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Revue de presse du 27/06/2021

Nouveautés improvisées – Du vécu et des débats –Variations – Salutaires cogitations

Les épreuves du bac général et technologique ont eu beau se résumer au français, à la philosophie et au grand oral, elles ont engendré cafouillis, stress et insatisfactions. Les nouveautés étaient de mise dans une impression d’improvisation tandis que les algorithmes de Parcours Sup distillaient leurs perles d’angoisse. Heureusement pendant le cafouillage, les réflexions se poursuivent pour une école moins stressante et une vision enrichie de la réussite scolaire.

Nouveautés improvisées

La numérisation des copies de philosophie aurait pu apparaître comme un progrès. Hélas, une erreur 503 s’est invitée, accroissant la colère des enseignants correcteurs. «Retards de distribution, bugs du logiciel, scandale écologique et craintes d’être surveillés… les professeurs de philosophie ne décolèrent pas. Pour eux, la numérisation des copies dénature le travail des correcteurs », relève Louise Vallée pour le Monde (article réservé aux abonnés). La correction en elle-même s’est avérée pour beaucoup bien décevante. Avec la possibilité de garder la note du contrôle continu, des élèves stratèges se sont présentés à l’examen sans aller jusqu’au bout de leur composition. « On se souvient que certains candidats avaient quitté les salles d’examen au bout d’une heure, beaucoup au bout de deux. Ils devaient au minimum signer la liste d’émargement et rester dans la salle pendant une heure. De nombreux élèves savaient qu’ils pouvaient d’ores et déjà compter sur leur contrôle continu », explique Sonia Princet qui a recueilli les impressions d’enseignants correcteurs dont Marie Perret.. « Les élèves ne sont pas responsables de la situation. À partir du moment où le ministère a décidé que cette épreuve n’en serait pas une, il fallait s’attendre à ce que le niveau des copies soit celui-ci. La responsabilité incombe plutôt au ministère qui aurait dû soit aménager l’épreuve bien en amont, bien avant le mois de juin, soit l’annuler. »

Le grand oral était la grande nouveauté de ce bac, maintenue comme si l’année avait été ordinaire avec un cafouillage frisant l’impréparation. « Bac 2021: le premier jour du Grand Oral ne s’est pas passé comme prévu », titre le Huffington Post. « Absence de jury, retards conséquents, des dysfonctionnements perturbent la première journée du grand oral, épreuve inédite du baccalauréat. », explique Gwenn Allanic. France Info a recueilli des témoignages édifiants sur le déroulement de l’épreuve. «Je suis enseignant. Nous avons été convoqués comme beaucoup de collègues pour être jury vendredi soir à 21h05 ! J’ai été convoqué dans deux établissements différents aux mêmes heures et le même jour en tant que professeur de réserve ! Une convocation au Sud de l’académie et l’autre au Nord ! »

Du vécu et des débats

Libération est allé à la rencontre de lycéens à la sortie du grand oral. Shelby « qui est «très timide en temps normal» et n’aime pas attirer l’attention a concentré ses efforts pour regarder les jurés dans les yeux en exposant son sujet consacré au financement des entreprises et a «beaucoup parlé avec les mains, pour ne pas jouer avec». L’exact inverse d’Anissa, 17 ans. «On m’a dit de ne surtout pas trop parler avec les mains, sinon on dirait que tu danses, le jury n’aime pas ça. Et de ne pas parler vite», indique l’adolescente, sortie ravie de cette épreuve. «Ils étaient trop cool, trop gentils», dit-elle au sujet des professeurs chargés de l’évaluer. » Le Figaro a choisi le lycée Condorcet pour recueillir des témoignages dont ce constat de deux enseignants. « «Les élèves apprennent à poser leur voix, à se détacher de leur note, et gagnent ainsi des qualités utiles pour la suite de leur parcours». Les deux professeurs expliquent même que la forme rapporte plus de points que le fond dans cette épreuve, selon une grille qui leur a été distribuée. »

L’épreuve en elle-même suscite des débats, comme le relève Marianne qui a invité des représentants du SNPDEN et du SNALC à exposer leurs points de vue. « Cette nouvelle épreuve du bac qui débute ce lundi suscite la controverse dans le milieu éducatif. Fallait-il la maintenir malgré la pandémie ? Est-elle socialement discriminante comme l’ont dénoncé certains ? »

