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Les 35 heures à l’école…

À l’occasion de la discussion générale sur les 35 heures et de leur application dans la Fonction publique, le temps de travail des enseignants va revenir sur la sellette. C’est un sujet sensible rarement mis en avant dans les revendications ( » Ah ! ces enseignants, avec leurs vacances, qu’ils ne viennent pas se plaindre ! « ) du fait de la spécificité du métier d’enseignant qui ne permet pas de reconnaissance claire de la charge de travail effective ; en effet, quelle frontière établir entre le  » temps contraint  » et le  » temps libre  » au cours duquel les tâches de préparation et de corrections sont à assurer ? Il faut tenir compte aussi de l’extrême diversité des situations dans lesquelles on exerce ce métier. En fonction des sources d’information, la durée de travail hebdomadaire dans le secondaire oscille de 27 h 30 (!) selon une enquête du Nouvel Observateur, à 42 heures selon le ministère, à plus de 45 heures selon des sources syndicales Dans le primaire, elle est estimée à environ 38 heures par semaine en moyenne La commune mesure sera donc effectuée en fonction du nombre d’heures de cours dues aux élèves. Là encore, on constate une extrême diversité : les obligations de service vont de 26 heures dans le primaire à 20, ou 18, ou 15 heures dans le secondaire – en fonction du corps ou de la discipline – à environ 22 heures dans les lycées professionnels, ou enfin à 12 ou 6 heures dans le supérieur Diverses études ont montré des différences sensibles dans l’évaluation du temps de travail selon :
– Le corps d’appartenance : ainsi un agrégé estime travailler en moyenne une heure de plus qu’un certifié bien qu’il ne doive  » que  » 15 heures statutaires contre 18 ;
– La discipline : les littéraires déclarent travailler en moyenne deux heures de plus que les linguistes et deux heures et demie de plus que les scientifiques ;
– Les établissements : en lycée on travaille environ trois heures de plus qu’en collège et une heure de plus qu’en LP ;
– Le nombre de classes en responsabilité.

Ces divers constats font apparaître à la fois la nécessité d’introduire un peu plus de transparence dans la détermination des obligations de service et l’extrême difficulté à traiter le problème : comment réduire le temps de travail pour tous ?

Les décrets de 1950 qui continuent de régir nos statuts ont été aménagés au cours du temps pour tenir compte des situations nouvelles : aujourd’hui, ils apparaissent sur bien des aspects obsolètes. Les majorations ou minorations pour cause d’effectifs lourds ou légers n’apparaissent plus très pertinentes au regard des nouvelles organisations du temps scolaires : heures de modules, ou dédoublements, ou aide individualisée ou qualification  » première chaire  » qui ne recouvre pas une charge de travail spécifique dans les conditions actuelles de travail

La question de la réduction du temps de travail nous amène ainsi presque obligatoirement à la question de la redéfinition du service des enseignants.

Ce point, largement débattu dans les syndicats, doit faire partie aussi de notre réflexion en tant que mouvement pédagogique. Nous avons contribué, avec d’autres, à faire évoluer les représentations et les pratiques du métier d’enseignant : la question du cloisonnement disciplinaire orchestré et régi par les cloisonnements horaires rigides du  » service  » a souvent été désignée comme un des obstacles majeurs aux apprentissages. Qu’elle soit un moyen de promouvoir l’emploi, ou de mieux faire face aux évolutions récentes du métier ou d’améliorer les conditions d’enseignement, la réduction du temps de travail pour les enseignants ne peut que s’engager à travers une réflexion sur la globalité du métier. Le statu quo est de moins en moins tenable ; il faut saisir cette réflexion comme une chance d’évolution positive du métier même si nous savons qu’elle recèle en même temps de nombreux dangers.

Marie-Christine Chycki, Professeur de lettres au lycée Jean Macé, Rennes.