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Parlons école en 30 questions

Pierre Merle, la documentation Française, collection doc’ en poche, entrez dans l’actu, 2021.

Les choses sont claires dès qu’on se saisit du « petit » livre de Pierre Merle, il s’agit « d’entrer dans l’actu », comme l’indique le nom de la collection, grâce à un petit format : le livre tient facilement dans une poche, il comporte moins de cent pages. Et pourtant, on est surpris de la richesse de ce livre : trente questions vives sur l’école précédées d’une très intéressante préface.

L’ouvrage, construit rigoureusement, consacre systématiquement deux pages en vis-à-vis à la question abordée avec en page de gauche un développement en trois paragraphes (ou trois sous-parties) et en page de droite deux ou trois encadrés pour aller plus loin (graphiques, schémas, textes de lois, citations, etc.). Il est aisé de comprendre que seul un auteur très au fait des questions scolaires a pu faire preuve d’un esprit aussi synthétique.

La table des matières, très maline, se veut un mode d’emploi de l’ouvrage. La préface, ici appelée « Panorama », porte le long titre programme : « L’auteur présente le sujet, son actualité, et l’illustre de faits, de lois, de chiffres, de comparaisons internationales ». Les trente thèmes abordés figurent ensuite sous la forme de questions qui balayent le sujet du sens et de la fonction de l’école (« À quoi l’école sert-elle ? »), des questions sociologiques (« Combien coûte la scolarité d’un élève ? », « Les filles ont-elles de meilleurs résultats que les garçons ?, « L’école favorise-t-elle les catégories aisées ? », « Combien d’élèves sortent de l’école sans diplôme ? »…). D’autres questions sont plus politiques et on peut y lire les sujets de prédilection de l’auteur (« Quelles sont les pratiques de notation au niveau international ? »).

Les questions très actuelles ne sont pas absentes, que ce soit sur le niveau des collégiens ou sur la semaine de quatre jours à propos de laquelle l’auteur, en citant des recherches en chronobiologie ou de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), prend parti : « Un temps scolaire de plus en plus réduit », « Un choix plutôt économique et politique », « Des journées trop longues, une semaine déséquilibrée » nous disent les sous-titres.  Dans le deuxième paragraphe, Pierre Merle estime que « La semaine de quatre jours est une source d’économie […]. Elle est aussi le plus souvent préférée par une partie des professeurs des écoles et des parents. Certains sont désireux de profiter d’un week-end entier ».

D’autres questions, enfin, abordent des questions d’actualité immédiate, par exemple : « En quoi la réforme du bac général et technologique consiste-t-elle ? », avec là encore des sous-titres explicites – « Davantage de contrôle continu », « Des évaluations communes localisées », « Une notation “sanction” plus présente » – prenant parti sur les conséquences d’une telle réforme.

Il faut enfin être sensible à la qualité des sous-titres qui fonctionnent, lorsqu’on les lit à la suite, comme des résumés du sujet traité voire comme des réponses à la question énoncée. Par exemple, à la question « À quoi l’école sert-elle ? », on peut lire « Éduquer », « Instruire », « Favoriser l’égalité des chances », un programme politique puisque Pierre Merle se situe dans la polémique qu’on aimerait dépassée sur l’instruction et l’éducation. Il rappelle ensuite le rôle historique de l’école dont l’objectif premier était, sous l’Ancien Régime, d’éduquer et de « former à la religion et à la vertu ». Les grands auteurs sont convoqués avec une citation de Nicolas de Condorcet qui affirme la nécessité politique d’instruire pour que « le peuple éclairé » confie ses intérêts à des « hommes instruits ». Les deux encarts de la page de droite évoquent pour l’un la production d’un « capital humain » dans une citation de Gary Becker, prix Nobel d’économie – en réalité prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel – en 1972, et pour l’autre le beau discours de Jules Ferry, « De l’égalité d’éducation », en 1870. En peu de lignes, Pierre Merle introduit le sujet de façon efficace.

Le format très resserré peut donner l’impression d’un survol vraiment rapide des sujets abordés, sur les méthodes de lecture par exemple, mais il faut plutôt le lire comme une remarquable introduction qui donne à chacun des pistes de recherche personnelle. Le livre de Pierre Merle s’avère un outil indispensable à de nombreuses personnes : l’étudiant commençant des études pour devenir enseignant, le professeur débutant qui ne voudra pas se contenter des informations très lacunaires, le parent d’élève qui ne veut pas se contenter de discours politiques sans fondement scientifique, l’enseignant confirmé qui a besoin du regard d’un chercheur sur son métier, etc. La liste n’est pas exhaustive. Un livre indispensable donc, qui tient dans la poche, et qu’on pourra facilement sortir lors d’un repas de famille pour contrer les discours réactionnaires et agressifs de l’oncle ou du cousin sur les enseignants !

Il faut juste espérer que cet ouvrage sera régulièrement mis à jour tant il colle parfois à l’actualité éducative la plus récente.

Jean-Charles Léon