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Merci maîtresse !

Ancienne journaliste de Radio France reconvertie au professorat des écoles, Anouk F. partage sa découverte d’un métier dont elle-même avait une idée quelque peu biaisée. D’autant qu’elle exerce dans un établissement “de regroupement”, c’est-à-dire une école d’accueil pour enfants étrangers.

En toute logique, le livre s’ouvre avec une scène de rentrée des classes. Une journée qui met l’enseignante dans un état de stress largement supérieur à celui de la plupart des élèves. Heureusement, il y a Laurence, 30 ans, à la fois directrice, collègue et copine, une épaule solide sur laquelle s’appuyer. Les autres collègues aussi, qu’on retrouve dans l’espace que « l’architecte a daigné » ajouter à l’établissement : la salle des maîtres (ou plutôt des maitresses, vu qu’il n’y a qu’un représentant masculin), l’indispensable sas de décompression. « Je crois que je suis vraiment devenue enseignante le jour où j’ai accepté de ne pas être capable de tout faire », analyse l’autrice. Exemple à l’appui, avec ce petit élève portugais qui refuse obstinément d’apprendre le français, elle dévoile le B.A.-BA de son nouveau métier : apprendre à encaisser les échecs, et vite, car ils sont nombreux.

Heureusement, il y a des cas où la patience et l’envie d’aider l’enfant en grande difficulté finissent par payer. Comme avec Antoine, enfant de CE2 souriant mais incapable de comprendre une consigne, finalement diagnostiqué « déficient ». Un mot « moche » comme en regorge le lexique de l’Éducation nationale (bilan psychométrique, être « déchargée », brigade…). Les élèves passent, se succèdent, tous différents, d’où justement la difficulté à faire progresser chacun, selon ses capacités, sa maitrise de la langue et des fondamentaux. Comme l’a dit Charles, l’unique collègue masculin : « Être enseignant, c’est être Forrest Gump. Quand tu pousses le portail de l’école le matin, c’est comme quand tu ouvres la boite de chocolats ; tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber. » Il y a « l’enfant sauvage » qui trainait dans la rue pendant les heures de prison de sa maman avant que la gendarmerie n’intervienne pour qu’elle soit scolarisée. Il y a aussi l’enfant syrien, avec tous ces bruits de guerre dans la tête.

Parfois, ce ne sont pas les élèves mais leurs parents qui sont récalcitrants. Quand Laurence, la directrice, reçoit un coup de fil de l’inspection, suite à une plainte de mère d’élève qui semble infondée, c’est toute l’équipe pédagogique qui est solidaire (Toute ? Non ! Car une collègue résiste encore et toujours…). Une épreuve difficile, surtout quand il y a un si fort sentiment d’injustice sur les faits reprochés.

Ainsi s’égrènent les jours, puis les mois, et ça y est, l’année est passée, avec ses deux marronniers de juin : finir le programme et être prêt pour le spectacle de fin d’année !
Un témoignage aussi vivant que la langue employée et que les enfants, qui rendent chèvre mais qui motivent, aussi, l’enseignante à venir travailler chaque jour, pour tendre la main et « sauver » le plus grand nombre d’entre eux. Ou pas. