|
La pédagogie au lycée est l’objet d’appréciations contradictoires : notre enseignement secondaire serait pour certains un des meilleurs du monde, les autres pays nous l’envieraient et rêveraient de l’imiter, etc. Pour d’autres, notre lycée est délabré, c’est un maillon faible qu’il convient de réformer de toute urgence, etc. Et c’est ce qui a été entrepris.
Bien que tous les aspects soient liés, nous n’avons pas voulu dans ce dossier aborder les problèmes par l’organisation et les structures ou par la vie scolaire et risquer de rester alors à la périphérie de ce qui est pour nous au centre de nos préoccupations : ce qui se passe dans les cours, en classe.
Qu’en est-il des lycées observés dans la réalité même des actes pédagogiques ? Qu’en est-il de ces nombreuses heures de cours pendant lesquelles les lycéens tentent d’apprendre ?
Nous avons donc voulu vous inviter ici à entrez en classe avec les professeurs et leurs élèves.
On trouvera d’abord des propositions pour la mise en place des dispositifs nouveaux de la réforme. Nous avons donné la parole à Philippe Meirieu, l’inspirateur des mesures nouvelles, qui pour l’essentiel nous parle de son expérience de professeur de lycée. D’autres enseignants, des chercheurs, des formateurs diront ce qu’ils pensent de l’aide individualisée en seconde, (Jean Houssaye, Sylviane Gasquet) et de la transdisciplinarité à laquelle les TPE (travaux personnels encadrés) devraient conduire dès la rentrée 2000. Deux exemples concrets - maths/histoire-géo et physique/français - y sont étudiés. Bernard Defrance nous dira que l’éducation civique, juridique et sociale doit être abordée à partir du vécu des élèves, en classe et hors de l’établissement. Et Jeanne-Antide Huynh examine l’épreuve " d’écriture créative " que l’on envisage pour le baccalauréat.
Mais bien d’autres " transversales " de la pédagogie seront alors empruntées. On y parlera de la lecture au lycée avec un éminent spécialiste de la question, Christian Baudelot, du CDI (Françoise Chapron) et des TICE, le nouveau nom, en langue mammouth, de l’ordinateur ou d’Internet. Odile Chenevez nous montre qu’il ne suffit pas d’être branché pour apprendre et faire apprendre. On verra aussi que " le manque de travail " si souvent et trop facilement diagnostiqué et reproché aux élèves par les profs n’est pas une juste évaluation de la réalité de leurs efforts (Anne Barrère). On verra surtout que les lycéens ont beaucoup d’idées sur les relations élèves-professeurs, sur les notes, les contrôles, le travail, sur ce qu’est pour eux un " bon cours " (Jacqueline Castany) et on se souviendra, avec Saeed Paivandi, combien Meirieu a eu raison de leur donner la parole en 1998.
Nous avons souhaité aussi que s’expriment deux dirigeants syndicalistes, Claude Azéma (SGEN), Denis Paget (SNES), pour dire leurs pratiques au quotidien, en professeurs " de base ", mais avec le regard de responsables nationaux.
Enfin la parole est donnée aux praticiens de terrain, professeurs de toutes disciplines [1], pour qu’ils disent comment, de la seconde à la terminale, ils essaient de pratiquer une pédagogie alternative au cours magistral.
Sait-on enseigner autrement que de façon expositive, impositive et frontale ?
Nous avons pu constater que des professeurs de lycée regorgent d’idées et d’initiatives. Ils ont répondu nombreux à notre question. Dans la plupart des disciplines, les propositions concrètes, les témoignages d’expériences abondent. Depuis l’utilisation judicieuse d’Internet en anglais, ou la création en TSA d’une poubelle électronique et écologique pour trier les déchets, jusqu’à des propositions plus classiques pour utiliser les modules en français, mettre les élèves en recherche en maths, en histoire, apprendre à philosopher en petits groupes, etc., on trouvera, pour les diverses disciplines, des propositions innovantes et déjà éprouvées.
Comme pour tous les thèmes que les Cahiers pédagogiques abordent, les auteurs qui écrivent viennent d’horizons divers : ce qui les unit c’est d’avoir de l’école et du lycée une idée positive, de s’efforcer de faire des propositions constructives. C’est là l’ambition centrale des Cahiers : être utiles et aider à enseigner et à éduquer.
