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Les ateliers, une façon pédagogique de gérer la classe ?

En encourageant l’implication des élèves et de l’enseignant, l’organisation de la classe en ateliers met l’accent sur le développement des compétences et ouvre des pistes pour une gestion de classe plus participative.

La pédagogie par ateliers est un modèle d’enseignement participatif visant la construction des apprentissages et le développement des compétences par le travail en ilots d’élèves, permettant conjointement le travail coopératif ou individuel, et dirigé ou autonome. Les activités en ateliers sont articulées avec les autres modalités pédagogiques de la classe.

Elle est d’inspirations diverses (Freinet, Dewey, Montessori, etc.) et est bien connue à la maternelle. De nombreux enseignants de l’élémentaire s’y engagent, mais beaucoup moins au secondaire. Et pourtant, les avantages sont nombreux. Une des raisons qui explique la réticence de sa mise en place, aux cycles 3 et 4 surtout, est certainement ce changement requis de posture de l’enseignant. Il peut être déstabilisant pour certains, mais tous y voient des avantages dès les premiers pas.

Ainsi, on remarque rapidement cinq avantages importants à la pédagogie par ateliers : elle favorise l’individualisation de l’enseignement et la coopération de tous ; elle permet l’autoévaluation des processus d’apprentissage en continu ; elle encadre l’expression orale comme objet d’apprentissage et comme vecteur ; elle soutient la motivation à apprendre et ses différentes formes d’engagement ; elle facilite une intégration pédagogique des technologies au quotidien.

une organisation claire et souple

Concrètement, nous n’opposons pas les activités d’enseignement ou routines formelles et l’organisation de classe en ateliers. Ces modes de fonctionnement sont complémentaires. Une classe par ateliers permettra d’offrir aux élèves, à plusieurs moments de la semaine, des stations de travail différentes, au choix ou rotatives.

En fonction de la taille du groupe et du temps de présence avec celui-ci, l’enseignant prépare un nombre d’ateliers variant selon la quantité d’équipes de trois à cinq élèves. Ainsi, une classe de vingt-cinq élèves pourra induire cinq ateliers en autant de séances. La durée, allant de vingt à quarante-cinq minutes, est adaptée à l’âge des apprenants et au temps disponible.

Une fois cette logistique programmée, quatre dimensions nous semblent à considérer pour la préparation des séances. Il s’agit de la nature des activités offertes, des outils disponibles, de la qualité de la présence enseignante et la possibilité d’interagir dans les sous-groupes.

Des activités aux compétences

Lors de la planification des tâches présentées aux élèves, en plus de considérer les savoirs abordés, il nous parait important d’articuler le travail demandé dans une approche par compétences et non simplement occupationnelle ou sans rôle particulier dans la progression des apprentissages. Dans la mesure du possible, les activités réalisées doivent faire partie d’un projet ou d’une tâche complexe : d’une situation de compétence.

Nous entendons par compétence « un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes [savoirs, savoir-faire, savoir-être] et externes [bibliothèque, internet, calculatrice, etc.] », comme écrire, calculer, raisonner, s’exprimer oralement, etc. Nous partons du principe qu’une compétence sera davantage travaillée et mieux évaluée à travers une situation d’apprentissage et d’évaluation complexe, comme un projet.

Cependant, l’atelier permet de maitriser et d’entrainer les savoirs visés dans celle-ci. Deux catégories sont à différencier : les situations de connaissances et celles d’habiletés.

Par exemple, les élèves pourraient découvrir des adjectifs pour décrire leur maman (situation de connaissances) afin de composer un poème pour la fête des mères (situation de compétence au cycle 2). Comme autre exemple, un atelier pourrait être de s’entrainer à calculer le volume de boites rectangulaires ou leurs couts d’envoi selon la grosseur des paquets (situations d’habiletés), afin que les élèves puissent dans un projet de découverte d’un trésor archéologique fictif choisir les emballages appropriés pour envoyer les artéfacts trouvés au musée au prix le plus abordable (situation de compétence au cycle 4). Chaque atelier doit aussi laisser la chance à l’élève de s’autoévaluer et de se faire évaluer, et parfois de s’autocorriger en amont.

Les outils disponibles

Dans la planification des ateliers, cette composante plus technique nous parait pouvoir soutenir la motivation à apprendre des élèves tout au long de la séquence d’ateliers. En effet, quand les outils utilisés pour leur réalisation sont divers et pertinents, les élèves se sentent plus engagés. Par exemple, il peuvent parfois utiliser du papier et du crayon avec enthousiasme, car ils savent qu’ils utiliseront ensuite d’autres outils particuliers (ex : ChatGPT, blocs de manipulation, applications tablettes, compas, cartes géographiques, jeux sérieux, etc.) ; et ce, malgré un contenu peut-être moins attrayant.

Non seulement le potentiel est illimité, tant qu’il sert à l’apprentissage, mais quelques exemplaires de l’outil, comme des jeux, des appareils technologiques (ordinateurs portables, robots…), ou du matériel d’arts plastiques, suffisent comparativement à la même activité faite en groupe classe. Cela peut permettre à des établissements scolaires à faible budget de maximiser l’utilisation des outils numériques disponibles en quantité limitée.

