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Par compétences, malgré tout ?

Même si un témoignage personnel ne peut prétendre à généralisation, je peux dire que beaucoup d’enseignants de mon entourage professionnel déclarent ne pas comprendre grand-chose au concept de compétence, à ce qu’il est censé apporter et à comment le mettre en œuvre…

Comment l’Institution pourrait-elle promouvoir la pédagogie par compétences auprès des enseignants ?

En définissant précisément ce qu’est une compétence

Le flou qui règne donne lieu à des propositions de définition qui parfois laissent pantois : « Une compétence est le fait de savoir accomplir efficacement une tâche, c’est-à-dire une action ayant un but. » Ou peut laisser à penser qu’elles ne sont que des têtes de chapitres : « Le socle s’organise en sept grandes compétences : chacune est composée de connaissances essentielles, de capacités à les utiliser et d’attitudes indispensables tout au long de sa vie, comme l’ouverture aux autres, la curiosité, la créativité, le respect de soi et d’autrui. »

En initiant une approche pragmatique

Une définition qui se voudrait efficiente sur le terrain pourrait suggérer, a minima, qu’une compétence est un savoir (-faire, -être) utilisé avec succès dans des contextes différents. Ce qui a pour conséquence directe l’obligation de repenser toute évaluation qui se voudrait apprécier le degré de maîtrise par l’enfant d’une compétence. Une nouvelle forme d’évaluation donc, plurielle, réalisée dans un ensemble de contextes différents. Reste alors à définir ces « contextes différents »? Suffit-il d’utiliser ces savoirs (-faire, -être) : à des moments différents ? Dans des exercices différents ? Dans des disciplines différentes ? Dans des procédures différentes (agir / dire / créer) ? Avec des outils différents ?

En évaluant

Une évaluation objectivée concernant les effets sur les progrès des élèves, avec communication des résultats pourrait permettre à chaque enseignant de porter une analyse critique de cette pédagogie, condition nécessaire pour qu’ensuite il se l’approprie et s’y investisse. Non plus en fonction de sa cohérence, du débat qu’elle engendrerait, des arguments développés (en un mot, de tout ce qui peut être perçu comme provisoire, contextuel, idéologique), mais sur la conviction qu’il s’agit bien là d’un acquis. Car dans le cas contraire, peut-être pourra-t-on se réjouir que beaucoup d’enseignants choisissent de refuser de faire des enfants qui leur sont confiés des cobayes pédagogiques, qu’ils préfèrent rester attachés aux méthodes qu’ils maîtrisent, et qui leur paraissent donner de bons résultats.

Car si ces résultats se révélaient objectivement positifs, il en résulterait que l’enseignant sur le terrain pourrait espérer une constance de l’Institution, c’est-à-dire le maintien et le développement sur le long terme de cette pédagogie
Condition sine qua none pour que les enseignants s’investissent, si d’autre part l’Institution veille à en installer les conditions de faisabilité : la pédagogie par compétences ne peut être qu’une pédagogie qualitative prioritairement à une pédagogie quantitative qui viserait à l’acquisition d’une liste conséquente de savoirs, savoir-faire, savoir-être. Il y a ainsi fort à parier que la pédagogie par compétences ne pourra être mise en œuvre de façon satisfaisante, et restera au mieux une demi-mesure, si l’on n’allège pas les contenus actuels pour libérer du temps.

Comment faire de la pédagogie par compétence un rendez-vous réussi ? Des exemples en CE1.

La pédagogie par compétence restera un rendez-vous manqué tant que les programmes ne seront pas allégés pour cibler quelques savoirs, savoir-faire, savoir être, et les faire évoluer en compétences. Avec l’objectif de former intellectuellement des esprits qui sauront ensuite réinvestir ailleurs ce qu’ils auront acquis à l’école. Car si les contenus venaient à être recentrés, il deviendrait possible de réfléchir et d’inventer de nouvelles manières de faire.