Raoul Pantanella
le 10 septembre 1999Avant même d’ouvrir le livre, on en connaît deux choses. La collection de poche, dirigée par Michel Develay, qui a déjà plus de vingt titres à son catalogue, et l’auteur, professeur de français, rédacteur en chef de la revue Les Cahiers pédagogiques. Deux indications pour orienter une lecture vivement soutenue par l’argumentaire de l’introduction : le livre est né d’une double irritation, confie l’auteur, contre le " culte sans cesse ressassé de la culture disparue, accompagnée de cris de vengeance contre ceux qui l’ont tuée " et contre ceux qui affirment " la culture, cela n’existe pas. Les jeunes devant leurs jeux vidéo, en savent peut-être plus que nous, ils bâtissent une autre culture ".
La première partie de l’ouvrage est une sorte d’inventaire. On y réfléchit sur les sens du terme culture, sur sa dimension universelle qui ne saurait se limiter à l’art (pas de culture sans sciences et sans histoire), mais aussi sur son inscription sociologique, ce qui autorise Jean-Michel Zakhartchouk à affronter les rapports de la culture et du culturel.
La deuxième partie du livre s’intitule " La culture, oui, mais comment ? ". Pour l’auteur qui se revendique pédagogue, il s’agit bien de savoir écouter les élèves pour, avant même d’apporter des réponses, organiser les questions que posent les jeunes et celles qu’ils se posent. C’est le lent travail d’une construction personnelle, refusant une culture altière et l’illusoire continuité entre univers familier et univers culturel, qui devient l’objectif de l’enseignant. Et l’expérience de Jean-Michel Zakhartchouk, accrue de toute celle des Cahiers, est là pour témoigner à travers de nombreux exemples qu’il est possible de " faire vivre la culture dans la classe ", de " favoriser la création ". Voici la nouvelle tâche de l’enseignant, être un " passeur culturel ", ce qui ne saurait être inné, mais requiert un apprentissage, et requiert donc les ressources de la pédagogie.
Les lecteurs des Cahiers pédagogiques trouveront dans cet ouvrage une illustration de leur engagement : tenir avec rigueur et compétences les deux bouts de la chaîne : être intéressé réellement par les élèves, être " go between " d’une culture séculaire qui produit dans tous les domaines de la pensée et de la création, des chefs-d’uvre. Aussi éloigné de l’amuseur de foire que de l’éternel pleureur, Jean-Michel Zakhartchouk propose aux enseignants une exigence de travail pour contribuer à une société démocratique en devenir.
On se plaît à imaginer que le livre devienne un brûlot au ventre des conservateurs en tous genres.
Jacky Beillerot
L’intérêt majeur de cet ouvrage est de s’appuyer sur les enquêtes menées par les sociologues du CADIS à la RATP (une très riche évocation du travail des " médiateurs Grands Frères "), au Havre, dans la banlieue lyonnaise, à Strasbourg et à Saint-Denis. Ce travail de terrain est le substrat sur lequel s’appuie Michel Wievorka, coordonnateur de l’ensemble, dans ses analyses souvent prudentes et nuancées, qui débouchent implicitement ou non sur des propositions d’action.
Si le livre dans sa globalité ne pourra qu’intéresser les acteurs de l’éducation engagés dans des actions contre la violence et les incivilités, on notera qu’une partie les concerne (et nous concerne) plus particulièrement puisque consacrée à l’école (p. 117 à 165).
Les différents niveaux d’intervention sont passés en revue : l’institution (qui n’en est d’ailleurs plus vraiment une au sens propre, comme le disent souvent les chercheurs du CADIS, tel F. Dubet), l’établissement (une réalité nouvelle, en plein essor) et la classe (un lieu décisif où souvent les choses semblent se régler à coups de ruses et d’astuces, sur lequel se replient les enseignants, ce qui n’est pas sans risques)
Les auteurs rappellent aussi que la violence physique reste marginale et que les enseignants sont finalement davantage inquiets par " l’affaiblissement du système et sa perte d’unité " ; ils soulignent le risque que comporte la multiplication des " classes-relais " s’il s’agit simplement d’écarter les perturbateurs (et de renforcer du coup l’exclusion).
Citons pour terminer cet extrait de la conclusion, où les auteurs s’insurgent contre le discours stéréotypé de la décadence : " Ces représentations qui n’invitent à voir dans la société rien d’autre qu’une entité menacée de déstructuration et dans la nation un être culturel condamné à la décomposition ou la dégénérescence. ". Oui, on peut et on doit " faire face la violence ".
