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Louis Burton : « Monter sur un bateau, c’est une magnifique école de la vie »

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Photographie Vincent Curutchet

Comment faire de l’intérêt pour la mer, largement partagé par les enfants, une porte d’entrée dans les apprentissages ? Le navigateur Louis Burton retrace pour nous son parcours et son engagement.
Quel a été l’apport de l’école dans votre choix de devenir navigateur ?

J’ai démarré ma scolarité dans un tout petit village de région parisienne, jusqu’en CE2. J’étais en contact permanent avec la nature : la cour de récréation n’était pas bitumée, c’était en bordure de forêt, il y avait de l’herbe, des arbres, des écureuils, etc. Une vraie chance ! Plus tard, je suis parti plusieurs fois en classe de mer, ça a continué de me sensibiliser à la nature, et j’ai appris à aimer la voile, et l’esprit de compétition.

Après le bac, j’ai fait une école de communication, qui m’a donné un certain nombre de codes autour du sponsoring. Ça m’a aidé ensuite à imaginer une mécanique permettant de garder les sponsors, de les satisfaire. Je savais dès le début qu’il ne suffirait pas de participer, ni même d’être le meilleur, surtout dans un sport mécanique où il y a toujours de l’incertitude : les risques de casse, augmentés, dans la voile, de nombreux facteurs de gêne, comme le vent, les vagues, etc.

Et votre parcours pour devenir skippeur ?

J’avais envie de devenir navigateur depuis tout petit. C’était un rêve qui me semblait inaccessible, parce que je n’étais pas né dans cet univers ni même au bord de la mer. Mais j’avais la chance de faire de la voile pendant les vacances.

À 18 ans, j’ai acheté l’épave d’un voilier de régate, je l’ai retapé avec des copains, on a créé une association et on a commencé à faire des régates à la journée. J’ai revendu et racheté un autre bateau cassé en Irlande, et continué à faire de la régate.

À l’école de communication, on a créé une structure dans l’évènementiel, on essayait de proposer un maximum d’évènements autour de la mer, des bateaux. En 2010, la société avait trois ans d’existence, je suis tombé sur le site de la Route du Rhum. J’ai écrit une longue lettre de motivation, ils m’ont accepté, j’ai envoyé un chèque et c’est comme ça que ça a démarré ! Après, c’est un véritable parcours du combattant : il faut trouver un bateau, le préparer, passer des examens médicaux, le diplôme de secourisme. Il manquait un peu de sous et, lors d’un évènement professionnel, j’ai rencontré le fondateur de Bureau Vallée qui m’a suivi.

Nous avons structuré un parcours de formation en Bretagne, la filière Espoir-Mer Entreprendre. Ça n’existait pas à mon époque. C’est encore très élitiste parce qu’il y a peu de places.

Vous parlez d’élitisme…

Oui. Avant Éric Tabarly, le nautisme était réservé à une élite. Jusqu’à il y a peu, les écoles de voile étaient peu développées en France, mais c’est un sport de plus en plus connu, il y a de plus en plus de supports pour naviguer, c’est de moins en moins cher. Nous voulons le démocratiser, parce que c’est un sport qui oblige à l’humilité, à la prudence, à la concentration. Ça fait beaucoup de bien aux gens de monter sur un bateau, c’est une magnifique école de la vie. J’ai eu beaucoup de cours de voile à l’école des Glénan, créée pendant la Seconde Guerre mondiale par des résistants. Leur slogan est précisément : « École de la mer, école de la vie ».

Quel est votre regard sur le système éducatif ?

Quand j’étais en primaire, on n’était jamais aussi attentifs sur des sujets que quand il y avait quelque chose qui venait de l’extérieur, des parents qui venaient parler de leur métier, par exemple. Quand je discute avec les enseignants, ils me confirment que ça permet d’obtenir une adhésion massive dans la classe. Pour les élèves déjà très impliqués, c’est bien, c’est une autre approche qui continue de les impliquer, mais ça aide surtout énormément tous les rêveurs, qui peuvent parfois décrocher.

C’est pour cela que vous avez voulu créer un kit pédagogique ?

Oui. Depuis 2011 et le début du partenariat avec Bureau Vallée, je vais un peu partout en France pour des rencontres dans les magasins. Un élément clé, c’est de faire venir les classes ou d’aller dans les écoles, pour raconter les mers et les océans, la faune et la flore, du CP au CM2. Des enseignants se sont mis à suivre les courses et mon parcours et en ont fait un projet pédagogique. Quand je reviens dans ces écoles j’ai droit à des chansons, des dessins !

Tous les enseignants m’ont toujours dit que ça permettait d’accrocher les gamins sur le programme de géographie, de mathématiques, d’histoire, sur l’écologie, etc. C’est un fil rouge qui parle d’aventure, de voyage, de mer.

C’est de là qu’est venue l’idée de créer un outil pédagogique autour de cet intérêt pour la mer, pour accompagner les projets et les programmes scolaires. Et donc, on a imaginé le kit « Je découvre le monde avec Louis Burton », afin de sensibiliser les enfants au monde de la mer et à ses enjeux écologiques, de façon divertissante et en utilisant toutes les matières. C’est un outil fait par Virginie Bernard (enseignante en primaire), vraiment adapté pour un projet pédagogique en classe, avec des ressources gratuites et ludiques. Ce n’est pas un outil publicitaire, les marques de mes partenaires n’apparaissent quasiment pas, afin que les enseignants se sentent à l’aise pour l’utiliser sans faire de la réclame.

Propos recueillis par Cécile Blanchard


Article paru dans notre n°562, Profs : exécutants ou concepteurs ? coordonné par Sabine Coste et Nicole Priou, juin 2020.

Comment les enseignants, individuellement et collectivement, interprètent-ils des textes officiels apparemment intrusifs de manière à stimuler leur créativité ? Comment s’approprient-ils des situations matérielles, organisationnelles, sociales fortement contraignantes ?

 

https://librairie.cahiers-pedagogiques.com/revue/798-profs-executants-ou-concepteurs-.html