Nous avons été progressivement  amenés à réfléchir à la place et au rôle de l’enseignant au sein des ateliers. Ne pouvant être physiquement présent dans chaque ilot en même temps, il est fondamental, pour le professeur, de trouver un équilibre entre les ateliers dirigés, semi-dirigés ou autonomes pour ne pas surcharger ses interventions, prendre le temps d’accompagner et développer l’autonomie de ses élèves.

Des interactions à gérer

Aussi, dans le fonctionnement que nous encourageons, un seul atelier est considéré comme dirigé, c’est-à-dire que l’enseignant devra y être présent pour mener un enseignement explicite ou un encadrement particulier essentiellement au début du temps de travail, pendant que les autres seront engagés dans leurs tâches sans le déranger. Le contenu peut être nouveau ou difficile pour les apprenants.

Un ou deux ateliers pourront être semi-dirigés, c’est-à-dire que l’enseignant sera là en appoint après avoir terminé son temps avec l’atelier dirigé. Les élèves de ces ateliers devront être entrainés à respecter cela et le maitre devra s’assurer qu’ils aient leurs pairs ou des ressources matérielles pour les aider au besoin. Le contenu abordé est partiellement acquis par les élèves. Ici, la mise à disposition de consignes par des enregistrements sonores ou vidéos, permettant de cloner la présence de l’enseignant et de guider les élèves de manière asynchrone dans un atelier, est une belle possibilité.

Finalement, plusieurs ateliers doivent être autonomes, c’est-à-dire que les élèves n’ont aucunement besoin de l’adulte pour réaliser les tâches. Les notions abordées relèvent essentiellement de la consolidation des apprentissages. Les outils nécessaires pour aider sont fournis.

La dernière dimension que nous préparons toujours avec beaucoup d’attention, avant le lancement de la séquence, concerne la nature des interactions entre les élèves durant l’atelier. Celle-ci peut être coopérative, c’est-à-dire que les interactions sont cadrées par une structure d’apprentissage coopératif, comme celles proposées par Spencer Kagan aux États-Unis. Cependant, ces structures doivent être entrainées au préalable en ateliers dirigés avant d’être maitrisées par les élèves pour des ateliers plus autonomes. Un seul atelier coopératif doit être programmé pour éviter un climat de travail trop bruyant. Ensuite, les interactions entre les élèves peuvent être au besoin pour demander de l’aide uniquement à ses pairs.

Finalement, les interactions avec les pairs peuvent être interdites, laissant l’élève à lui-même, sauf si l’enseignant y propose son aide. Quelques ateliers peuvent correspondre à ce critère, avec la précaution qu’il y ait bien plus d’ateliers calmes que d’ateliers bruyants.

La coopération au service du climat de classe

Toutes les informations de ces quatre dimensions doivent être présentées oralement et visuellement aux élèves, ainsi que verbalisées par ceux-ci en début de séquence et avant chaque séance d’ateliers. Des mises en commun régulières peuvent permettre aux élèves de mettre des mots sur les savoirs mobilisés ainsi que les obstacles surmontés et d’offrir ainsi des stratégies gagnantes à leurs camarades pour poursuivre les ateliers. Tout cela aura pour effet d’augmenter leur engagement cognitif, comportemental et affectif envers les tâches.

Nous sommes convaincus que la gestion de classe par ateliers est une modalité très intéressante pour les élèves du primaire et du collège. Elle s’implante plus facilement au premier degré, car le professeur passe plus de temps avec son groupe, mais elle est aussi possible au secondaire, particulièrement dans les cours de langues ou de mathématiques.

Les avantages sur la motivation des élèves, sur le climat de classe et sur le plaisir d’enseigner sont nombreux. Bien pilotés, les ateliers peuvent offrir un contexte d’apprentissage engageant où les élèves se sentiront compétents, autonomes et en relation. Néanmoins, la maitrise de ce genre de gestion participative de la classe nécessite du temps et de l’investissement de la part de l’enseignant ainsi que de l’accompagnement. Pour vous aider, nous avons développé des outils libres de droits sur le sujet. Allez, lancez-vous !

Emmanuel Bernet
Enseignant, chercheur et formateur à l’International French School de l’AEFE (Agence pour l’enseignement fraçais à l’étranger) à Singapour
Sandrine Gourdon D’Henin
Professeure des écoles et conseillère pédagogique dans l’académie de Paris

Bibliographie

Emmanuel Bernet, « La pédagogie par ateliers : Gestion de classe, motivation scolaire, différenciation et technologies » [Prezi], Séminaire de pilotage pédagogique du premier degré de la zone Asie-Pacifique de l’AEFE, Shanghai, novembre 2017 : http://tiny.cc/prezi-shanghai.

Jacqueline Caron, Quand revient septembre. Recueil d’outils organisationnels (Vol. 2), Chenelière, 1997.

Micheline-Joanne Durand et Roch Chouinard,  L’évaluation des apprentissages : De la planification de la démarche à la communication des résultats. Éditions MD, 2012.

Spencer Kagan et Miguel Kagan, Kagan Cooperative learning, Kagan Publishing, 2009.

Ginette Lemay, Intégrer les ateliers d’apprentissage dans ma classe, Hurtubise, 2004.

Jacques Tardif, L’évaluation des compétences : Documenter le parcours de développement, Chenelière-éducation, 2006.


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