Jean-Michel Zakhartchouk
Il nous montre comment on peut gérer et résoudre des conflits autrement que par des moyens violents et destructeurs. C’est la façon de gérer le conflit qui lui donne une valeur constructive ou destructrice. " Derrière chaque acte violent se cache un conflit latent ou exprimé qu’il faut décrypter si l’on veut tenter de rendre justice et d’avancer vers des solutions. "
On peut à partir de là analyser l’école et réfléchir à une éducation non-violente, une éducation à la résolution des conflits et au compromis " qui répond au moins temporairement aux demandes des parties en présence ".
Tout ceci est très éclairant, même si parfois le livre mélange les niveaux de la classe, de l’école, des associations, de la société. A la fin de l’ouvrage, le récit de trois expériences dans le cadre scolaire.
Nous avions ici parlé en termes très élogieux du premier tome de La violence en milieu scolaire. On lira avec intérêt ce second tome, écrit avec d’autres membres de l’équipe de chercheurs pilotée par E. Debarbieux, même s’il n’a pas un côté aussi novateur que les analyses percutantes proposées dans le tome I.
On retiendra cependant les vigoureuses alertes à propos de la montée des " tensions ethnicisantes " et de la tentation du " tout-répressif ". Certaines pages font froid dans le dos, comme dans le compte rendu d’un sinistre débat à l’Académie des sciences, pages 55 à 57 au cours duquel par exemple une inspectrice générale évoque " les hordes barbares " et " les troupes d’enfants-loups errant le couteau à la main dans les campagnes " et un académicien " l’invasion " (de devinez qui !) Les " crispations identitaires " flirtent bien souvent avec un racisme qui certes reste très minoritaire dans le corps enseignant, mais progresse insidieusement.
On appréciera aussi la mesure de l’auteur qui refuse tout autant une dramatisation outrancière qu’une insouciance coupable et qui dénonce chez certains ce qu’il appelle " l’oubli des victimes " (la violence ne s’exerce pas contre les puissants, mais bien souvent contre les plus faibles).
La troisième partie, devant constituer les tentatives de réponse, est, dirons-nous, forcément décevante. L’auteur et son équipe refusant les " y a qu’à ", ce qu’ils proposent ne peut être que partiel et modeste (" modestie " fortement revendiquée dans la conclusion). Ils font à nouveau référence à leur travail d’enquête dans les établissements et constatent que " ça marche " (que la violence baisse, pour aller vite) lorsqu’un certain nombre de facteurs sont réunis : la mobilisation des enseignants, la présence d’une administration active et volontariste et sans doute le refus d’un pseudo-consensus qui oublie la fécondité du débat démocratique et du conflit maîtrisé. E. Debarbieux pointe aussi les risques de dérive d’une certaine pédagogie coopérative dès lors qu’on oublie par exemple que le " conseil " n’est qu’un outil au service de projets et ne doit pas être utilisé n’importe comment (exemples cruels cités de " règlement de comptes " et de " recherche de boucs émissaires "). De même bien sûr qu’il faut se méfier des déclarations ronflantes sur le partenariat et d’un certain type de travail sur le règlement intérieur (qui n’est pas toujours prioritaire et ne doit pas prendre toute l’énergie des acteurs).
À maintes reprises, sous le chercheur affleure le militant, et nous ne nous en plaindrons pas, même si le passage de l’un à l’autre n’est pas toujours facilement repérable.
Une des conclusions, en tout cas, rejoint bien nos préoccupations : il faut renforcer la formation pédagogique, lutter pour plus de " justice scolaire " (les collèges sensibles ont en moyenne cent élèves de plus que les autres), favoriser le partenariat de proximité (les parents d’élèves ne sont pas là pour aider à la paix sociale, mais constituent une composante de la " société "), développer la dimension collective dans les établissements. Et ceci " malgré les cris d’orfraie des idéologues ".
Jean-Michel Zakhartchouk
À noter aussi la parution de l’ouvrage de Jean-Claude Caron À l’école de la violence, châtiments et sévices dans l’institution scolaire au XIXe siècle (Aubier, collection historique), à faire lire aux nostalgiques du " bon vieux temps ". Des débats qui restent d’actualité, menés il y a cent ans par des pédagogues, mais aussi des médecins, des romanciers, des experts...
En quoi la psychanalyse interroge-t-elle le champ de l’éducation ? La question posée en particulier dans les années trente-quarante dans les pays germanophones, a resurgi avec l’émergence des sciences de l’éducation. C’est ainsi qu’au livre de Catherine Millot, Freud anti-pédagogue, paru en 1979, a répondu comme en écho celui de Mireille Cifali, Freud pédagogue ? Psychanalyse et éducation, en 1982.
