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Le socle commun en France et ailleurs

Les Actes d’un colloque organisé fin 2010 par l’institut de recherches du SGEN. Un moyen de sortir des débats franco-français et d’aller voir « ailleurs » pour mieux revenir dans la nécessaire mise en œuvre d’un nouveau paradigme pour l’école.

Les derniers résultats de PISA confirment que la France est parmi les meilleurs pays pour produire une élite. Mais que fait notre École pour aider les 50 % de nos élèves qui éprouvent des difficultés à s’intégrer dans la société de demain ? Et que se passe-t-il de l’autre côté de nos frontières ? Reprend-on ailleurs l’idée de « socle commun » et de « travail par compétences » ?

Pour y voir plus clair, l’IREA, institut de recherches du SGEN-CFDT, a rassemblé dans un colloque fin 2010, des universitaires, des représentants institutionnels, des syndicalistes et des praticiens de pays francophones européens. Présenté par Françoise Clerc et Jean-Michel Zakhartchouk, ce colloque a été l’occasion de sortir des frontières pour aller voir ce qu’on peut tirer d’expériences étrangères pour mieux revenir à notre pays, notamment lors de la table ronde finale plus franco-française (avec le député UMP Grosperrin et le leadeur du SGEN Thierry Cadart).

Les intervenants ont rappelé les origines historiques et les éléments déclencheurs d’une réflexion politique sur la nature et les objectifs de l’école dans les pays de l’OCDE (intervention de Claude Lelièvre). En 2000, ce sont les résultats des évaluations PISA qui ont amené les gouvernements européens à se pencher au chevet de l’École. Mais déjà en 1983, les États-Unis avaient pris conscience de la forte corrélation entre les inégalités scolaires et sociales (intervention de Denis Meuret). L’école peut-elle inverser cette tendance et les solutions sont-elles dans l’idée de socle commun, quelles que soient ses appellations ? Enjeux apparaissant avec clarté dans la contribution stimulante de Roger-François Gauthier…

Les critiques qui sont faites au socle ont bien entendu été analysées. La première émane d’une vision élitiste de l’école : le socle manquerait d’ambition (baisse du niveau), ou au contraire serait trop ambitieux (niveau inatteignable pour le commun des élèves). La seconde est que le socle serait un produit du néolibéralisme, même si l’on peut remarquer que les politiques les plus engagées en ce sens ne s’en réclament guère. La troisième critique porte davantage sur les choix effectués pour la mise en œuvre. Même si les États affirment vouloir renforcer leur politique éducative en définissant un socle dont les compétences qui le composent sont conçues comme indispensables à l’insertion professionnelle, sociale et civique des élèves, les disparités fonctionnelles, voire les dysfonctionnements, ralentissent son effectivité sur le terrain et découragent les acteurs.

La table ronde autour de l’entrée par les compétences dans différents pays a permis d’en savoir plus sur des systèmes éducatifs qui se sont engagés depuis un certain temps dans cette voie. Sabine Kahn a montré le décalage entre intentions des politiques et réalités du terrain. Et Jos Bertemes, du Luxembourg ou Olivier Maradan, de Suisse romande ont apporté leur témoignage sur la difficile construction d’une politique cohérente qui tienne compte aussi de la diversité des situations et permette de dépasser les débats idéologiques qui trop souvent paralysent. Comment prendre en compte l’existant et ne pas se contenter d’empiler les dispositifs ? Comment mieux poser la question de l’évaluation ou des standards à atteindre ?
Le rôle de l’enseignant, principal acteur de la mise en œuvre du socle, est en tout cas appelé à être redéfini : doit-il rester le technicien appliquant les programmes de l’État, avec peu de place pour l’autonomie ? Doit-il évoluer vers la fonction d’ingénieur comme en Finlande, véritable professionnel capable de concevoir un curriculum articulé autour de compétences, elles-mêmes choisies en fonction de ce qui sera évalué ?

Des avancées concrètes voient le jour, notamment dans les pays francophones qui nous entourent, lorsque la volonté politique s’accompagne d’actes facilitateurs. Les témoignages très encourageants d’une équipe de circonscription à la Goutte d’Or, Paris, autour de Claire Boniface, donnent un peu d’optimisme, au milieu d’un chantier encore largement inachevé.
En fait, il s’agit là d’un nouveau paradigme pédagogique, mais finalement aussi sociétal, qui est plus que jamais en construction, et peut-être dans l’urgence. La question de l’école est prégnante dans toutes les sociétés occidentales et la définition des savoirs et des compétences à maitriser y joue un rôle fondamental.

Le socle commun est-il une réponse à « l’effritement d’un idéal égalitaire » ? En tous cas, les États nations et les États fédéraux se sont engagés pour chercher ensemble une harmonisation des objectifs et des enseignements. Et c’est une première !

Cathy Marret