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Le bac n’est pas une fin en soi

Le plus souvent, une distinction nette est faite entre les formations qui ont vocation à accompagner l’accès à l’emploi et celles qui appellent une poursuite d’études supérieures. En Allemagne et en Suisse, où la différenciation intervient plus tôt, les études générales restent faiblement spécialisées (une filière, des options), alors que l’offre de formations professionnelles est fortement clivée. En Belgique francophone, l’enseignement de transition s’inscrit dans une perspective de poursuite d’études, alors que l’enseignement de qualification ne le permet pas. Au Québec également, le deuxième cycle secondaire, filiarisé dans le cas d’études professionnelles, ne l’est pas pour ceux qui suivent une formation générale, bien que les choix d’options conditionnent en partie la suite du parcours. En France cependant, la frontière reste floue : le même baccalauréat professionnel est supposé permettre une insertion professionnelle et autoriser l’accès à l’enseignement supérieur.

Les épreuves finales standardisées : une autre exception française

Le baccalauréat est aussi une exception, parce qu’il relève d’une procédure totalement centralisée et que les épreuves finales standardisées sont extrêmement nombreuses.

L’Abitur allemand, avec ses cinq épreuves obligatoires (dont quatre écrites) reste le plus proche du baccalauréat ; sa conception incombe aux lands, mais les corrections sont réalisées par les enseignants des établissements d’accueil. En Suisse, l’examen final de maturité relève pour l’instant exclusivement de la responsabilité des établissements d’accueil. En Belgique francophone, ce sont aussi les établissements qui distinguent les lauréats, sur la base d’évaluations externes non certificatives et de contrôle continu ; dès 2014, s’y ajoutera une épreuve standardisée commune dans le cadre du TESS (test d’enseignement secondaire supérieur). Le A-level anglais est encore plus libéral : les élèves choisissent la seule matière qui fait l’objet d’une épreuve finale sur table. Au Québec, l’obtention du diplôme d’études collégiales (DEC) est soumise à la réussite de deux épreuves finales communes : une élaborée par le ministère, l’autre par l’établissement d’accueil. En Suède où il n’existe pas d’examen final, les notes du contrôle continu et des évaluations externes organisées en cours de formation jouent un rôle capital dans les possibilités ultérieures d’études. En Espagne, le bachillerato ne comporte pas non plus d’épreuve finale, mais c’est l’examen d’entrée à l’université qui, pour l’instant, confère le droit de poursuivre des études supérieures. Dans plusieurs pays (Angleterre, Québec, Suède, etc.), le contrôle continu se fonde sur un système de crédits capitalisables qui permet une validation progressive des modules.

Depuis 2011, on parle beaucoup de « bac – 3 bac + 3 » en France. La formule s’applique à postériori aux réformes de l’enseignement professionnel et du lycée général et technologique. Les multiples dispositifs soutenant la poursuite d’études (orientation active, admission postbac, cordées de la réussite, plan réussite en licence, etc.) s’en réclament aussi tous désormais. Mais peu de systèmes éducatifs ont concrètement outillé ce continuum. En Allemagne, la forte segmentation des formations professionnelles est compensée par l’existence de nombreuses passerelles. Au Québec, les collèges (postsecondaire) et les universités contractualisent des parcours types, qui permettent aux inscrits de bénéficier d’un programme allégé grâce à une reconnaissance d’acquis. Le fait d’avoir opté dès le collégial pour une formation technique n’est donc pas pénalisant, au contraire.

Pour autant, la continuité ne représente pas systématiquement un objectif à atteindre, parfois c’est la rupture qui prévaut. En Suède, les études secondaires sont marquées par une forte linéarité et une faible sélection, alors que l’entrée dans le supérieur est très fortement régulée. En Suisse, à l’inverse, la sélection s’opère strictement en amont, dès la fin de l’enseignement obligatoire, et la poursuite d’études supérieures, ouverte à tous les titulaires d’une maturité, demeure une exception, comme en Suède.

Difficile donc d’apprécier l’efficacité de telle ou telle scolarité secondaire, sans approfondir les liens entre qualification et insertion professionnelle.

Laure Endrizzi
Chargée d’études, service Veille et analyses à l’IFÉ-ENS de Lyon