La question reste à l’ordre du jour car les responsables de l’éducation sont de plus en plus confrontés à des phénomènes psychosociaux qui les laissent souvent démunis face à des jeunes en plein désarroi. Si l’actualité des problèmes demeure, le temps des polémiques n’est plus, comme en témoignent la sobriété et la clarté du titre choisi par M. Cifali et F. Imbert : Freud et la pédagogie. Voilà un message univoque que donnent à entendre les auteurs : Freud n’est ni pédagogue, ni anti-pédagogue mais de sa place de psychanalyste et de théoricien de la culture, il réfléchit aux enjeux de l’éducation au service de la civilisation. Et il invite les pédagogues, sans définir ce que pourrait être une praxis éducative, à mettre en uvre les moyens d’une éducation " éclairée " par la science du psychisme inconscient qu’il est en train d’élaborer.
Dans leur ouvrage, et conformément à l’esprit de la collection où il est publié, les auteurs font suivre leurs réflexions de trente-six textes de référence dont les plus nombreux sont signés de Freud, les autres étant de A. Aichhorn et de H. Zulliger., illustres pédagogues dits " à orientation psychanalytique ".
Dans sa première partie, l’ouvrage s’ordonne autour de cinq chapitres aux titres judicieusement choisis : " Modestie de l’éducation ", " L’interdit de penser ", " Les limites de l’éducation ", " A. Aichhorn et le transfert ", " H. Zulliger et la relation au maître ". Ces entrées sont d’autant plus pertinentes que l’introduction fait apparaître l’optimisme des débuts, lorsque les grands protagonistes de la " cause " Freud, le pasteur Pfister, Jung, s’adonnent dans leur correspondance à l’espoir que les " lumières " fournies par la psychanalyse vont " éclairer " les éducateurs de façon inestimable. Or, le mérite de ce petit livre qui propose une réflexion d’une grande densité, et des textes extrêmement variés, c’est de montrer d’entrée de jeu à la fois l’originalité et le réalisme de la pensée de Freud, sur le malaise inhérent à la sexualité elle-même et l’impossibilité de la satisfaction, sur l’importance de ne pas réprimer les pulsions sexuelles, " ces sources de forces fécondes ", mais de les transformer, de les sublimer à l’encontre de ce que pratique la pédagogie répressive, productrice d’un surmoi écrasant et ignorante du développement organique de l’enfant.
Si Freud invite les pédagogues à renoncer à soumettre les enfants à tout " interdit de penser " et à réfléchir aux illusions qui sous-tendent toute volonté de transformation dans le champ de l’éducation, il les encourage, en revanche, à développer leur connaissance du psychisme de l’enfant ainsi que celle de leur propre affectivité, où se logent les identifications imaginaires et où se jouent tous les risques de dérive.
Parmi les textes plus explicitement consacrés aux rapports entre la psychanalyse comme " pôle théorique " (p. 39) et la pédagogie dont la tâche est d’inventer les conditions de mise en uvre du savoir de l’inconscient dans son champ, " l’intérêt de la psychanalyse " de 1913, la Préface au livre d’Aichhorn, Jeunesse à l’abandon, de 1925, et la Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse de 1932 retiennent justement l’attention de M. Cifali et F. Imbert.
Dans le chapitre sur A. Aichhorn, les auteurs soulignent à juste titre l’intelligence du grand éducateur des délinquants qu’il fut dans les années suivant la première guerre mondiale. À l’opposé de Zulliger qui accorde une place prépondérante au pouvoir de fascination du meneur de la communauté, il a su " se dégager des effets massifs de l’identification au chef " (p. 53), allant jusqu’à risquer son autorité dans les foyers qu’il a dirigés de 1918 à 1922.
Là où je taquinerai M. Cifali et F. Imbert, c’est lorsqu’ils regrettent qu’Aichhorn n’ait pas reconnu la force transformante du milieu organisé, seule aurait compté pour lui la relation éducatrice-éduqué et notamment le transfert positif. J’objecterai à cela que pour le génial éducateur viennois, bien davantage praticien que théoricien - il n’a écrit qu’un seul ouvrage - l’un ne va pas sans l’autre. Il évoque à maintes reprises les caractéristiques de l’environnement " normal qui incite l’enfant à évoluer favorablement " (p. 108), de même qu’il insiste sur l’importance structurante du groupe dans ses foyers de jeunes à Oberhollabrunn et à Saint-André.
