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Allers et retours

Où en est la philosophie ? La première réponse peut se faire en forme de paradoxe : d’un côté surgit massivement une vive demande dans la société, de l’autre, on assiste à un essoufflement de l’enseignement philosophique traditionnel.

La terminale littéraire, avec ses huit heures de philosophie, voit le nombre de ses élèves fondre de manière significative ; la discipline est parfois difficile à enseigner dans les lycées technologiques et dans certaines classes ; les notes obtenues au baccalauréat sont très médiocres…

Au lieu d’aborder la question de fond : « Comment enseigner à l’ensemble d’une classe d’âge, dans un lycée aujourd’hui massifié, une discipline jadis pensée pour des élèves socialement et scolairement sélectionnés ? », le débat professionnel se focalise depuis des années sur le contenu des programmes, en éludant une réflexion pédagogique et didactique pourtant urgente.

Pour ce dossier, nous avons choisi une autre piste. Nous nous sommes d’abord intéressés à ce qui se passe en terminale pour regarder ensuite du côté du collège, de l’école et d’autres pays.

Pour la terminale, il importait d’abord de situer cet enseignement dans son histoire pour mieux en saisir ses enjeux, c’est le sens du texte de B. Poucet. Puis nous avons questionné les enseignants : en dehors des problèmes de contenus ou de programmes (qui sont l’objet de controverses inachevées), peut-on, doit-on transformer, améliorer la forme traditionnelle de l’enseignement de la philosophie en terminale, le cours du professeur comme œuvre, les grands textes comme exemples et modèles de pensée, la dissertation comme « patrimoine incontournable » ? Quelles recherches, quelles innovations sont possibles ?

Ainsi nous nous sommes intéressés aux pratiques pédagogiques et didactiques : que se passe-t-il dans les cours de philosophie en terminale ? Comment enseigne-t-on ? Et comment réagissent les élèves ? Car il semble bien que dans cette classe, peut-être plus qu’ailleurs, les attentes sont fortes et le transfert (au sens psychanalytique) encore plus présent nous dit Bruno Jay.

Plusieurs textes (Michel Redoutey, Nicole Grataloup, Oscar Brenifier et d’autres encore) donnent à voir ces pratiques et les recherches qui les guident et affirment : « Oui, on peut aider les élèves à davantage s’intéresser à cette discipline et à mieux réussir, oui on peut, sans rien renier de la philosophie, faire discuter les élèves en cours, oui on peut innover aussi en classe terminale et faire travailler les élèves de manière active… » Ces textes nous le montrent, nous le démontrent. Allez vite les découvrir. Sans oublier que, si c’est bien de philosophie dont il est ici question, d’autres disciplines y trouveront des échos, des idées, des pistes de travail.

Dans une seconde partie nous avons visité d’autres classes, en collège, en Segpa, à l’école élémentaire : des pratiques philosophiques y voient le jour. Que sont-elles ? Quel est leur sens et quels sont leurs finalités, leurs enjeux, et leurs modalités ?

Geneviève Guilpain explique comment ces nouvelles pratiques philosophiques et l’enseignement en terminale s’éclairent et s’interrogent mutuellement.

Puis plusieurs auteurs (Sylvain Connac à l’école, Thierry Bour en Segpa, Christine Vallin en collège…) décrivent leurs expériences dans ces différents lieux, avant de laisser place aux propos venant du Québec et de Belgique.

Oui, la philosophie semble bien vivante dans divers endroits de notre société comme en témoignent la revendication des élèves de lycée professionnel de bénéficier de cet enseignement, le développement de nouvelles pratiques philosophiques à l’école primaire avec des collections ad hoc, les succès de livres philosophiques, la multiplication depuis 1992 de cafés philo dans la cité, la création d’universités populaires… Ces nouvelles pratiques peuvent-elles modifier nos représentations de l’enseignement et de l’apprentissage du philosopher en France ?

C’est l’enjeu et l’ambition de ce dossier : analyser les impasses actuelles et ouvrir des pistes de réflexion et de pratique.

Françoise Carraud, formatrice à l’IUFM de Lyon,

Michel Tozzi, professeur des universités à Montpellier 3.