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Choisir de piloter
Elle se voit encore en apprentissage dans ce nouveau métier aux multiples facettes où les idées à priori judicieuses se heurtent aux réalités d’une organisation complexe. Ce métier, elle y pensait depuis longtemps déjà, franchissant le pas du concours il y a trois ans et transformant l’essai en juin dernier. Elle regarde son itinéraire professionnel comme un chemin où ont fleuri des compétences qui lui sont utiles aujourd’hui.
Étudiante, elle ne pensait pas intégrer l’Éducation nationale. Aucune conviction ne la poussait vers là. Pourtant, elle a passé le CAPES de professeure documentaliste et a exercé avec bonheur pendant dix huit ans dans quatre lycées plutôt ruraux de Seine-et-Marne. Au bout de huit ans, elle élargit ses horizons et combine les mi-temps, synonymes d’ouverture, avec une recherche à l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP, devenu IFÉ) sur l’autonomie des élèves, l’accompagnement de professeurs des écoles sur le thème de la documentation, la formation en CAPES et une mission au Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) sur la pédagogie liée aux réseaux sociaux et au média numérique.
Pendant huit ans, elle contribuera aussi à la rubrique « Documentation » du Café pédagogique où les ressources mentionnées, les débats et les questions liées à la discipline enrichiront sa propre pratique. En 2011, elle quitte son métier de professeure documentaliste et devient experte pour les usages numériques en classe à la Direction générale de l’enseignement scolaire puis cheffe du département du développement des usages numériques à la Direction du numérique pour l’éducation (DNE).
Réfléchir et travailler avec les autres
Son parcours est déjà riche, plein, l’idée de changer de voie pour arriver à la tête d’un établissement ne la quitte pourtant pas. « J’ai toujours essayé de réfléchir à mes pratiques. En tant que professeure documentaliste, j’avais l’habitude de travailler avec d’autres enseignants, avec le gestionnaire, sur des projets, cela m’a donné le goût. » Car pour elle, l’éducation ne joue son rôle que si elle s’envisage en collectif. « La position du professeur documentaliste permet de donner de la cohérence, d’agir avec les autres professeurs. C’est la mission aussi d’un chef d’établissement ». Donner du sens, de la cohésion, faire du lien par le pilotage, c’est cette envie qui la pousse à passer le concours.
Au ministère, elle a appris le management, avec 32 personnes à coordonner dans son service, à mener des dossiers en gérant des contraintes. Son hésitation initiale pour franchir le pas venait de la crainte de devoir appliquer des textes avec lesquels elle ne serait pas d’accord. « Finalement, je ne fais pas de choses contraires à ce que je pense. Il faut comprendre le sens des textes, voir en quoi ils aident les élèves à réussir ». C’est au ministère qu’elle s’en convainc et la fréquentation des textes sera son premier atout lorsque fin août elle arrive comme principale-adjointe dans son collège en éducation prioritaire de Vitry.
Les salles, les couloirs vides lui font sembler grand cet établissement prêt à accueillir ses 460 élèves. «Tout de suite, il a fallu que je pense à beaucoup de choses avec le sentiment de ne voir que 10 % de l’iceberg ». Le tandem qu’elle forme avec le principal est pour elle précieux pour apprendre son nouveau métier à mesure qu’elle découvre les réalités d’une gestion au quotidien, des impératifs de la préparation de la rentrée. Elle a suivi une première semaine de formation à l’École supérieure de l’Éducation nationale (ESEN) en juin, trois autres suivront complétées par des stages académiques. Elle peut dialoguer avec une tutrice, recueillir ses conseils ainsi que ceux d’un inspecteur.
Débuts
Le premier grand moment pour elle a été la rencontre avec les enseignants avec toute l’appréhension d’un premier contact perçu comme crucial. Pour la pré-rentrée, elle a parlé de ce qu’elle connaissait le mieux, la réforme du collège. « Je me suis rendue compte que les professeurs étaient volontaires mais peu au courant du contenu de la réforme. D’où je venais, cela a été un choc ». Ensuite vinrent les élèves, les listes d’appels dans la cour le premier jour. L’environnement du collège est totalement nouveau pour elle. Après, le quotidien s’impose avec ses urgences et ses rituels, l’autonomie se gagne peu à peu, le métier rentre. L’heure est maintenant à la préparation des conseils de classe.
Cette année, la mise en œuvre de la réforme du collège est leur grand chantier. Elle ne l’envisage pas sans travailler avec les enseignants, dans un échange menant à l’adhésion. Ils sont repartis de la réunion de pré-rentrée avec une synthèse, des consignes de lecture du socle et des programme. A partir des documents, le dialogue s’est instauré au sein des conseils d’enseignement. « Nous avons écouté leurs questions, leurs besoins, leurs idées, leurs inquiétudes et de notre côté expliqué les contraintes de l’établissement et l’impact sur l’organisation structurelle ». Une synthèse servira d’introduction à l’étape suivante, celle du choix de ce qui sera mis en place, notamment les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et les modalités d’accompagnement personnalisé, avec plusieurs réunions du conseil pédagogique. « Les enseignants sont partants. On apprend à travailler ensemble, à s’écouter. »
Elle a d’autres projets en tête autour des usages numériques encore peu développés dans son collège, de la communication interne et externe avec des publications des collégiens. Tout cela, elle le sait, se fera doucement avec comme mots clés la recherche de cohérence et des groupes de travail. Elle s’immerge dans les réalités d’un établissement d’éducation prioritaire où les parents viennent peu, où les demi-pensionnaires sont peu nombreux, où la vie scolaire se prolonge à l’extérieur. Beaucoup de choses sont à faire, des initiatives à relancer, développer avec des contraintes de moyens. Elle apprend aussi à patienter, à laisser le temps tisser les liens, les projets, à laisser de côté ses réflexes de professeure-documentaliste pour s’adapter son nouveau rôle. Son nouvel univers se partage aussi dans le cercle familial en habitant sur place dans un logement de fonction.
Blandine Raoul-Réa poursuit l’apprentissage de son nouveau métier qu’elle qualifie de « beau métier humain dans l’éducatif ». Dans sa façon de l’exercer elle garde en tête son premier objectif, celui de mettre en œuvre ce qui encouragera l’élève dans son ambition, permettra la réussite de l’élève.
Monique Royer