Des nombreux écrits de Hans Zulliger, l’instituteur bernois qui s’inspira des découvertes relatives au psychisme inconscient pour penser nouvellement ses pratiques pédagogiques, M. Cifali et F. Imbert présentent sept extraits. On ne peut que souscrire à leur appréciation lorsqu’ils soulignent la fraîcheur de ces récits des commencements " centrés sur des moments où l’enfant dénoue quelque chose de sa souffrance, de ses inhibitions et de sa violence " (p. 64) et lorsqu’ils regrettent que Zulliger se soit inféodé, dans son ouvrage Horde, bande et communauté (1961) au Freud de Psychologie des masses et analyse du moi (1921), en faisant du maître meneur du groupe le support d’identifications imaginaires. Il n’en reste pas moins qu’il a su montrer dans de nombreux écrits qu’une intelligence approfondie de l’âme enfantine peut amener l’enseignant qui a étudié la psychanalyse à instaurer " une autre attitude " dans la classe, à libérer la parole des enfants et à apaiser bien des détresses. À ce titre, il est dommage que les auteurs n’aient pas choisi des extraits de livres comme L’angoisse de nos enfants (1965) ou Des enfants difficiles (1950) car ils témoignent à la fois de la permanence de ce qui tourmente les petits d’hommes et du savoir-être relationnel qui peut s’instaurer au fil du temps chez celui qui consent à renouer avec sa propre enfance.
En résumé, je ne puis que recommander le petit livre proposé par M. Cifali et F. Imbert : ils ont su montrer la modernité de la pensée de Freud, créatrice d’ouvertures remarquables dans le champ de l’éducation, mais aussi les dangers auxquels on s’expose à définir une éducation à partir de sa psychologie des masses. À cet égard, les renvois que font les auteurs à J. Rickman et W. Bion, par Lacan interposé, de même qu’à Fernand Oury, à la mémoire duquel le livre est dédié, sont stimulants. L’histoire socio-culturelle européenne de l’éducation ne cesse de nous concerner. En continuant de penser ses enjeux, M. Cifali et F. Imbert, dont les lecteurs des Cahiers connaissent bien les écrits, nous rappellent que la psychanalyse n’a pas fini de nous interpeller, en particulier sur son versant éthique
Jeanne Moll
Ce texte de cent soixante pages n’est ni une analyse sociologique ni une réflexion philosophique. C’est un ensemble de témoignages très vivants d’une équipe d’aide aux devoirs, d’âge et de formation variés autour d’un spécialiste math-physique qui a préféré ce travail d’animation à un emploi dans un laboratoire. C’est l’expérience d’une quinzaine d’années d’un groupe d’accompagnement scolaire dans une maison de quartier à Sarcelles. On comprend mieux pourquoi une telle animation a réussi à éviter tant de redoublements dans les écoles primaires, les collèges et même les lycées, là où l’école seule, malgré la qualification et le dévouement de ses professeurs échoue souvent.
Les jeunes concernés sont souvent de culture étrangère : maghrébins, africains, indiens, tamouls ou turcs. Il ne suffit pas d’avoir une compétence disciplinaire pour les accompagner, il faut aussi prendre le temps d’écouter les problèmes personnels, familiaux, sociaux ou culturels qui interfèrent avec les problèmes scolaires. L’équipe d’âge et de culture variés doit être capable d’offrir à chacun des possibilités diversifiées de relation avec l’animateur. " Tu expliques aussi mal que mon prof à l’école (sic !). Tu vas deux fois trop vite, je vais attendre que Monsieur M. soit libre "
Suzanne a seize ans, elle est repliée sur elle-même. Elle est bloquée devant tout exercice scolaire qui lui est proposé. Il a fallu rien moins qu’une sortie nocturne avec toute l’équipe d’encadrement pour qu’elle arrive à prêter attention à l’exercice de maths du programme Des élèves, enfermés dans leurs problèmes de familles étrangères témoignent comment ils ont besoin d’être écoutés davantage : " Ici, on nous conseille sans nous faire la morale " Une autre confie de façon inattendue " comment j’ai gagné plus d’assurance pour défendre mon point de vue " Des filles de culture musulmane ont appris à " s’assumer " car c’est difficile " surtout quand on est une fille devant des mecs ".
On comprend mieux à travers tous ces témoignages d’animateurs et d’élèves comment s’impose de plus en plus un partenariat culturel et social dans certains établissements scolaires d’aujourd’hui. Patricia Portelli, qui préface cet ensemble de témoignages, a raison de souligner l’importance croissante dans certaines situations de " la complexité des conditions requises pour un développement global de l’élève en lien avec son milieu familial "
Joffre Dumazedier
pagespage précédente | 1 | ... | 1393 | 1394 | 1395 | 1396 | 1397 | 1398 | 1399 | 1400 | 1401 | ... | 1408 | page suivante