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Revue de presse du mercredi 30 octobre 2019

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La loi sur le port du voile votée au Sénat et la Biennale de l’éducation nouvelle sont nos deux principaux thèmes d’actualité.


Loi contre les mères voilées

Le Sénat adopte la loi interdisant les signes religieux aux accompagnatrices
“ »Depuis 4 heures on ne parle que du voile mais le mot n’est pas dans la loi ». S’il avait fallu démontrer le caractère islamophobe de la loi adoptée par le Sénat le 29 octobre, cette remarque de la sénatrice Esther Benbassa suffirait. Mais nul besoin de démonstration. Sans vergogne, au lendemain d’un attentat xénophobe, après des semaines de battage médiatique où le ministre de l’éducation nationale a eu sa part, le débat sur la proposition de loi déposée par les Républicains a plongé à de nombreuses reprises dans le caniveau xénophobe. La loi adoptée par le Sénat ne répond pourtant à aucune urgence ni même aucune demande des enseignants ou des directeurs d’école. Si elle était confirmée, elle ne ferait que compliquer leur tâche. Le Sénat a retrouvé le 29 octobre les échos de ses pires heures des années 1930.”

Mères voilées accompagnatrices: les sénateurs LR se défoulent

“Les sénateurs LR ont défendu avec outrance leur proposition de loi visant à interdire le port du voile aux mères accompagnatrices de sortie scolaire. Le ministre de l’éducation nationale s’est prononcé contre une telle interdiction, passant presque pour un modéré. Le texte a été adopté mardi soir par 163 voix contre 114. Les 23 sénateurs LREM ont voté contre.“Article de Médiapart pour abonnés de Pauline Graulle et Faïza Zerouala

Rappel vidéo d’une chaine populaire pour ceux qui étaient en vacances.

Certains soutiennent cette loi comme étant nécessaire :

« Pour clarifier la situation des accompagnatrices voilées de sorties scolaires, une loi est nécessaire »
« Le statut juridique des parents lors des sorties scolaires n’étant pas clairement établi, cela fait peser sur chaque directrice ou directeur d’école une responsabilité trop lourde » souligne, dans une tribune au « Monde », le juriste David Bailleul.

D’autres craignent le renforcement du communautarisme et la méfiance accrue envers l’école publique :

Prohiber les signes religieux partout, c’est dévoyer la laïcité et renforcer le communautarisme
“Il y a là une double erreur: l’une tient à la nature de la laïcité, l’autre à l’efficacité du combat contre le séparatisme communautaire.
Disons-le en quelques mots: la laïcité, telle qu’elle résulte du processus historique qui a mené à la loi de 1905, sur la séparation des Églises et de l’État, est un principe étroitement lié aux valeurs fondamentales de la République. La laïcité est d’abord une liberté: la liberté de conscience qui permet de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer une religion, dans la mesure où les manifestations de l’expression religieuse ne mettent pas en cause l’ordre public. La laïcité garantit ensuite le respect du principe d’égalité. La séparation des Églises et de l’État permet d’assurer l’égalité entre tous les citoyens quelles que soient leurs convictions. Athées, agnostiques, croyants ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. La laïcité, enfin, est une condition de l’idéal républicain de fraternité. Elle s’oppose, en effet, à ce qui divise et sépare. Elle doit être un facteur de concorde.
Nous pensons que c’est le respect et la mise en œuvre de ces principes qui donnent les meilleures opportunités de lutter contre les phénomènes communautaires qui peuvent déchirer la nation. Ce n’est pas en renforçant l’isolement de populations entières -dont, pour une large part, les conditions de vie économique et sociale favorisent déjà le repli– qu’on les aidera à se dissocier des forces sectaires qui instrumentalisent leur religion. »

Francette Popineau : Qui pose le problème des accompagnatrices voilées ?
“Qui a besoin de la loi « sur la neutralité religieuse » ?

A la tête , comme co-secrétaire générale, du premier syndicat du premier degré, Francette Popineau juge cette loi inutile et néfaste. Elle répond à 4 questions du Café pédagogique.”
« Quels effets aurait cette loi si elle était définitivement adoptée ?
Les enfants en patiraient. Car un des moyens de rapprocher les parents de l’école c’est de leur demander d’accompagner les sorties. Si on stigmatise une partie des parents on fait l’inverse de ce que l’école doit faire en général. On montre que l’école publique entretient la suspicion. On pousse des familles vers le privé. Et pour les enfants qui ont des difficultés scolaires c’est dramatique d’opposer leur famille à l’école. Enfin cette loi créerait un vrai problème dans certaines écoles : qui accompagnera les sorties ?
»

Justement, Luc Cédelle a rencontré celle qui souhaite « contrer l’école publique devenue, selon elle, un repaire idéologique » avec des écoles hors-contrat.

Anne Coffinier, militante hors cadre de la liberté scolaire
L’ex-directrice générale de la Fondation pour l’école poursuit son combat pour les établissements hors contrat sous une nouvelle bannière associative, Liberté pour l’école.

Cependant, l’assemblée nationale n’a pas encore ratifié cette proposition de loi.
Un collectif de professeurs franciliens appelle à la “résistance” à l’islamophobie dans une tribune sur le Blog de Médiapart.

Le monde éducatif dit «Non à l’islamophobie»
« Jean-Michel Blanquer ne parle pas en notre nom ». Deux jours après un attentat islamophobe, un collectif d’enseignants déplore un « climat de suspicion et de délation » que le ministre de l’Education a contribué à créer. Ils appellent leurs collègues et l’ensemble de la société à « entrer en résistance » en manifestant « leur refus du racisme, de l’islamophobie et de toute forme de discrimination ».