Concernant l’acquisition des différentes graphies d’un même son, une pédagogie à tendance quantitative visera, dès le Ce1, à l’acquisition de l’orthographe des mots d’une liste, en espérant que l’enfant fera appel à sa mémoire lorsqu’il aura à écrire un de ces mots.
Une pédagogie à tendance qualitative (telle la pédagogie par compétences), pourrait viser à installer chez l’enfant le doute orthographique, c’est-à-dire le réflexe de se demander quelle est la graphie qu’il va utiliser pour ce son dans ce mot, puis de vérifier ou chercher la réponse en consultant les outils et aides à sa disposition, ou en demandant à l’enseignant. Ainsi, il pourrait être envisagé de proposer une liste de mots, classés par sons, que l’élève de Ce1 utiliserait à la manière d’un dictionnaire, le plus souvent possible, dans des situations de productions d’écrits courtes (phono-comptines entre autres). Ceci pour le sensibiliser aux différentes graphies d’un même son. La mémorisation des mots de ce même « dictionnaire » pourrait être reportée au Ce2 pour y être l’objet d’un apprentissage systématique, faisant sens, puisque s’appuyant sur le vécu de l’enfant.

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L’affichage en classe

Une pédagogie à tendance quantitative va proposer d’enrichir l’affichage de la classe au fur et à mesure de la progression des apprentissages. Il en résulte des murs tapissés d’affiches, et ce avec des objectifs louables, qu’ils soient d’ordres fonctionnel ou esthétique.
Une pédagogie à tendance qualitative (telle la pédagogie par compétences), pourrait proposer un seul outil constamment affiché : la liste des affiches disponibles. Car l’affichage, surtout quand il est surabondant, est souvent sous-utilisé par un certain nombre d’élèves, même si le maître les y encourage. On installera alors un rituel : avant chaque travail, les élèves sont invités à dire de quelles affiches ils auront besoin et pourquoi. Les affiches choisies sont alors exposées au tableau. A la fin du travail, on pourra faire un rapide bilan sur qui a utilisé quelle affiche et à quoi cela lui a servi. En avançant dans l’année, on supprimera les affiches que les enfants auront pris l’habitude d’utiliser, pour en faire des photocopies à insérer dans leurs porte-vues, qui est un outil consultable à tout moment. Même si cela prend du temps, l’investissement est largement positif : se demander de quoi on va avoir besoin pour réussir un travail permet d’entrer dans la tâche sans précipitation (qu’est-ce qu’on me demande ?) et de se mettre en situation de projet (de quoi je vais avoir besoin pour réussir ?).

Les formes conjuguées

Une pédagogie à tendance quantitative va demander aux enfants de mémoriser les formes conjuguées prévues au programme pour les réinvestir à l’occasion de dictées, d’exercices, de productions d’écrits.
Une pédagogie à tendance qualitative (telle la pédagogie par compétences), pourrait proposer à l’élève une stratégie pour réussir : il va lui falloir trouver la forme conjuguée à écrire en se repérant dans plusieurs affiches. La mémorisation de ces formes conjuguées pourrait être repoussée au Ce2, dans la même logique que celle concernant l’acquisition des différentes graphies d’un même son. En pratique, si les enfants ont chaque jour quatre mots à apprendre, le contrôle va se faire sous la forme d’une dictée « mixtes »4 de phrases, inventées à l’occasion. Une dictée qui va se révéler à la fois sommative en ce qui concerne les quatre mots appris et formative concernant la compétence à trouver les formes conjuguées. En particulier, elle va aider l’enfant à avoir une conscience claire de trois points essentiels : On a besoin d’outils pour réussir – On peut réussir si on apprend à se servir de ces outils – Chacun peut y arriver.

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Identifier les premières catégories grammaticales

Un premier exemple : créer des cadavres exquis, à l’oral, en puisant du vocabulaire dans un « dictionnaire » où sont indiquées les catégories grammaticales.

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Un autre exemple : dans toute situation de lecture, on pourrait proposer aux élèves de choisir une phrase, d’en identifier les catégories grammaticales, et de créer à l’oral une phrase nouvelle, étrange ou rigolote, en remplaçant certains mots par d’autres appartenant à la même catégorie grammaticale.
Un dernier exemple : les premiers jets de toutes les productions d’écrits du CE1 pourraient être l’occasion d’identifier pour annoter les différentes catégories grammaticales étudiées en classe. Elles pourraient ensuite être transmises aux CE2 qui corrigeraient les accords puis les rendraient aux CE1 pour écriture ‘au propre.’ Ce qui favoriserait aussi pour les CE2 le développement de compétences par l’application de savoirs dans un autre contexte que celui d’exercices à la seule destination du maître.

Jacques Fraschini