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Des collégiens dans la peau de poilus

Deux classes de 3e du collège Jean-de-La Fontaine à Roanne participent au programme national Jeunes en librairies. À cette occasion, les collégiens rencontrent l’autrice Catherine Cuenca, échangent avec elle et lisent leurs lettres de combattants des tranchées.

Jeunes en librairie est un dispositif d’éducation artistique et culturelle (EAC) qui permet aux jeunes de découvrir les librairies et leur rôle essentiel dans la chaine du livre. C’est également l’occasion, pour des collégiens, de rencontrer des auteurs et des libraires.

Le projet initié au collège Jean-de-La Fontaine de Roanne par les professeurs de français et d’histoire avec la documentaliste s’inscrit dans le programme des classes de 3e concerné par les thèmes de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Les élèves lisent les livres de Catherine Cuenca, écrivent des lettres de soldats et effectuent des recherches documentaires en vue de confectionner une exposition présentée lors des portes ouvertes de l’établissement

Au jeu des questions-réponses, Catherine Cuenca se prête volontiers. Les élèves comprennent alors comment lui sont venues l’idée d’écrire, dès 8 ans, et son envie d’en faire un métier, dès la classe de 2de. Ils découvrent également l’importance du travail de documentation et de recherche pour rédiger un roman historique, se mettre dans la peau des personnages. Enfin, ils constatent que, parfois, le métier d’autrice se rapproche de celui d’élève, quand, par exemple, Catherine Cuenca évoque une commande d’un éditeur sur un sujet précis, comme c’est le cas pour Il faut gagner la bataille de Verdun. Un peu comme une rédaction dont le sujet est imposé par le professeur.

« Je t’écris cette lettre depuis les tranchées »

La rencontre avec Catherine Cuenca en novembre, un entretien avec la libraire roannaise Valérie Rochette en janvier et la visite d’une imprimerie en mars : ces trois temps forts constituent un ensemble qui permet aux élèves de mieux comprendre comment se construit un projet rédactionnel. Peut-être peuvent-ils créer des vocations personnelles ou professionnelles ? Rendez-vous dans quelques années pour le savoir.

La rencontre des collégiens avec Catherine Cuenca a montré qu’il fallait parfois se mettre dans la peau des personnages d’un roman historique. Avec la lecture de La Marraine de guerre, le premier roman de Catherine Cuenca, publié en 2001, les collégiens ont découvert des lettres de poilus. Un travail approfondi de recherche et de documentation leur a permis, tels des romanciers, de se mettre dans la peau de Léon ou de Maurice, deux poilus qui prennent la plume, le 3 octobre 1915.

Les collégiens accompagnés d’Anne Rovira, documentaliste, présentent leur « lettre de poilu ».

Voici des extraits des lettres qu’ils ont ensuite rédigées :

« Désolée ma chère, le temps s’est rafraichi dans les tranchées c’est très humide et glacial. Nous mangeons de la soupe de temps à autre […] vivons et passons nos nuits dans ces espaces clos et remplis de boue, cette dernière se mélange fréquemment à notre nourriture […]. Le pain, lui, est de piètre qualité, mon estomac réclame […] tellement il souffre. Je souffre de mal de dos et de froid, ce pourquoi je ne t’ai pas écrit ces derniers jours.

Hier, nous sommes passés à l’assaut, il nous a d’abord fallu traverser le no man’s land. Arrivés chez l’ennemi, la moitié du régiment n’était plus, nous nous sommes pris des clous et des tirs de fusils venant de tous les côtés, ce qui m’a valu la perte de mon avant-bras gauche. Nous marchions sur les corps inanimés de nos camarades à chaque mètre. Ces visions sont celles que je hais le plus, mais je me dois de rester fort et de faire preuve de sang-froid afin de survivre. Je n’ai plus envie de me battre. Nous souffrons atrocement et nous ne sommes pas les seuls, les Allemands sont du même avis, où est donc l’utilité de cette guerre sans fin ? Je me force de survivre pour toi, les enfants et Hubert […]. Je vous embrasse fort en espérant vous revoir dans un temps proche.
Léon Penet »

« Ma bien chère Marie, j’aurais bien voulu t’écrire hier mais la guerre était tellement violente que je n’ai aucun moment pour moi […] hier soir, après un violent assaut des soldats allemands, mes camarades et moi avons dû monter en première ligne. Tu ne peux pas te faire à l’idée combien c’était horrible : des blessés et des cadavres à perte de vue, des cris et des pleurs […]. Dans le chaos de ce champ de bataille j’ai retrouvé contre toute attente Fernand qui lui a survécu à la première ligne mais pour ce qui est d’André, ma pauvre Marie, nous n’avons pas eu de nouvelles depuis bien des semaines…
Ton frère Maurice »

« Je t’écris cette lettre depuis les tranchées. Cela fait plus d’un an que je combats, les décors sont sans vie et se ressemble tous. Je suis au bon milieu d’un champ de cadavres. L’odeur du sang accompagne mes journées […]. Les batailles sont sans fin et chaque seconde d’inattention peut être fatale […]. Les chances de survie diminuent de jour en jour mais par contre la peur grandit […]. La guerre a été déclenchée à causes de gamineries du gouvernement […]. Sois-en sûre que je vous aime et pense à vous chaque fois qu’on lance un assaut.
Léon Penet »

Pouvait-il y avoir meilleur hommage à ces soldats de la Première Guerre mondiale ?

Dominique Sénore
Pédagogue

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