« Lorsque l’institution scolaire évalue une épreuve à laquelle elle ne prépare pas, elle ne fait que transformer des inégalités sociales en inégalités scolaires. Pour cette raison, le grand oral n’est qu’une façon d’institutionnaliser les inégalités qu’il est censé réduire. », semble répondre Pierre Merle dans son blog. La Croix s’intéresse à la nature et à la réalité de ces inégalités avec les éclairages d’Isabelle Collet, professeure en sciences de l’éducation à l’université de Genève et de la sociologue de l’éducation Marie Duru-Bellat qui nuance : « De sa tendance à réduire ou non les inégalités, on n’en sait rien. Comme à Sciences Po, des étudiants de classes populaires s’en sortiront-ils mieux qu’à l’écrit, car moins complexés à l’oral ? C’est une question empirique : on ne peut pas savoir avant la tenue des épreuves. »

Variations

Contrairement aux sections générales et technologiques, pour les BAC PRO les aménagements ont été minimes, explique Alexis Morel. « Comme les autres années, cinq épreuves, dont quatre générales et communes à toutes les filières, sont prévues au menu. Une situation « injuste » pour Ariane, élève en bac pro vente : « Nous avons tous été victimes de la crise sanitaire, et notre année a été aussi stressante que celle des lycées généraux, voire pire. » Outre les cours en demi-jauge et les classes à distance, elle et ses camarades ont vu leurs stages reportés ou annulés. »

Les épreuves pas encore terminées, un aménagement du bac pointe son nez. « Il s’agirait de « resacraliser » l’examen, après deux années où, crise sanitaire oblige, il n’a pu se tenir correctement (à 100 % en contrôle continu l’an passé, 82 % cette fois-ci). Rien, ou presque, du bac version Blanquer, créé en 2018, n’a réellement pu exister. », explique Thomas Poupeau.

En Algérie, les grands moyens sont employés pour éviter le renouvellement des fraudes massives lors du bac de 2016. Pendant les cinq jours de l’épreuve, l’accès à Internet est freiné dans le pays paralysant une grande partie des activités. Peine perdue : « Car ni le blocage de WhatsApp, Facebook et Twitter, ni les coupures d’internet ne sont parvenus à endiguer la triche. » relate France-Info. « En attendant, des internautes suggèrent, non sans humour, que la seule façon d’éliminer le problème serait de… supprimer le bac. »

« Alors que le baccalauréat, l’épreuve anticipée de français ou encore les BTS ont connu des aménagements pour s’adapter à l’année scolaire bousculée par le Covid, rien de tel pour le brevet, ce qui suscite quelques inquiétudes. » rapporte l’Est Républicain alors que 860 037 collégiens plancheront lundi et mardi.

Sup de contrariétés

Les algorithmes de Parcours Sup provoquent encore cette année déceptions, incompréhensions et amertume. « L’algorithme s’inscrit dans une réforme globale de l’orientation en France qui sacrifie une partie de la jeunesse aux exigences du marché du travail, dénonce Julien Gossa, maître de conférences à l’université de Strasbourg. » dans une tribune de Libération réservée aux abonnés.

« « Je suis démotivée » : Parcoursup met à mal le moral des lycéens en attente à Brioude (Haute-Loire) » constate La Montagne. Sara Saidi de L’étudiant rassure les déçus en allant à la rencontre d’étudiants qui, malgré des vœux contrariés sont heureux de leur parcours. Ils partagent leur expérience. « Bien s’informer sur les offres de formation, même à l’étranger, est un autre conseil donné par certains étudiants. Cela a permis par exemple à Jade de rebondir après les refus des formations auxquelles elle avait candidaté sur Parcoursup en 2018. »

L’Etudiant se penche également sur le bilan des parcours « oui, si », un dispositif mis en place pour accompagner de façon renforcée les candidats potentiellement en difficultés pour le suivi de leur première année dans l’enseignement supérieur. Et le constat est mitigé : « Selon une note publiée le 23 avril par le département statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur, la réussite des étudiants après un parcours « oui si » n’est pas évidente. Si les titulaires d’un baccalauréat professionnel sont nombreux dans ces parcours aménagés, rares sont ceux qui arrivent à passer en deuxième année. »

Admis pour la rentrée prochaine à la Sorbonne ou déjà étudiant dans cette université, tous seront mis à la même enseigne avec des cours en amphi suivis exclusivement à distance. Le Figaro s’en fait l’écho « L’université Sorbonne Nouvelle annonce sur son site que «tous les cours en amphi passent en distanciel asynchrone» et ce, «quelle que soit la jauge à la rentrée». La raison: «les amphithéâtres impliquent un fort brassage et sont plus difficiles à aérer», lit-on. » Claire Conruyt a également interrogé plusieurs responsables d’universités pour voir si le distanciel sera une pratique généralisée.

