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Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage

Nous sommes d’ordinaire plutôt méfiants devant la perspective d’exploiter les recherches en neurosciences
pour en tirer des principes d’enseignement et aider les élèves à mieux apprendre. D’autant que le ministre De Robien a, dans une période récente, montré ce que cela ne doit surtout pas être, en développant une conception scientiste et dogmatique bien éloignée de l’esprit
scientifique.
Et pourtant on aurait grand tort de ne pas tenir compte des conclusions provisoires, prudentes et nuancées que nous
proposent des chercheurs comme ceux qui travaillent dans le cadre de ce centre de recherches international, dont un des
objectifs est « d’encourager le dialogue entre les éducateurs et les chercheurs » La publication (en ligne ou en version papier) qu’ils mettent à notre disposition
est en effet éclairante, stimulante et encourageante !
On notera d’abord une très grande qualité de cet ouvrage : sa lisibilité. Les auteurs n’emploient le langage spécialisé que quand c’est nécessaire et ont le souci
constant d’être concrets, de s’appuyer sur des exemples. On appréciera tout particulièrement le chapitre où ils démontent ce qu’ils appellent les « neuromythes » (concepts erronés, idées fausses qui naissent à partir de certains faits neuroscientifiques établis, mais mal interprétés ou généralisant abusivement…). Rien ne dit par exemple que le cerveau masculin serait par essence différent du cerveau
féminin
, rien n’indique qu’on peut apprendre en dormant, rien ne corrobore l’idée qu’on ne doit apprendre une langue étrangère que si on possède d’abord bien sa propre langue. De même, les auteurs critiquent la « naturalisation » de l’opposition entre les deux hémisphères du cerveau, tout en indiquant que les extrapolations autour des activités cerveau gauche/cerveau droit ont eu malgré tout des effets collatéraux positifs pour ce qui est de la diversification des pratiques pédagogiques.
En règle générale, les conclusions des auteurs tendent à rejoindre ce que prônent les pédagogies novatrices. Ils reprennent et illustrent la vieille devise de Benjamin Franklin « tu me dis, j’oublie ; tu m’enseignes, je me souviens ; tu m’impliques, j’apprends », plaidoyer
en faveur de pratiques actives. Ils mettent en avant l’importance des émotions, de la confiance en soi, du sentiment de réussite et refusent la coupure entre un
cerveau rationnel et un cerveau « limbique ». Ils mettent en évidence l’intérêt d’une évaluation formative, qui permet de mieux identifier les besoins de chaque
élève.
Sur la question de la lecture et de la « littéracie » (ce qu’il advient de la maîtrise de l’écrit après les premiers apprentissages), les auteurs montrent bien la complexité
du sujet. La méthode syllabique ne serait-elle pas supérieure surtout dans les langues où les correspondances
phonies-graphies sont fortes, tandis que pour des langues comme l’anglais et à degré moindre le français, une certaine mixité des méthodes s’impose ? On est loin des assertions du type : « les spécialistes ont établi que… ».
De grands thèmes de recherches futurs sont énoncés dans le chapitre « perspectives » : par exemple, étudier beaucoup
plus le thème des différences culturelles ou l’importance des interactions sociales, ou encore comparer les activités cérébrales chez les experts et chez les individus en difficulté pour mieux définir ce que pourrait être un apprentissage réussi. On trouvera aussi des éléments sur les « dys » (dont la dyslexie), le rôle de la mémoire, les évolutions de l’apprentissage selon les étapes de la vie (non, tout ne se joue pas les premières années, oui,
il y a une grande plasticité du cerveau). Encadrés, glossaire final, aperçus sur un intéressant forum de discussions sont autant de moyens de rendre agréable la
lecture de ce précieux document, à faire connaître largement.

Jean-Michel Zakhartchouk


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