Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Le cerveau au cœur des apprentissages

Couverture du livre « Le cerveau au cœur des apprentissages »

Couverture du livre « Le cerveau au cœur des apprentissages »Michelle Bourassa, Mylène Menot-Martin, De Boeck, 2024

Michelle Bourassa est psychologue clinicienne de formation et a été professeure en faculté d’éducation et Mylène Menot-Martin est enseignante et conseillère pédagogique. Toutes deux ont déjà produit en liaison avec une orthopédagogue, Ruth Philion, « Neurosciences et éducation », un ouvrage visant à éclairer avec les neurosciences, des pratiques et des ressentis de l’accompagnement à l’apprentissage.

Avec cet ouvrage, il s’agit d’analyser des situations rencontrées par des personnels scolaires dont des enseignants, par des élèves et par des parents, en s’aidant des connaissances que l’on a du fonctionnement cérébral. Qu’apporte-t-il de nouveau ? D’abord, il nous semble que cette centration sur le cerveau se justifie pleinement car si des ouvrages traitaient par exemples de la confiance en soi ou de l’épistémologie des disciplines ou du rapport entre l’individuation et la socialisation ou de l’autorité de l’enseignant ou de la place du corps, ou … au cœur des apprentissages, tous ces focus seraient bien en dernier ressort sous la gouverne du cerveau de celui qui apprend. Le cerveau est ici abordé non pas comme un ensemble de structures inertes de réseaux de neurones en fonctionnement, mais comme une conscience apprenante. En fait, un titre comme « Le cerveau, conscience apprenante au cœur des apprentissages » pourrait a priori sembler plus proche des intentions des auteures et moins rebuter des lecteurs peu ouverts a priori aux sciences biologiques qu’ils réfèrent exagérément à des structures inertes.

Ensuite il nous semble que le livre apporte quatre contributions d’importance.

  • Pour les lecteurs variés auquel il s’adresse (des parents, des personnels scolaires dont des enseignants, des élèves), en partant de situations diverses dans et hors de la classe, il témoigne d’une lecture de la situation décrite, il cherche à en dérouler les dimensions neurologiques et pour terminer, il suggère des pistes d’action. Trois temps désignés par trois verbes : ressentir, comprendre, agir.

Le souci des auteures, étant donné leur formation initiale, semble bien d’inscrire des actions d’accompagnement fondées dans les domaines psychologiques et pédagogiques, dans un cadre explicatif scientifique. En quelque sorte, éclairer ainsi autant que faire se peut le pédagogique par le scientifique.

  • L’intérêt de l’ouvrage réside ensuite dans sa structuration et son mode d’écriture.

Une première partie éclaire l’activité cérébrale, en développant l’idée forte de la plasticité du cerveau qui permet à chacun de s’ adapter aux situations qui se présentent. Deux autres éléments clés sont exposés : les trois axes (gauche/droite ; arrière/avant ; dessus/dessous) selon lesquels le cerveau est construit et les filtres par lesquels nous entrons en contact avec une situation (le plaisir, l’inférence, le mouvement, l’imagination).

Vulgariser est toujours une entreprise ardue qui conduit à catégoriser donc à séparer avant de réunir et à user de métaphores. Ici la dissociation des modes d’approche du monde qui est proposée ne pourrait-elle pas être d’insister davantage sur les synergies : le plaisir ne peut-il pas découler de l’imagination ou de l’inférence, cette dernière ne surgit-elle pas parfois de l’imagination ?…

Les quatre parties qui suivent mettent l’accent successivement sur le corps apprenant, sur nos émotions apprenantes, sur nos pensées apprenantes et enfin sur les liens corps-cœur-pensée. Les très nombreux témoignages de situations rapportées rendent la lecture fluide et très agréable. Ces témoignages, d’une part, nous font revenir aux éléments de la partie un et, d’autre part, découvrir l’importante synergie qui active le corps, l’émotion et la pensée en situation inattendue et signifiante.

  • L’intérêt de l’ouvrage réside encore dans les fiches de travail et la banque de ressources pour l’enseignant, qu’il est possible de découvrir en ligne ainsi qu’aux cahiers pratiques toujours en ligne destinés aux parents et aux élèves. Le tout accompagnant gratuitement le livre.
  • Dernier intérêt de cet ouvrage : la fortune de capsules neuro et l’abondance d’illustrations et de tableaux rendant la lecture agréable et limpide ; enfin la richesse de ressources bibliographiques.

Certains ouvrages cherchent à dicter l’accompagnement en formation ou en classe à partir de données neurobiologiques qui prennent de fait un ascendant sur des hypothèses d’action fondées sur des choix d’actions pédagogique, éthique, psychologique, didactique.  Le cerveau au cœur des apprentissages se justifie par une démarche inverse, cherchant à éclairer par la science biologique les hypothèses d’action précédentes. C’est là son grand intérêt. : éclairer et non prescrire en établissant un pont entre les sciences humaines et sociales et les sciences biologiques.

Michel Develay