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Choisir et utiliser le manuel de lecture au CP
« Apprendre à lire, c’est apprendre à mettre en jeu en même temps deux activités très différentes : celle qui conduit à identifier des mots écrits et celle qui conduit à en comprendre la signification […] Cela suppose une programmation précise des activités tout au long du cycle. La plupart des « méthodes » de lecture propose aujourd’hui des programmes de travail équilibrés. L’appui sur un manuel se révèle un gage de succès important pour cet enseignement délicat, en particulier pour les enseignants débutants dans ce cycle. » (BOEN, 14 février 2002 Hors série p. 43).
Les dernières instructions officielles (IO) insistent bien sur les deux aspects de l’apprentissage de la lecture et sur la nécessité d’utiliser un manuel, facteur de réussite, tout en précisant que ce dernier doit être enrichi.
L’Observatoire National de la Lecture (ONL) publie une étude[[Observatoire National de la Lecture]] qui s’inscrit dans la continuité de ces IO ; elle offre aux enseignants de CP, le moyen de mieux maîtriser les aspects théoriques, didactiques et de mieux contrôler l’analyse des outils pédagogiques mis à leur disposition par les éditeurs, à savoir les manuels.
Une publication en deux parties
La première partie propose un état des lieux de la connaissance scientifique sur l’apprentissage de la lecture, plus particulièrement au cours préparatoire. Elle est éclairée de diverses contributions d’auteurs notamment des membres de L’ONL.
L’autre partie présente une grille d’observation objective des apprentissages à réaliser au CP. Elle s’intéresse aux activités d’identification des mots et de compréhension de l’écrit. Cette grille a été appliquée à quelques manuels fréquemment employés dans les classes. Cette étude ne rend compte d’aucun palmarès. Elle s’intéresse aux activités proposées qui mettent en place des apprentissages spécifiques dans les manuels, l’ensemble de ces activités s’inscrivant dans une méthode d’apprentissage. L’analyse des manuels à l’aide de cette grille permet de spécifier les différences, à partir de critères d’apprentissage distinctifs et pertinents.
Il est proposé ensuite diverses éclairages :
– Une analyse sur des progressions des phonèmes étudiés,
– Une analyse des textes avec leurs difficultés de compréhension et l’autonomie de déchiffrage possible des élèves,
– Pour finir sur un aspect plus pédagogique des apprentissages mis en place dans les manuels.
Constitution d’une grille d’observation
La grille a été élaborée à partir des points théoriques importants donnés par la connaissance scientifique sur l’apprentissage de la lecture et d’éléments issus de l’observation détaillée des manuels. Le croisement de toutes ses informations a permis l’élaboration de deux grilles distinctes.
– Une grille d’analyse d’identification des mots
Elle s’intéresse aux activités qui permettent aux apprentis lecteurs de devenir autonome dans la lecture de mots, c’est à dire de déchiffrer n’importe quel mot, même ceux qu’ils n’ont jamais rencontré.
– Une grille d’analyse de la compréhension
Elle repère toutes les activités qui permettent aux élèves de mieux comprendre le contenu des textes. Il n’y a pas de vraie lecture sans compréhension.
Le très grand nombre d’activités recensées a pu être regroupé en critères, 8 pour l’identification des mots et 10 pour l’étude de la compréhension, tous très largement exemplifiés.
Toutes les activités proposées dans les livres et les cahiers ont été analysées et répertoriées dans les grilles, soit dans les critères d’identification des mots soit dans les critères de compréhension de l’écrit. Par ailleurs les manuels ont été fragmentés en 6 périodes sur l’année, toutes les activités ont été enregistrées dans la période où elles sont proposées. Cette quantification a permis d’établir un profil des apprentissages réellement mis en place par le manuel, tout au long de l’année scolaire, grâce à des courbes ou histogrammes faciles à interpréter.
Quelques résultats
Il apparaît des différences pédagogiques et didactiques sur l’identification des mots et la compréhension de la langue écrite.