Dans The Conversation, l’orientation universitaire est explorée pour éclairer la question des inégalités salariales entre les hommes et les femmes. « Or, l’exercice de métiers différents (on parle parfois de « ségrégation occupationnelle ») ne semble pas le fruit du hasard et découle notamment des filières de formation suivies. Or, celles-ci apparaissent fortement différenciées selon le genre et s’avèrent rarement mixtes. Ainsi, la part de femmes parmi les nouvelles personnes inscrites en cycle licence n’est-il en moyenne que de 30 % en STEM (sciences, technologies, ingénierie, mathématiques) quand il est de 77 % en santé et protection sociale. »

Salutaires cogitations

Amaël André et Catherine Delarue-Breton, enseignants à l’Université de Rouen, s’interrogent dans The Conversation : « Inégalités scolaires : les élèves des territoires ruraux manquent-ils vraiment d’ambition ? ». Leur analyse des processus psychosociaux en jeu dans l’orientation scolaire nous invite à dépasser les préjugés et à revisiter la notion d’ambition scolaire. « Au-delà de son acception géographique ou sociale, où l’ambition, sur son versant positif toujours, se conçoit comme un désir individuel d’aller au loin et plus haut, il nous semble nécessaire de la repenser comme un désir multiforme de se dépasser soi-même, de s’augmenter et d’augmenter aussi ce qui nous entoure. On peut avoir de l’ambition pour soi – et chercher à se délocaliser – ou pour son territoire – et chercher à le valoriser – par exemple. »

Toujours dans The Conversation, Sylvian Wagnon et Mathieu Depoil, de l’Université Paul Valery de Montpellier, se penchent sur l’éducation populaire, « cette démarche éducative non scolaire’» et son évolution. Toujours essentielle à l’image de l’action d’ATD Quart-Monde, « L’éducation populaire s’ancre dans tous les domaines et représente un levier éducatif pour toutes les catégories sociales et toutes les générations à l’image du travail de la Fédération des centres sociaux sur le vieillissement. »

Louisa Benchabanerelate quant à elle des solutions mises en place par des enseignants pour favoriser l’apprentissage de la confiance en soi. En effet, « Le système de notation apparaît aux yeux des experts comme un obstacle majeur au développement d’une plus grande confiance en soi. « On évalue beaucoup par le négatif, en sanctionnant les erreurs, et on ne met pas du tout en valeur les efforts et les progrès des élèves », observe la philosophe Joëlle Proust, membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale.

L’organisation de la salle de classe ioue-t-elle un rôle dans cette confiance en soi encouragée ou au contraire brimée ? Elle reflète, quoi qu’il en soit, les pratiques pédagogiques qui s’y déroulent. Ouest France relaie les travaux du géographe Pascal Clerc qui « s’intéresse à la classe en tant qu’objet géographique. ». Il analyse ce qui se joue selon l’organisation : en autobus, en U ou en îlots. « Car, selon lui à travers l’analyse des agencements, des territoires, des mobilités et des postures corporelles, de l’organisation du pouvoir, il s’agit d’interroger la relation entre pratiques pédagogiques et géographie de la salle de classe ».

Au Québec, les équipes pédagogiques sont invitées à «  prendre une pause pour poser un regard sur les apprentissages réalisés afin de mieux se projeter dans l’avenir. » Des personnes-ressources et une démarche sont mises à disposition. « Selon moi, il est important que les gestionnaires scolaires profitent de la fin de l’année pour amorcer une réflexion collective avec leur équipe. Ce temps d’arrêt, juste avant les vacances, peut être l’occasion de tirer profit des acquis réalisés et des défis rencontrés cette année pour pouvoir les utiliser comme levier afin de se projeter dans le futur », fait remarquer Mélissa Bricault, conseillère RÉCIT au Centre de services scolaire des Mille-Îles.

Monique Royer aux manettes cette semaine de notre revue de presse

Sur la librairie des Cahiers pédagogiques

N°570 – Apprendre dehors

Coordonné par Aurélie Zwang et Jean-Michel Zakhartchouk – Juin 2021

Après les confinements successifs, l’intérêt pour les pratiques d’éducation en plein air est grandissant. Inscrites dans l’histoire de la pédagogie, elles sont non seulement mises en œuvre à l’école, de façon régulière ou lors de sorties de terrain plus ponctuelles, mais aussi dans le périscolaire. Il s’agit dans ce dossier d’interroger ce qui s’apprend de spécifique dehors.

 

 

N°569 – Enseigner la créativité ? 

Dossier coordonné par Caroline Elissagaray et Angélique Libbrecht

mai 2021

L’injonction à la créativité est répandue dans le monde du travail, mais à l’école, elle semble souvent réservée aux petites classes ou aux filières artistiques. Dans ce dossier, nous envisageons cette notion comme compétence à développer et comme levier pour les apprentissages à tous les âges et dans toutes les disciplines