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Personnalisation, liens, formation

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Personnalisation

Le rapport remet en cause le concept beaucoup trop flou de « grande difficulté scolaire ». Ce que l’on nomme « difficulté scolaire », tout comme la notion d’« élèves à besoins éducatifs particuliers », regroupe des situations complexes très différentes : les enfants handicapés (déficiences physiques sensorielles ou mentales), les « inadaptés scolaires » (immatures, instables, inhibés, agités), les défaillants instrumentaux (famille des « dys »), les « peut mieux faire » (refusant l’effort, inattentif, non motivés, chahuteurs), les absentéistes, les délinquants précoces (rebelles à la loi scolaire, agressifs, opposants).

On trouve dans les classes spécialisées et les différents dispositifs (CLIS, ULIS, Segpa) des profils d’élèves très différents selon les collèges, les départements. Toutefois, quelques caractéristiques ressortent : être issu d’un milieu socialement défavorisé (72 % en Segpa), être en grande difficulté dans le domaine de la langue (p. 26), être un garçon (p. 30), avoir des « problèmes de comportement » (p. 28). Chose étonnante, dans leur grande majorité, ces élèves ont été scolarisés depuis la petite section. On ne peut donc pas mettre la grande difficulté scolaire sur le compte d’une scolarisation tardive.

Le rapport regrette également la disparition des évaluations nationales et propose de « stabiliser un dispositif national d’évaluation permettant de […] situer son travail par rapport à des repères fiables », p. 127. Cette évaluation serait placée au début de la dernière année de chaque cycle.
Il est aussi proposé de mettre en place un accompagnement personnalisé après la classe (p. 154,155). Mais c’est bien au cœur de la classe que l’essentiel se noue, puis se dénoue. Les rédacteurs insistent. « Tous les élèves doivent être accueillis dans des classes hétérogènes et c’est dans ce cadre que les difficultés de chacun doivent être prévenues et surmontées » (p 151). « C’est dans la classe que se pose le problème et c’est dans la classe qu’il doit être résolu » (p. 75).

La personnalisation au quotidien dans le premier degré

Il est bien précisé dans l’introduction que l’objectif était de « recenser les principaux dispositifs » et de « regarder comment l’enseignement et le quotidien de la classe s’adaptent » aux besoins des élèves. L’exercice est réussi et les constats sont sévères mais justes (p.49-52). Cinq facteurs paraissent déterminants pour une adaptation efficace :

  1. la formation pédagogique et didactique du maître (les évidences sont parfois bonnes à rappeler),
  2. la relation personnalisée entre le maître et l’élève,
  3. la pertinence des interventions et des aides apportées pendant le temps de classe,
  4. l’intégration dans la communauté de travail que constitue la classe,
  5. la gestion du temps.

Les enseignants sont volontaires et attentifs mais de nombreuses lacunes sont pointées : « le maître peut prendre à part, et parfois longuement, ceux qui sont en difficulté, mais sans efficacité. On répète des consignes, on reformule des explications, on pointe des erreurs, on fait “refaire”, on valide ou invalide, mais on ne cible pas ce qui fait obstacle à l’apprentissage, ce qui est en jeu dans celui-ci et ce qui le parasite », et « dans trop de classes, les questions sont posées “à la cantonade” et c’est le plus rapide qui répond, au détriment du plus lent, on ne prend pas le temps de la recherche et de la formulation de la réponse par chacun ».

Lors de cette enquête, l’inspection semble regretter de n’avoir « recueilli que très peu d’exemples de recours à des méthodes expertes, à des démarches spécifiques visant à “apprendre autrement” et de n’avoir relevé aucune utilisation spécifique des moyens numériques pour répondre aux situations de grande difficulté » (p. 49). Enfin, on insiste sur le rôle de l’évaluation : « les bilans et parfois les évaluations quotidiennes mettent trop souvent en évidence des manques et des échecs et ne pointent pas ou insuffisamment les réussites. » Même chose pour les grilles, tableaux ou livrets : « les progrès de ces élèves […] ne sont pas suffisamment mis en évidence et valorisés ». L’inspection prend même clairement position pour « un plan de travail quotidien ou hebdomadaire dont il comprenne et partage l’ambition » (p. 55).

