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Réussir ou échouer à l’école : une question de contexte ?

Voici un ouvrage qui, si on parvient à surmonter l’obstacle que peut constituer le type d’écriture propre à la recherche (un style souvent impersonnel et quelque peu austère, les références nombreuses, le vocabulaire parfois ardu…), contient de nombreuses pistes qui intéresseront le pédagogue. Les auteurs recensent de nombreux travaux de laboratoire ou d’expérimentation auprès de groupes d’élèves, dont certains qu’ils ont eux-mêmes pilotés, pour tenter de dégager quelques facteurs qui favorisent ou non la réussite à l’école. Ils ont l’heureuse idée de consacrer à la fin du livre une quinzaine de pages qui sont des « repères pour agir » particulièrement intéressants. Ce qui apparaît avant tout, comme l’indique le titre, c’est l’importance du contexte dans lequel on apprend. Ni la maîtrise par l’enseignant du savoir, ni les acquis et les efforts des élèves ne suffisent. La façon dont est présenté le savoir, dont les élèves sont évalués, la manière dont on va gérer la classe dans sa diversité, tout cela est essentiel. Des études montrent par exemple que tout ce qui contribue à rendre publique la difficulté de certains élèves (cela va de rendre les copies à haute voix jusqu’au « qui n’a pas réussi ? » prononcé à la fin d’une tache) aboutit à un renforcement de l’échec. L’anonymat protège finalement les élèves en difficulté, comme le montrent certains tests. Et les complimenter n’est pas forcément la solution, car cela les fait sortir de cet anonymat. Pour les auteurs, qui mettent en garde cependant contre toute déductibilité des pratiques à partir des travaux de recherche, il convient en fait d’être conscient de ces phénomènes pour les gérer au mieux et construire une stratégie à long terme pour rassurer ces élèves et inscrire dans leur mémoire et dans leur histoire personnelle des réussites valorisantes qui influeront sur les tâches ultérieures.

Les études citées mettent aussi en évidence l’importance pour les élèves de se mesurer aux autres. Le plus profitable pour eux est de se comparer à ceux qui sont légèrement au-dessus d’eux (sauf dans des situations où ils ne se sentent pas en sécurité, et où ils ont tendance à se mesurer à des plus faibles). Tout cela s’inscrit dans le parcours de chacun et renforce l’idée de porter une attention particulière à la personne globale de l’élève, avec sa biographie et le sentiment qu’il a de lui-même. Plusieurs pages sont consacrées au travail de groupes. Celui-ci n’est pas la panacée et peut encourager les phénomènes de « paresse sociale », mais il peut être profitable à tous s’il est stimulant et valorisant. La façon d’organiser le travail de groupe est décisive.

Enfin, les auteurs indiquent brièvement le risque que courent certains élèves de s’enfermer dans l’échec s’ils sont souvent confrontés à la comparaison négative. On le savait sans doute, mais il est bon de le voir confirmé par des études minutieuses : la compétition profite surtout aux forts et « certains comportements, et la violence qui les accompagne, ne sont probablement pas indépendants des marquages de comparaison dont leurs auteurs ont été ou sont l’objet » (page 118).

Et n’oublions pas aussi un des messages du livre : l’hétérogénéité et la pluralité sont des facteurs positifs pour l’apprentissage. La « pluralisation » du contexte, nous dit-on, garantit le développement de tous. Il est encourageant de voir affirmés de tels principes, surtout lorsqu’on sait qu’un des auteurs a des responsabilités importantes dans le système éducatif.

Jean-Michel Zakhartchouk