– Le nombre total des activités proposées
Une petite illustration : La proportion du nombre total d’activités dans les cinq manuels :
Lecture en fête | Ratus | Lire au CP | Gafi | Grindelire | |
Identification des mots | |||||
Livre | 357 | 340 | 238 | 450 | 449 |
Cahier | 280 | 396 | 297 | 523 | 413 |
Sous-total | 637 | 736 | 535 | 973 | 862 |
Compréhension | |||||
Livre | 391 | 226 | 364 | 394 | 398 |
Cahier | 371 | 383 | 406 | 474 | 590 |
Sous-total | 762 | 609 | 770 | 868 | 988 |
L’étude présente toujours les tableaux et illustrations comparatives en plaçant les manuels par ordre chronologique de l’année de parution, du plus ancien au plus récent.
Ce recensement global des activités montre les orientations des manuels.
– Ratus et Gafi accentuent le travail sur l’identification des mots.
– Lecture en fête, Lire au CP, Grindelire portent particulièrement attention à l’apprentissage de la compréhension de l’écrit.
La répartition entre livre et cahier est significative :
– Lecture en fête met en œuvre un plus grand nombre d’activités dans le livre,
– Inversement : Ratus, Lire au CP, Gafi proposent plus d’exercices dans les cahiers,
– Grindelire équilibre ses activités entre livre et cahier pour les apprentissages d’identification des mots alors qu’il accorde plus de place aux activités de compréhension, dans le cahier.
La répartition des activités entre les deux supports reflète la cohérence des progressions et des apprentissages voulue par les auteurs du manuel ; ceci a un impact sur l’organisation pédagogique des apprentissages. Quelle place est accordée aux activités de découverte d’imprégnation ou de réinvestissement et de consolidation ?
Les manuels sont conçus avec une répartition livre et cahier. Toute utilisation partielle met les apprentissages en déséquilibre.
– L’identification des mots
Parmi les activités proposées dans les manuels, certaines sont plutôt bien représentées, d’autres sont plus inégalement repérées.
Ainsi les activités qui permettent l’apprentissage du code d’écriture du français (à savoir les relations qu’entretiennent les phonèmes et les graphèmes) sont très largement présentes dans tous les manuels. Toutefois il importe d’étudier la progression proposée et surtout l’adéquation entre cet apprentissage et les textes données à lire aux élèves. On constate alors une très grande diversité d’approche et parfois un déséquilibre entre les apprentissages proposés et l’autonomie de déchiffrage de l’élève dans les textes.
Par ailleurs cet apprentissage n’est pas toujours appuyé par des activités de lecture/écriture de mots pouvant fixer, voire automatiser les activités de déchiffrage.
Les activités qui permettent la découverte et la compréhension par l’élève du principe alphabétique de notre langue sont très peu équilibrées et parfois même, pas menées à terme.
– La compréhension
Le nombre d’activités qui portent sur les différentes unités de la langue (mots, phrases et textes) est significatif des orientations données à l’apprentissage de la compréhension.
On relève généralement un apprentissage sur la compréhension de texte mais souvent orienté sur quelques aspects particuliers qui ne reflètent pas toujours la complexité du texte lui même. Par exemple la lecture d’un texte, même simple, fait immédiatement appel à certaines caractéristiques morphologiques, lexicales et culturel de l’écrit, ce qui manque trop largement dans la plupart des manuels. De plus, lecture écriture sont véritablement liées, lors de l’apprentissage. Les activités de production de textes sont souvent trop rares.
Le site Internet (www.inrp.fr/onl) proposera un prolongement de ce travail et une présentation plus détaillée des analyses effectuées.
Conclusion
Dans les manuels, les activités proposées sont orientées vers des priorités diverses et sélectives. Elles ne couvrent pas l’ensemble des activités nécessaires aux apprentissages aussi bien dans le domaine de l’identification des mots que dans le domaine de la compréhension. Chaque manuel doit donc être analysé pour être enrichi d’activités complémentaires élaborées et adaptées par l’enseignant(e), en fonction des élèves. Les grilles proposées sont des outils d’analyse qui permettront aux enseignants de connaître avec précision le contenu de leur manuel.
La place de l’enseignant(e) est donc centrale et essentielle pour choisir avec pertinence et efficacité le manuel de lecture au CP
Nadine Robert