Personnaliser au collège

Le collège est sévèrement remis en question. « C’est au niveau du collège que la dégradation des résultats a été la plus marquée au cours des dernières années » (p. 23). Face à la multiplicité des intervenants et des dispositifs, sont suggérées des progressions différenciées, des projets personnalisés portés par un tuteur, des conceptions différentes de l’emploi du temps en diminuant le nombre de professeurs intervenant au cours d’une même semaine (distribution horaire semestrielle ou par période, généralisation de l’enseignement intégré des sciences et de la technologie, organisation par projet pour une partie des heures…). L’idée des unités pédagogiques fonctionnelles, chère à Philippe Meirieu, n’est pas loin…

Il est observé que les professeurs de collèges se disent encore plus en difficulté que les professeurs des écoles face à ces élèves.
La question de l’évaluation paraît centrale. Une réflexion sur le système traditionnel de notation qui résume l’avis des rédacteurs : « il est évident qu’un élève qui accumule les notes les plus défavorables du premier trimestre de sixième jusqu’à la fin de la troisième ne peut guère avoir envie de progresser ni même de se lever le matin (…) Pour ces élèves, la notation est systématiquement le verdict d’une insuffisance ».
Une fois que tous ces manques ont été identifiés, comment aider les enseignants à les pallier ? La balle est renvoyée aux ESPE qui devraient en faire une priorité en formation initiale et continue

Former

A partir du constat du manque de personnalisation des parcours, le clou est donc enfoncé, martelé et fini à la masse : il faut former les enseignants. Les enseignants sont plein de bonne volonté mais démunis.
Toutefois après avoir fait ce constat, les recommandations sont plutôt décevantes et pourraient se résumer ainsi : il faut plus de formation initiale et continue.

Créer des liens

Les rapporteurs insistent constamment sur le fait que face à la multiplicité des intervenants et des dispositifs, il ne peut y avoir qu’un seul référent qui fasse le lien : l’enseignant. S’ils soulignent également le besoin d’aides extérieures (directeur, psychologue, maître E, G…) pour prendre du recul, analyser, organiser, coordonner, c’est le professeur des écoles, le professeur principal ou le professeur référent qui devrait centraliser.

Les Rased : C’est toute l’organisation en réseaux qui est remise en question.
Lorsque les équipes travaillent ensemble, là encore le rapport fait état de dispositifs très variés. Il est surtout noté qu’on passe beaucoup (trop) de temps à penser le dispositif lui-même plutôt qu’à réfléchir « aux objectifs et au contenu apporté à chaque élève ». Et finalement, le dispositif se résume très (trop) souvent à un allègement des effectifs en groupes de niveaux ou de besoins.

Du lien entre élèves : Segpa terribles ? Malgré la précaution oratoire de l’introduction, ce sont tout de même 14 pages qui sont consacrées au fonctionnement des Segpa.
Tout en précisant qu’il faudrait aller plus loin dans leur étude, le point de vue des rédacteurs transparaît assez nettement au cours de la lecture : dans l’état actuel du collège, la Segpa semble encore la moins pire des solutions. Le collège en prend plein son grade, nous l’avons vu, et c’est son inadaptation structurelle, fonctionnelle, administrative qui rend l’existence de la Segpa nécessaire.
Mais le soutien à la structure reste timide : de nombreux dysfonctionnements sont pointés.
Les SEGPA sont toujours des sections « à part ». Dans la vie du collège, si les élèves de SEGPA participent aux grands événements de l’année, ils vivent la plupart de leur temps « à côté ».
De faibles effectifs, une équipe restreinte, un professeur de référence, un temps de concertation régulier, une continuité sur 4 ans, autant d’éléments positifs qui devraient favoriser une personnalisation des parcours. Mais le fonctionnement du collège est encore très prégnant et les emplois du temps, par exemple, sont figés.

Conclusion

Gwenael Le Guével

Gwenael Le Guével

Ce rapport confirme donc que l’accueil à l’École s’est démocratisé mais pas encore l’enseignement. Il pose la question suivante : « ne devrions-nous pas passer d’une démarche fondée sur la réponse aux difficultés, perçues comme l’écart à une norme implicite, à une démarche plus résolument inclusive et à une organisation de l’école et des parcours construite en fonction des besoins spécifiques de chaque élève ? » La réponse est à nouveau dans la question… Ainsi, le seul mérite reconnu à la Segpa est qu’elle offre aux élèves « la possibilité de se reconstruire » p. 159. Ils ont donc été détruits… Et si nous essayions plutôt de faire en sorte qu’il n’y ait pas de destruction ? C’est ce à quoi ce rapport nous invite. Transformons tous les collèges en Segpa ou toutes les Segpa en Ulis et tous les professeurs en professeurs spécialisés. Demandons-nous sans cesse : qu’est-ce qui se passe dans la classe ? Le traitement des difficultés doit ainsi devenir l’affaire de tous, de tous les généralistes. Pas que des spécialistes. Concernant les moyens attribués au traitement de « la grande difficulté », l’opinion des auteurs est claire : « il ne s’agit donc pas de faire “plus”, mais plutôt de s’interroger sur la pertinence et l’efficience de ce qui est fait ».

Gwenael Le Guével


Pour télécharger le rapport :

http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/27/1/2013-095_grande_difficulte_293271.pdf