exercice rhétorique bien plus que politique, c’est via la moulinette d’une intelligence artificielle en vogue que pourrait se poser la question de savoir si l’e-Formation est plutôt de gauche ou plutôt de droite. Allez interroger l’IA en question, vous serez surpris⁵ !

Si l’e-Formation était plutôt de gauche, il serait logique de penser que le côté social est à développer. Nombre de recherches et préconisations vont dans ce sens : il faut susciter des échanges, la collaboration, et développer les interactions entre apprenants pour soutenir l’apprentissage. Là est la quête, et c’est d’autant plus vrai que l’éloignement et la séparation physique avec les formateurs et les pairs jouent à plein leur rôle de sape, car le sentiment d’isolement et le manque d’attention mutuelle sont source de désengagement.

À contrario, si l’e-Formation était plutôt de droite, ce serait le côté plus individualiste qui prévaudrait, à l’image de notre larron qui consomme ses formations en évitant soigneusement les échanges sociaux. À finir de rédiger ces lignes, il est aussi pâle que la page numérique sur laquelle il tape ces mots. Il aura connu des jours meilleurs.

1. Annie Jézégou (dir.), Traité de la e-Formation des adultes, De Boeck Supérieur, 2019, https://www.cairn.info/traite-de-la-e-formation-des-adultes–9782807323001.htm.
2. À écouter ici : https://nipcast.com/nipedu-s10e2-tu-mas-traite-de-formateur/.
3. Philippe Carré, « De l’apprentissage à la formation. Pour une nouvelle psychopédagogie des adultes  », Revue française de pédagogie n° 190, 2015, p. 29-40, https://bit.ly/3g4up16.
4. Jean Heutte, Les Fondements de l’éducation positive, Dunod, 2019.
5. Voir le site C’est de gauche ou de droite ?, https://degaucheoudedroite.delemazure.fr/.