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La culture scientifique dans le programme d’évaluation internationale PISA

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Comment définir la « culture scientifique » ?

En 2006, la troisième phase de cette évaluation passée par près de 400 000 élèves dans 57 pays a porté principalement sur la culture scientifique. Sachant que le socle commun de connaissances et de compétences en France se réfère au projet PISA, il paraît important de rappeler la définition donnée par l’OCDE de la culture scientifique dans le cadre de cette enquête internationale :

Dans la perspective du cycle PISA 2006, la culture scientifique a été définie comme suit :
les connaissances scientifiques de l’individu et sa capacité d’utiliser ces connaissances pour identifier les questions auxquelles les sciences peuvent apporter une réponse, pour acquérir de nouvelles connaissances, pour expliquer des phénomènes scientifiques et pour tirer des conclusions fondées sur les faits à propos de questions à caractère scientifique. Par exemple, un individu qui lit un article sur la santé est-il capable de distinguer les aspects scientifiques de ceux qui ne le sont pas ? Est-il capable d’exploiter ses connaissances pour justifier des décisions personnelles ?
la compréhension des éléments caractéristiques des sciences en tant que forme de recherche et de connaissance humaines. Par exemple, les individus sont-ils capables de faire la différence entre des explications basées sur des faits et des opinions personnelles ?
la conscience du rôle des sciences et de la technologie dans la constitution de notre environnement matériel, intellectuel et culturel. Par exemple, les individus sont-ils capables d’identifier et d’expliquer le rôle des technologies dans l’économie, l’organisation sociale et la culture d’un pays ? Sont-ils conscients des changements environnementaux et de leurs conséquences sur la stabilité économique et sociale ?
la volonté de s’engager en tant que citoyen réfléchi à propos de problèmes à caractère scientifique et touchant à des notions relatives aux sciences. Cette dimension de la culture scientifique renvoie à la valeur que les élèves confèrent aux sciences, tant à leurs thèmes qu’à leur démarche, comme moyen de comprendre le monde et de résoudre des problèmes. Que les élèves soient capables de mémoriser des informations et de les restituer ne signifie pas nécessairement qu’ils s’orienteront vers des professions scientifiques ou qu’ils s’intéresseront à des questions scientifiques. En savoir davantage sur l’intérêt que les jeunes de quinze ans portent aux sciences, sur la valeur qu’ils confèrent à la démarche scientifique et sur la responsabilité qu’ils assument à l’égard de la résolution des problèmes environnementaux permet de proposer aux décideurs des indicateurs précoces qui montrent à quel point les citoyens sont favorables aux sciences en tant qu’élément moteur du progrès social
(OCDE, 2007, p. 39).

Comment l’évaluer ?

Pour évaluer la culture scientifique telle qu’elle a été décrite précédemment, l’enquête du PISA s’appuie sur des situations de la vie quotidienne à caractère scientifique ou technologique avec des thèmes d’application pouvant être la santé, l’environnement, les ressources ou les risques naturels. Par exemple, une des questions de l’exercice s’intitulant « Exercice physique » porte sur le domaine de la santé et demande une explication scientifique d’un phénomène s’appuyant sur des connaissances en SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) :

Question 5 de l’exercice « EXERCICE PHYSIQUE » :
Pratiqué régulièrement, mais avec modération, l’exercice physique est bon pour la santé.

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Pourquoi doit-on respirer plus fort quand on fait un exercice physique que quand notre corps est au repos ?
(Réponse correcte attendue : Pour faire baisser le niveau de dioxyde de carbone qui tend à s’élever ou pour fournir au corps davantage d’oxygène)

Contrairement à ce qui se fait dans les classes en France, les situations d’évaluation ne correspondent pas forcément à une seule discipline affichée (physique-chimie, SVT, technologie ou même géographie). Par exemple, une des questions de l’exercice « LE GRAND CANYON » portant sur l’identification de questions d’ordre scientifique s’inscrit plutôt dans le cadre des SVT :

Question 7 de l’exercice « LE GRAND CANYON » :
Le Grand Canyon est situé dans un désert des États-Unis d’Amérique. C’est un canyon très vaste et très profond, constitué de nombreuses couches rocheuses. Autrefois des mouvements de la croûte terrestre ont soulevé ces couches. Le Grand Canyon atteint à présent jusqu’à 1,6 km de profondeur à certains endroits. Le fleuve Colorado coule au fond du canyon […]
Environ cinq millions de personnes visitent le parc national du Grand Canyon chaque année. On s’inquiète des dégâts qui sont causés au parc par tant de visiteurs.
Peut-on répondre aux questions suivantes grâce à une étude scientifique ? Entourez « Oui » ou « Non » pour chacune des questions.

