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Co-intervenir, coenseigner, conanimer
L’injonction institutionnelle à co-intervenir est au cœur de l’actualité pédagogique : le partenariat reste fortement incité[[Dossier de veille de l’IFÉ n° 134, avril 2020.]], le rôle éducatif des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) est renforcé[[Décret n° 2018-152 du 1er mars 2018.]], la présence des accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH) est croissante, et le coenseignement entre en force en lycée professionnel, dans les Rased (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), en ULIS (unité locale d’inclusion scolaire) et en Segpa (sections d’enseignement général et professionnel adapté).
Nous avons souhaité présenter dans ce dossier autant les co-interventions traditionnelles (celles qui se pratiquent entre enseignant et Atsem, AESH ou intervenant extérieur) que le coenseignement entre deux professeurs. Force a été de constater que 90 % des textes reçus présentaient des situations de coenseignement. Il apparait dès lors que le coenseignement est au cœur des préoccupations actuelles. Il l’est non seulement parce qu’il bouscule la norme professionnelle d’un enseignant seul en classe face à ses élèves, mais aussi parce qu’il nécessite du travail collaboratif, du temps, du pragmatisme et des ajustements.
Si certains enseignants s’essayent au coenseignement avec bonheur parce qu’ils aiment le défi ou qu’ils souhaitent dynamiser à nouveau leur pratique et se former, d’autres y entrent progressivement, à tâtons, à la recherche d’un meilleur accompagnement de tous les élèves. D’autres encore disent leur difficulté : celle d’avoir à conjuguer des référentiels de compétences complexes, celle d’enseigner sous le regard du collègue, d’avoir des pratiques pédagogiques ou des représentations du métier trop distinctes pour se rencontrer.
De même, coenseigner dans le second degré nécessite des personnels de direction qu’ils contextualisent et adaptent les emplois du temps. La chose est complexe. La formation des binômes, l’alignement des espaces-temps sont difficiles. Et pour les enseignants volontaires, le défi est parfois simplement de convaincre la hiérarchie de la nécessité d’une telle modalité d’enseignement.
Se pose également la question de la formation. La formation par le coenseignement, pour (mieux) coenseigner sont deux approches que nous abordons. Le coenseignement peut s’employer pour former les novices, maintenir l’étrangéité du formateur, ou encore se développer professionnellement tout au long de sa carrière. Mais quid de la formation au coenseignement et à la co-intervention ? Si l’ensemble des articles de ce dossier peut étayer un temps de formation, l’un d’eux interroge particulièrement la formation du binôme : être formé ensemble pour travailler ensemble. Nous avons souhaité donner voix à la formation en concluant ce dossier par des articles qui lui sont spécifiquement dédiés.
Au fil de ce dossier, vous découvrirez que chaque auteur use à son gré des termes de « coanimation, co-intervention, coenseignement ». Si la recherche en sciences de l’éducation a désormais clarifié la définition de ces termes, nous avons souhaité garder leurs mots, parce qu’ils nous disent là où ils en sont de leur réflexion pédagogique.
Rachel Harent
Professeure des écoles dans le Finistère, laboratoire Cread (Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique), université Rennes 2, EA 3875
Céline Walkowiak
Professeure de français en collège