On en oublierait presque :


Pénurie de vocations, praticiens débordés… Pourquoi la médecine scolaire est le parent pauvre de l’Education nationale

Deux députés ont défendu mardi soir des amendements visant à renforcer la médecine scolaire, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 car « La France compte entre 800 et 900 médecins scolaires pour plus de 12,5 millions d’élèves et leur effectif a baissé de 20 % depuis 2008 », indique Marie Tamarelle-Verhaeghe, députée LREM de l’Eure.
Cette carence de praticiens rend parfois impossible le dépistage de certains problèmes de santé chez les enfants, notamment ceux issus de milieux modestes

Gratuité de l’enseignement supérieur : « La France, royaume de l’inégalité et du paradoxe »
“En actant le maintien du principe de gratuité, le Conseil constitutionnel empêche toute réflexion sur les réalités internationales et les inégalités de fait, estime l’économiste Béatrice Majnoni d’Intignano, dans une tribune au « Monde ».”

« La gratuité de l’accès à l’université enfin consacrée ? »
“Se félicitant de la décision du Conseil constitutionnel qui a entériné, le 11 octobre, le principe de gratuité à l’université, les deux universitaires David Flacher et Hugo Harari-Kermadec estiment, dans une tribune au « Monde », qu’il doit désormais être appliqué à tout l’enseignement supérieur.”

« Ils me disaient : “Paris, mais pourquoi ? » : pour les bacheliers des petites villes, la difficulté de faire ses études ailleurs
Barrières financières, manque d’information, autocensure : les freins à la mobilité sont nombreux pour les lycéens des communes rurales qui veulent étudier ailleurs. (article du Monde de Léa Iribarnegaray réservé aux abonnés)


Résister et militer

Pourtant, des militants pédagogiques résistent à la morosité ambiante, à Poitiers pour l’éducation nouvelle et à Spa, en Belgique pour les enseignants de Ludovia.

Biennale internationale de l’éducation nouvelle

Philippe Meirieu est intervenu aujourd’hui à la Biennale de l’éducation nouvelle sur le thème de :

L’éducation nouvelle et les sciences : des liaisons dangereuses ?
“A l’orée du 20ème siècle, l’éducation nouvelle s’est largement construite en revendiquant un rapport aux sciences et, en particulier, à la psychologie et à ses différents courants. Puis, dans l’histoire, le même mouvement pédagogique s’est appuyé sur la sociologie avant, aujourd’hui, de se revendiquer, parfois, des neurosciences. Mais que va chercher l’éducation nouvelle, qui se veut héritière de la philosophie de Rousseau, dans les sciences ? L’éducation nouvelle a-t-elle besoin d’une science pour fonder sa légitimité ? Ou bien les sciences ne sont-elles qu’un appui pour sa mise en oeuvre ?”

On peut retrouver la Conférence de Nathalie Mons sur le blog de la Biennale et lire un compte-rendu sur le site des Cahiers Pédagogiques.

Education à la citoyenneté : un éclairage de la recherche et des comparaisons internationales

Éducation à la citoyenneté : de la théorie aux faits
“La formation des futurs citoyens est une préoccupation commune à tous les mouvements de l’éducation nouvelle, qui organisent du 28 au 31 octobre 2019 la deuxième Biennale internationale de l’éducation nouvelle à Poitiers. Nathalie Mons, professeure de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise et directrice du Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire), est intervenue pour une conférence lors de laquelle elle a mis en évidence un décalage entre les textes officiels concernant l’éducation à la citoyenneté et leur mise en œuvre.”

Toujours sur le site des Cahiers pédagogiques, Florence Castincaud reprend la conférence de Michel Lussault.

L’espace scolaire est un espace politique
«L’éducation nouvelle s’est intéressée dès le départ aux espaces de vie des individus et des groupes, et en particulier aux configurations de la classe et de l’école : école-caserne, école-couvent ? ou espace de circulation et de construction des personnes et des idées ? Michel Lussault, ancien président du Conseil supérieur des programmes, spécialiste de géographie urbaine, a interrogé, dans la conférence inaugurale de la Biennale, la prise en compte du territoire comme potentiel et ressource pour les apprentissages.»
Conférence qu’on peut retrouver ici.

Luc Carton, militant associatif , Morgane Peroche, de la FICEMEA et Yannick Mével pour le CRAP ont débattu ensemble pour répondre à la question :

Comment faire face aux pièges de la marchandisation des savoirs ?
«Le discours entrepreneurial a envahi la sphère éducative, parfois en détournant le sens de certains mots qui pourraient être utilisés par l’éducation autour de l’épanouissement de l’enfant, de la liberté par rapport à des normes rigides, de l’innovation, l’encouragement aux projets, etc. Comment en quelque sorte reconquérir ce vocabulaire et l’arracher à un discours axé sur la réussite individuelle ? Comment faire pour que la nécessaire critique de l’école traditionnelle ne soit pas récupérée par une pensée ultra-libérale aux antipodes de notre projet politique fondé sur l’émancipation de chacun et de tous ?»

Catherine Rossignol


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A retrouver dans la librairie des Cahiers Pédagogiques

Hors-série numérique n° 52 – L’éducation nouvelle
Dossier coordonné par Bruno Robbes et Sylvain Connac
Une mise en perspective historique pour saisir les évolutions et la permanence des principes et revendications issues de ce mouvement, ainsi que l’émergence de débats et de controverses, notamment sur le sens à donner aux actions pédagogiques, entre des conceptions individuelles et d’autres plus collectives.