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L’Éducation nouvelle. Répondre aux défis éducatifs et sociaux de notre temps

Michel Baraër, Michel Neumayer, Sophie Reboul, Étiennette Vellas (dir.), Chronique sociale, 2022

Cet ouvrage porté par un « collectif d’enseignants », coordonné par des membres du GFEN et du LIEN, retrace l’histoire de l’Éducation Nouvelle, du Congrès de Calais en 1921 à ConvergENces, un siècle plus tard. Il s’adresse tout autant aux curieux de parfaire leurs connaissances dans ce qui a donné naissance à l’Éducation Nouvelle, qu’à celles et ceux qui souhaitent se familiariser avec ses pratiques.

Les deux rencontres internationales de référence ont été l’expression de réactions à des traumatismes : la première guerre mondiale en 1921, une crise écologique, sanitaire et de civilisation en 2021. En 1921, des personnalités d’une quinzaine de nations, et surtout des catégories d’acteurs de l’éducation le plus souvent séparés : des scientifiques de l’enfant, des professionnels de l’enseignement, des militants avérés de l’Éducation Nouvelle bien que de sensibilités différentes se rencontrent et permettent l’émergence de collectifs solidaires pour construire un monde de paix et de fraternité. Cent ans plus tard, les mouvements pédagogiques se retrouvent autour de valeurs fondamentales comme la coopération et l’émancipation pour contribuer à créer un avenir plus juste, fondé sur la solidarité. L’ouvrage donne la parole à des acteurs de terrain, pédagogues, militants des huit mouvements fondateurs, dont le CRAP-Cahiers pédagogiques. Qu’ils soient connus ou non, tous sont entendus, parce que cette diversité aussi, est une spécificité de l’Éducation Nouvelle.

La première partie de l’ouvrage donne à voir des pratiques récentes, puis aborde des moments fondateurs, les débats en cours. Il est questions Un accent particulier est mis sur la notion de réseau : de pays, de luttes (savoirs et démocratie, savoirs et dignité)/ En fait, dans ce livre se déroule une fresque historique avec de nombreuses références bibliographiques, des témoignages de tâtonnements, de mises en place, d’ateliers par celles et ceux qui les ont menés. Ils y décrivent leurs pratiques en contexte, partagent leurs réflexions, l’inventivité dont ils ont fait preuve pour accueillir l’imprévu. Les compagnons, organisateurs, éducateurs, enseignants mettent en place des dispositifs pour éduquer tous les enfants, parce qu’ils ont confiance dans l’humain. Les dispositifs qui articulent savoir-faire, savoirs, création, imaginaire au service de l’émancipation sont sans cesse interrogés par les praticiens.

Le projet de l’Éducation Nouvelle s’est développé et structuré à partir des années 1921 sous la forme d’une Ligue Internationale pour l’Éducation Nouvelle. Il se nourrit de philosophies et pense l’avenir à travers l’émancipation des sujets et des collectifs. Cet ouvrage est un hommage à la capacité d’invention des pionniers, à leur rigueur, à leur détermination, qui nous inspire. Fort de notre connaissance des effets de l’impact des régimes autoritaires et des régimes fascistes sur l’éducation, les auteurs revendiquent une éducation émancipatrice à l’opposé de ces ignominies, poursuivant l’idée de faire rupture avec un passé de guerre, de haine et de totalitarisme.

C’est aussi un refus de la routine, une dynamique du mouvement, elle est porteuse d’audace. Elle s’invente au quotidien, en classe, dans la prolongation d’une formation, avec des publics parfois très éloignés de l’école. il ne s’agit pas d’une « méthode », mais bien une façon de « faire autrement », de s’engager, de donner goût aux savoirs. Elle s’oppose à une éducation statique de la reproduction. Elle croit en l’Autre, dans les autres. Elle n’est pas séparable de la vie sociale. Le mot d’ordre du GFEN dans les années 60 « Tous capables ! » est repris dans plusieurs chapitres, explicité, interprété, il rythme les récits. Ses déclinaisons conduisent à comprendre que l’Éducation Nouvelle a pour objectif de contrer le fatalisme biologique et sociologique. C’est un véritable projet politique qui ne peut pas être réduit à des dispositifs pédagogiques.

La Biennale de 2022 se situe dans le prolongement des orientations des textes fondateurs de 1921 et 1932, elle exprime le désir de structurer un projet éducatif qui éduque à la fraternité, à la solidarité, à la coopération nécessaire à une culture de paix et de démocratie, comme en atteste le Manifeste rédigé collectivement. Les témoignages attestent du fait que la recherche militante en éducation ne s’est jamais arrêtée, même si elle est moins diffusée que celle qui ne l’est pas.

L’Éducation Nouvelle amène à questionner contenus, modalités d’apprentissages et temps scolaires. Cette posture réflexive du praticien qui interroge aussi ses gestes professionnels, qui cherche à comprendre ce qui fait rupture ou empêchement, est peut-être à l’origine de la solitude qu’il subit sur son lieu de travail, en milieu ordinaire… C’est là un autre intérêt de cet ouvrage, savoir que l’on n’est pas seul !

Clothilde Jouzeau