Peut-on répondre à cette question grâce à une étude scientifique ? Oui ou Non ?
1. Quelle est l’ampleur de l’érosion causée par l’utilisation des sentiers de promenade ?Oui/Non
2. Est-ce que le parc est aussi beau aujourd’hui qu’il y a 100 ans ?Oui/Non

(Réponses correctes attendues : 1. Oui ; 2. Non)

tandis qu’une autre question de ce même exercice demande une explication scientifique d’un phénomène s’appuyant sur des connaissances en chimie :

Question 3 de l’exercice « LE GRAND CANYON » :
La température dans le Grand Canyon varie de moins de 0 o C à plus de 40 oC. Bien que la zone soit désertique, les fissures de la roche contiennent parfois de l’eau. De quelle façon ces changements de température et l’eau dans les fissures contribuent-elles à accélérer l’effritement de la roche ?
A. En gelant, l’eau dissout les roches chaudes.
B. L’eau cimente les roches entre elles.
C. La glace polit la surface des roches.
D. En gelant, l’eau se dilate dans les fissures de la roche.

(Réponse correcte attendue : D. En gelant, l’eau se dilate dans les fissures de la roche)

On peut également présenter une question de l’exercice « PLUIES ACIDES » portant sur les systèmes physiques (et permettant d’évaluer l’utilisation des faits scientifiques) dont le stimulus peut éventuellement faire penser à une question d’histoire :

Question 3 de l’exercice « PLUIES ACIDES » :
La photo ci-dessous montre des statues appelées cariatides, qui ont été érigées sur l’Acropole d’Athènes il y a plus de 2 500 ans. Les statues sont sculptées dans du marbre (un type de roche). Le marbre est composé de carbonate de calcium.
En 1980, les statues originales, qui étaient rongées par les pluies acides, ont été transportées à l’intérieur du musée de l’Acropole et remplacées par des copies.

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On peut simuler l’effet des pluies acides sur le marbre en plaçant des éclats de marbre dans du vinaigre pendant une nuit. Le vinaigre et les pluies acides ont à peu près le même niveau d’acidité. Lorsqu’on place un éclat de marbre dans du vinaigre, des bulles de gaz se forment. On peut déterminer la masse de l’éclat de marbre sec, avant et après l’expérience.
Un éclat de marbre a une masse de 2,0 grammes avant d’être plongé dans du vinaigre pendant une nuit. Le lendemain, on retire et on sèche l’éclat. Quelle sera la masse de l’éclat de marbre séché ?
A. Moins de 2,0 grammes.
B. Exactement 2,0 grammes.
C. Entre 2,0 et 2,4 grammes.
D. Plus de 2,4 grammes.

(Réponse correcte attendue : A. Moins de 2,0 grammes)

Enfin, des questions ont été posées aux élèves à propos de leurs attitudes à l’égard des sciences dans le but de mieux comprendre leur point de vue concernant certaines questions scientifiques ainsi que pour évaluer l’intérêt qu’ils portent aux sciences et la valeur qu’ils accordent à la démarche scientifique. Par exemple, dans l’exercice « LE GRAND CANYON », les élèves devaient notamment répondre à la question suivante :

Question 10 de l’exercice « LE GRAND CANYON » :
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord avec l’affirmation suivante ?

Tout à fait d’accordD’accordPas d’accordPas du tout d’accord
Les mesures de protection des parcs naturels contre les dégâts doivent s’appuyer sur des preuves scientifiques.

Quelle conception de la culture ?

Dans le programme PISA, on accorde plus d’importance à l’application des connaissances scientifiques dans des situations tirées de la vie courante qu’à la simple restitution des acquis scolaires traditionnels. Ainsi, la culture scientifique testée ne correspond pas exactement aux objectifs des programmes scientifiques français. Cependant, il paraît important d’être attentif à la définition donnée par l’OCDE de la culture scientifique ainsi qu’à son évaluation proposée dans le cadre de l’enquête PISA car elles sont le résultat d’un compromis international entre 57 pays (représentant plus de 90 % de l’économie mondiale). Il est donc nécessaire de connaître les modalités de cette évaluation qui va se poursuivre au moins jusqu’en 2015 ainsi que les résultats 2006 de celle-ci (Voir en ligne) (Bourny et Brun, 2007).

Nicolas Coppens, Membre de la commission d’experts français en sciences de l’évaluation internationale PISA – Ministère de l’éducation nationale DEPP B2 – Lycée international – Strasbourg.


Bibliographie

Bourny G. & Brun A. (2007). Les élèves de 15 ans. Premiers résultats de l’évaluation internationale PISA 2006 en culture scientifique. Note d’information, 07-42, décembre 2007. Paris, DEPP – Département de la valorisation et de l’édition (Voir en ligne).

OCDE (2007). PISA 2006. Les compétences en sciences, un atout pour réussir. Volume 1 – Analyse des résultats. Paris, Les éditions de l’OCDE (Voir en ligne le document au format PDF)