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Changement d’ambiance

Couverture du n° 575 des Cahiers pédagogiques

Comment faire quand on n’y arrive plus ? Une enseignante cherche, se documente et met en place une classe plus flexible.

Enseignante depuis douze ans, j’ai longtemps été confrontée à une forme de résistance de la part de certains élèves, par manque de motivation ou d’intérêt pour les apprentissages. Je vivais mal cet échec et par l’effet d’un cercle vicieux j’avais de plus en plus de difficultés à prendre plaisir à enseigner étant la plupart du temps trop occupée à faire de la discipline. J’ai un moment envisagé me reconvertir, m’éloigner de l’école et des élèves puis j’ai découvert le yoga et la méditation qui m’ont beaucoup aidé à accueillir mes émotions, à mieux me connaitre et j’ai eu envie de tester ces pratiques en classe. Mon cheminement sur le bienêtre à l’école démarrait.

J’ai commencé par expérimenter le yoga par petites touches, pour récupérer l’attention des élèves, en guise de transition. Cela fonctionne pour les trois quarts des élèves qui en redemandent. J’ai fini par instituer un créneau de trente minutes dans mon emploi du temps, que je comptabilise dans les heures de sport.

Assises flexibles

Un jour, j’ai passé la tête chez ma voisine de classe qui faisait un boucan d’enfer en aménageant sa classe et je ne la remercierai jamais assez de m’avoir fait découvrir l’aménagement flexible. Elle avait déniché tout plein de mobiliers à droite à gauche : tables basses, poufs, coussins, ballon de grossesse, fauteuils, etc. Cet aménagement agrandissait considérablement la salle et donnait vraiment envie de s’y installer. J’ai donc commencé à troquer mes tables et chaises contre des assises flexibles.

A l’heure des progrès de la recherche en neurosciences, il est temps de modifier nos pratiques et de les faire évoluer avec notre société. Les enfants ont besoin de mouvements, on le voit dans les classes, ils gigotent, se retournent, se dandinent, tout cela questionne. Est-on dans de bonnes conditions pour apprendre si on ne se sent pas bien dans son corps ? De plus en plus d’études montrent que le corps permet d’ancrer des notions, je me suis donc autorisée à leur laisser le choix de leur assise et de leurs voisins.

Le fonctionnement flexible a radicalement changé mon ambiance de classe et le climat qui y règne. J’ai différentes assises et les élèves choisissent leur place tous les matins (chaises et tables classiques, par groupe de quatre, seul contre le mur, sur un pouf, sur un ballon, avec un coussin sur la chaise, une galette, etc.) tout est possible, je fais confiance à mes élèves pour qu’ils choisissent la position et la place dans laquelle ils seront les plus à l’aise pour apprendre. J’ai senti quelque chose lâcher prise chez les élèves, ils se sentent plus libres, ils me font confiance et s’emparent totalement de l’espace-classe. Les déplacements sont autorisés dans la limite du raisonnable, pour chercher du matériel, des outils, accéder aux affichages. Les échanges entre les élèves sont plus fluides, la coopération et l’entraide sont beaucoup plus simples à mettre en place.

Cet aménagement permet de fonctionner comme en classe ordinaire : avec des séances de découverte en classe entière, des temps d’autonomie, de travail de groupes ou en binôme. Cependant, j’ai de plus en plus tendance à m’effacer au profit de mes élèves, je leur laisse le choix : ont-ils besoin du rappel d’une notion ou peuvent-ils se lancer directement dans l’exercice ? Ont-ils besoin d’une explication supplémentaire en petit groupe ? Souhaitent-ils aider ou profiter d’un temps libre ? Cette posture, qui accompagne, apprend aux élèves à se connaitre, à évaluer leurs besoins. J’essaie au maximum de faire émerger la motivation et l’envie chez les élèves, de les rendre responsables et impliqués. Tout cela contribue à leur bienêtre et à une ambiance de classe agréable, coopérative et sereine. Il m’arrive également de conseiller à certains enfants une place fixe mais la plupart du temps, ils n’ont pas besoin de moi pour le savoir.

Tout en boites !

Dans la continuité de ma réflexion, j’ai commencé à m’intéresser à la bienveillance, l’empathie et l’éducation positive en classe. Une conférence de la pédiatre Catherine Gueguen dans le cadre de la formation continue a achevé de me convaincre de poursuivre dans cette voie : si le stress et l’anxiété, les cris et les remarques stigmatisent et bloquent les transmissions neuronales et donc les apprentissages, alors je dois faire en sorte que mes élèves se sentent bien en classe et soient heureux de venir à l’école !

J’ai donc commencé à lire, me documenter, à regarder du côté de l’Amérique du Nord, des pays scandinaves et de la belle communauté enseignante présente sur les réseaux sociaux. J’y ai trouvé une grande inspiration et de belles idées, comme celle des boites.

La boite à bonheurs accueille des petits mots, des petits dessins, des attentions bienveillantes à destination des élèves ou des adultes qui interviennent en classe. Nous faisons des distributions de temps en temps pour le plus grand plaisir des enfants.

La boite à colères permet aux élèves de se décharger en écrivant ce qui leur passe par la tête en rapport avec un conflit, un échec. Le contenu de la boite n’est pas lu et passe à la poubelle ce qui permet d’éviter une certaine forme de censure.

La boite à idées permet aux élèves de proposer des activités, des thèmes ou des rituels à l’enseignant. Parce que la motivation est selon moi un facteur important de bienêtre, il faut que ce que je propose aux élèves leur plaise donc je ne me prive pas de les consulter régulièrement. Qu’avez-vous pensé de cette manière de travailler ? Qu’est-ce qui vous plaît, vous déplaît ? C’est toujours intéressant d’avoir leur avis.

Je dirai donc pour conclure qu’un enseignant heureux de venir à l’école, de partager du temps avec ses élèves et d’enseigner a de grandes chances de rendre ses élèves heureux également parce qu’il ou elle aura à cœur de remettre en question sa pratique, de se documenter pour trouver des solutions adaptées à ses élèves. Le tout est d’essayer de prendre en compte les individus que l’on a face à nous et plus seulement le groupe classe.

Il est évident que ça sera difficile, que ça ne marchera pas à tous les coups. Nos classes et nos élèves ne réagiront pas tous de la même façon, mais notre métier est fait de tâtonnements et d’expériences et parfois, de belles surprises. Le tout est de continuer d’y croire et de faire confiance aux enfants.

Marie Mialet
Enseignante en élémentaire

On peut retrouver l’autrice sur son blog : pimpmyclass.com et sur une page instagram : @pimpmyclass


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Le bienêtre à l’école

Coordonné par Andreea Capitanescu Benetti et Maëliss Rousseau
La recherche en éducation met de plus en plus l’accent sur l’importance du bienêtre à l’école, et les conditions à mettre en œuvre pour que les élèves persévèrent et réussissent scolairement, voire développent leur personnalité. Cela demande de faire émerger une relation apaisée entre les élèves, les enseignants, et les savoirs.