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EDD : d’un Cahiers pédagogiques à l’autre

Le dossier de janvier 2010 des Cahiers pédagogiques aborde l’éducation au développement durable, huit ans après sa dernière publication sur le sujet (n° 405, 2002). D’un dossier à l’autre, si le thème semble identique, la manière dont il est traité est fondamentalement différente et reflète les évolutions récentes de ce champ éducationnel.
Le numéro de 2002 l’aborde dans une perspective développementiste. C’est de l’éducation au développement dont il s’agit avant tout. La grande majorité des articles fait des liens avec les pays du Sud, essentiellement en Afrique. Le numéro de 2010 prend en charge plus largement l’environnement et l’écocitoyenneté. La question du Sud y est presque absente. Ces changements sont révélateurs du glissement qui s’est opéré de l’éducation à l’environnement et au développement vers l’éducation au développement durable. Ils ont été impulsés par l’Unesco à l’échelle internationale et déclinés ensuite au sein de l’Éducation nationale française. Si la filiation de ces « éducation à » est réelle, l’éducation au développement durable marque une rupture. Le premier point de divergence porte sur le partenariat.

Le partenariat, une option ?

Le partenariat est un des piliers de l’éducation à l’environnement et au développement, car ces « éducations à » se sont constituées en dehors du champ scolaire. Les associations bénéficient dans le domaine, d’une légitimité et d’un savoir-faire historique que reconnaissent les circulaires introduisant respectivement l’éducation à l’environnement et l’éducation au développement à l’école. Celle de 2004[[Circulaire n° 2004-110 du 8 juillet 2004.]] recommande qu’« en fonction des ressources locales, les enseignants [mettent] en place des partenariats propres à enrichir les démarches pédagogiques. La pratique des partenariats a été largement développée dans le cadre des actions culturelles et éducatives. » De la même manière, celle de 2005[[BO n° 41 du 10 novembre 2005.]] invite « les établissements scolaires […] à s’attacher le concours des collectivités territoriales, ainsi que celui d’intervenants extérieurs qualifiés et d’associations de solidarité internationale offrant toutes garanties au regard du service public ». Les Cahiers pédagogiques de 2002, dont un certain nombre d’auteurs sont issus du monde associatif, reflètent cette tradition partenariale.
La circulaire de 2007[[BO n° 14 du 5 avril 2007.]] (qui met en place l’éducation au développement durable à l’école) a une position plus distanciée par rapport aux partenaires. Les associations sont mises sur le même plan que les entreprises ou les fondations, regroupées sous la bannière des « acteurs civils ». Les collectivités et les services déconcentrés de l’État semblent bénéficier de plus de crédits. Quels qu’ils soient, les partenaires sont circonscrits à la place et au rôle définis par les enseignants, ces derniers restant à l’initiative du projet et entièrement responsable de sa conduite[[Ce constat ne reflète pas le point de vue de l’auteur, mais l’analyse tirée des circulaires scolaires en matière d’EDD.]]. Malgré l’affichage, le partenariat semble plutôt en recul dans la circulaire de 2007. Par rapport à l’éducation à l’environnement et au développement, l’EDD initie un mouvement de repli de l’école sur elle-même.

Un recentrage sur l’école

Avec la circulaire de 2007, l’établissement scolaire, en tant qu’espace géographique, devient le principal lieu d’ancrage et d’exploration des projets d’EDD (démarche E3D). C’est aussi le lieu de réinvestissement des apprentissages réalisés par les élèves. Dans cette perspective, les sorties scolaires et les classes transplantées ne sont plus indispensables puisque c’est la découverte de l’environnement local qui prime. Par conséquent, les partenaires aux compétences reconnues en matière de pédagogie de terrain deviennent moins nécessaires. Les disciplines scolaires deviennent la colonne vertébrale des projets pédagogiques des enseignants. « La mise en œuvre de l’EDD doit d’abord reposer sur les enseignements obligatoires. »
Le recentrage visible de l’éducation au développement durable sur l’école a été impulsé par les textes internationaux (conférence de Moscou, 1987 ; programme Action 21, 1992) qui ont encadré sa mise en place. Ces textes définissent l’éducation comme le principal levier de sa généralisation. Certes il n’exclut pas des actions dans d’autres milieux, vers d’autres publics. Néanmoins, l’école reste au centre des politiques définies. Le dernier numéro des Cahiers pédagogiques illustre parfaitement ce recentrage sur l’école. Une grande partie des contributeurs sont issus de l’Éducation nationale (IGEN, enseignants).
L’éducation au développement durable, bien qu’inscrite dans la lignée de l’éducation à l’environnement et au développement, mobilise des stratégies sensiblement différentes de ces prédécesseurs. Le partenariat et la place de l’école en sont les exemples les plus flagrants.

Caroline Leininger-Frézal, INRP.