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Apprentissage : à chacun son style ?
Ce serait une démarche privilégiée par chaque individu pour appréhender l’acte d’apprendre. De la diversité des théories exposées depuis une quarantaine d’années, l’équipe de Coffield a reconnu cinq familles :
1 – les modèles centrés sur des facteurs génétiques et les préférences innées de l’apprenant comme les sens et la perception, visuels, tactiles, auditifs et kinesthésiques, ou basés sur l’opposition cerveau droit-cerveau gauche. Il n’existe pourtant à ce jour aucune preuve de l’existence d’un « gène d’apprentissage » et encore moins que les hémisphères cérébraux ne travaillent pas ensemble pour toutes les tâches cognitives ;
2 – les modèles centrés sur des facteurs cognitifs : les styles sont des traits structurants du système cognitif et font partie d’un ensemble de mécanismes d’acquisition des connaissances ;
3 – les modèles centrés sur des facteurs stables de la personnalité : la personnalité d’un individu définit l’ensemble de ses interactions avec le monde extérieur comme dans la théorie de Myers et Briggs, basée essentiellement sur les travaux de Jung et ses seize types psychologiques : introverti, intuitif, émotif, perceptif, etc. ;
4 – les modèles centrés sur des préférences contextuelles évolutives mais stables, comme la théorie et le questionnaire des styles d’apprentissage de Honey et Mumford permettant de repérer et classer les préférences d’apprentissage selon des niveaux à franchir et à maitriser, dans le but d’améliorer son processus d’apprentissage (actif, réfléchi, théoricien et pragmatique) ;
5 – les modèles centrés sur des stratégies d’apprentissage, comme dans les travaux de Entwistle axés sur les critères liés à la motivation, avec trois types d’orientations utilisées par les apprenants : la signification personnelle de l’information, la reproduction de l’information ou l’accomplissement et la réussite de la tâche.
On attend de la recherche d’obtenir des données probantes et fiables, issues d’enquêtes longitudinales et empiriques. Puisqu’il s’agirait de poser un diagnostic juste et utile des processus d’apprentissage mis en œuvre dans un contexte donné propre à chaque individu.
Les recherches sur les styles d’apprentissage ont contribué à la naissance de nombreuses théories, pour la plupart tautologiques et tributaires les unes des autres, mêlant modèles conceptuels et outils de mesure. Des instruments psychométriques développés à partir de ces recherches sont présentés sous forme de tests d’autoévaluation et sont accessibles au grand public, mais contre rémunération pour la plupart. La profusion de ces outils, mêlée parfois à des enjeux commerciaux forts, contribue à un sentiment de confusion.
Vouloir étudier et évaluer ces modèles et leur résonance dans le monde de la formation nécessite d’être conscient de la complexité du sujet et des controverses qui en découlent : les styles sont-ils des traits innés (stables, immuables) ou bien des états acquis (flexibles, modifiables) ? Certains styles ont-ils plus de valeur ou non en termes d’efficacité et de performance pour l’apprentissage ? Les théories sur les styles reposent-elles réellement sur des bases distinctes, ou bien s’appuient-elles sur la même construction mais avec un vocabulaire différent ?
Ces questions sont jusqu’alors restées sans réponses, malgré les enjeux énormes qui en découlent. Pour de nombreux chercheurs, la valeur et la fiabilité des styles d’apprentissage n’ont pas encore été prouvées et la conception d’un instrument qui permettrait de les mesurer reste une illusion.
Ils sont effectivement souvent associés aux neuromythes, croyances fantaisistes sans aucun fondement scientifique mais néanmoins répandues, de type « cerveau gauche vs cerveau droit », « 10 % du cerveau est utilisé », « le cerveau de la femme et celui de l’homme sont différents » ou encore « tout se joue avant 3 ans ». L’utilisation à mauvais escient de pseudothéories peut avoir un effet néfaste sur les conditions d’apprentissage.
Cependant, accompagnée d’une formation adéquate des praticiens pour une meilleure connaissance du fonctionnement cérébral, l’intégration des sciences cognitives dans les pratiques éducatives semblerait être un courant prometteur et enrichissant pour ces deux champs de recherche, à condition d’aborder le sujet de l’apprentissage sous un angle élargi comprenant les apports des sciences de l’éducation, de la psychologie et des neurosciences.