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Pour un désir d’Europe

Le sujet intéressera-t-il les lecteurs des Cahiers, nous étions-nous demandés en comité de rédaction ?… L’éducation à l’Europe reste en effet une préoccupation marginale au sein de l’école française. Notre revue avait publié un dossier en 1989 sur le sujet. Depuis lors, malgré les programmes communautaires, les vœux plus ou moins pieux et les exhortations dans les programmes, de timides efforts dans la formation des enseignants, il n’est pas sûr que les choses aient beaucoup avancé. D’autant qu’on assiste sans doute, à l’égard de l’idée européenne, à un certain désenchantement que les résultats au référendum du 29 mai 2005 ont pour le moins traduit !

Nous restons pourtant convaincus de l’importance de cette éducation, au nom d’une certaine idée de l’Europe qui, bien sûr, selon les sensibilités des rédacteurs des Cahiers, peut prendre des formes diverses, se traduisant sur le plan politique par des choix éventuellement différents. Mais éduquer à l’Europe, c’est d’abord s’ouvrir aux autres, dépasser le nationalisme étroit, participer à une aventure commune qui s’incarne dans ce numéro par les nombreux échanges relatés : échanges entre élèves, entre enseignants, programmes communautaires, circulation des hommes et des idées, parfois virtuelle mais bien sûr aussi réelle, physique, malgré les difficultés administratives ou financières.

Une question s’est posée à nous : pourquoi s’ouvrir seulement à l’Europe ? Ne risque-t-on pas de rester confiné à un « petit monde » occidental, un club fermé qui oublierait d’autres liens (avec l’Afrique, Amérique latine) ? Cependant l’idée européenne contient son propre appel au grand large : l’Europe, contrepoint aux autres grandes puissances, espoir d’autres relations internationales et d’autres conceptions de l’avenir de la planète que celles des combats pour l’hégémonie et la puissance… Pourquoi pas ? nous disent ici plusieurs contributeurs, notamment enseignants d’histoire-géographie. Mais cela nécessite sans doute d’autres manières de travailler, et on voit bien ici la nécessité d’approches interdisciplinaires, comme en témoignent dans ce dossier les relations d’IDD, de TPE, de projets d’établissements ou inter-établissements menés par des équipes dynamiques et motivées, qui parviennent à surmonter les obstacles.

On lira donc un dossier optimiste, même s’il n’oublie pas les interrogations et les doutes, à travers trois chapitres un peu arbitraires dans la mesure où les trois axes s’entrecroisent, tous renvoyant à cette « dimension européenne » que nous voudrions voir mieux prise en compte : une première partie sur les contenus d’enseignement, une deuxième sur diverses actions liées à des programmes communautaires ; et une dernière plus réflexive, sur la construction d’une « conscience européenne ». L’ensemble se clôt par un entretien avec le grand historien et démocrate Bronislaw Geremek et une relecture de François Audigier.
Notre ambition est bien de contribuer à un « désir d’Europe » qui peut s’appuyer sur les nombreuses pistes ouvertes ici, sur les outils mentionnés, les renvois à des liens divers, et sur les témoignages qui inciteront peut-être à sortir d’une vision hexagonale étriquée.

Jean-Michel Zakhartchouk, professeur de collège dans l’Oise.