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L’école qui donne des ailes

Josse Annino, éditions Désirs d’école, 2021

Dans le panier « éducation » des livres de la rentrée, celui-ci restera sur le podium des ouvrages qui peuvent aider les professeurs à faire mieux leurs métiers et les parents à les comprendre ! La démarche de l’auteure, réfléchie, réflexive et pragmatique propulse au premier rang des outils accessibles et exemplaires du fonctionnement de l’Ecole. De plus, Annino rompt avec le circuit complexe et trop souvent verrouillé de l’édition traditionnelle. Elle crée sa propre maison d’édition en l’adossant à l’association « Désirs d’école »

Le titre emprunte à Jacques Lévine, psychanalyste qui, sa vie durant chercha à rapprocher la pédagogie et la psychanalyse, promut « l’école des quatre langages » et bien d’autres ressources. On lui doit les groupes de soutien au soutien, les ateliers philo, les ateliers de réflexion présentés dans différents ouvrages et référencés dans l’école qui donne des ailes et sur le site de l’association des groupes de soutien au soutien (AGSAS). En ce qui concerne la pédagogie Josse Annino cite Meirieu qui a aussi croisé Lévine. En tout début d’ouvrage, comme un pied de nez, elle laisse croire, citant Meirieu,  que tout a été dit et tout reste à faire. Mais le contenu de son livre tout entier démontrera aux lecteurs qu’il n’en est rien. Beaucoup a été fait, il restait à l’écrire, à le décrire pour montrer que des professeurs d’école œuvrent au quotidien afin que leurs élèves grandissent avec encore plus d’humanité dans leurs comportements, apprennent ensemble à lire, écrire et compter mais aussi à réfléchir et échanger…

La première partie du livre (une centaine de pages) présente « 7 docu-fictions ». Sept immersions au plus près des pratiques de sept enseignants : Corinne -dans sa classe d’une école rurale à plusieurs niveaux-, Emmanuel -en école maternelle-, Stéphanie -dans un CM1d’une école à 10 classes-, Nathalie -école de 15 classes en zone d’éducation prioritaire-, Paul -école de centre-ville de 10 classes-, Caroline -école primaire de 13 classes en ZEP- et Fouzia -école de 4 classes de centre-ville-. La lecture de cette partie offre une vision, diversifiée, relativement complète de la réalité des professeures et professeurs des écoles.

La seconde partie -l’auteure a longtemps été formatrice- propose des outils et des ressources pour les professeurs et les formateurs. Treize, au total, qui aideront les unes et les autres au sein d’une « école pour apprendre, (une) école qui fait grandir en humanité ». Les enseignants débutants ou en devenir pourront se nourrir de ces fiches didactiques, pédagogiques, informatives et formatives. Ils pourront utiliser ces propositions et les exploiter pour tenter de gagner un concours mais surtout pour « faire la classe à la classe ». Les thèmes abordés sont diversifiés : « préparer la rentrée et le premier jour de classe » ; « différencier sa manière d’enseigner » en ne confondant plus différenciation avec individualisation ; « gérer les débordements » plus ou moins violents, parfois même les insultes au sein d’une classe ; « trouver un moyen de féliciter » celles et ceux que les apprentissages rebutent en leur montrant qu’ils sont capables, eux aussi, d’apprendre et de réussir –c’est la réussite qui suscite et génère la motivation. Pas l’inverse– ; et enfin « réaliser un exposé et un exercice d’expression orale ». Et là, franchement, les collégiens et lycéens -mais aussi leurs professeurs- trouveront des informations utiles alors que « le grand oral (du baccalauréat) continue à faire peur…

L’ouvrage n’évoque pas les Inspé, ignore la hiérarchie, ne dit rien du ministre. C’est un peu comme si l’auteure avait intégré que, faire vivre l’école qui donne des ailes ne peut exister qu’à partir de l’engagement de ses professeurs, des échanges organisés entre pairs et de la co-réflexion qui décuple les intelligences et permet la mise en acte des gestes professionnels efficients. Elle n’évoque pas non plus « l’école de la confiance », slogan ressassé. Elle accorde sa « confiance dans la capacité de discernement des enseignants et dans leur capacité à inventer une école plus juste et plus humaine ». Le livre se referme après la présentation de la charte de « Désirs d’école » -association et maison d’édition- tisseuse de liens entre les professionnels de l’enseignement, de l’éducation, du soin et de la formation. Celles et ceux qui se reconnaitront dans ses valeurs peuvent rejoindre l’association, invités à « s’engager dans une démarche de formation et participer à un groupe de réflexion ».

Dominique Senore