« Innovez, rénovez, nous dit-on, mais en même temps, ne changez rien à ce qui existe. » N’est-ce pas à un professeur que, dans Le Soulier de satin, Paul Claudel fait dire quelque chose comme « Du neuf, du neuf, mais pourvu qu’il ressemble à l’ancien ! ». C’est par cette formule que Jean Delannoy, qui dirigeait alors les Cahiers pédagogiques, introduisait l’éditorial du numéro 87 en janvier 1970. Celui-ci était consacré à la question « rénovation au programme ? ».
Un an et demi après les évènements de Mai 68, quelques mois après la démission de De Gaulle et l’élection de Pompidou, la situation politique de l’Éducation nationale illustre à l’envi la citation de Claudel. Si Edgar Faure, nommé en juin 1969 pour rénover le système éducatif, avait bien, sous la pression des faits, engagé quelques réformes de structure, la révision de l’ensemble des programmes du primaire et du secondaire n’engageait pas de véritables changements.
Le dossier des Cahiers est tout d’abord constitué du long et passionnant rapport d’une recherche menée en 1968-69 par une équipe de professeurs d’histoire-géographie-instruction civique du lycée d’Enghein, animée notamment par Suzanne Citron. On y trouve une critique de la notion de programme, un plaidoyer pour la définition de finalités nouvelles de l’enseignement de ces disciplines, des exemples de réorganisation des apprentissages de façon expérimentale, une proposition de transformation du baccalauréat, et quelques inquiétudes sur les perspectives et la volonté réelles de réformes. La suite du dossier confirme ces inquiétudes sous forme de postscriptum. On y lit les commentaires de Suzanne Citron sur les nouveaux programmes d’histoire-géographie-instruction civique, de Gilbert Walusinski sur ceux de mathématiques et une conclusion de Jean Delannoy que nous présentons ici.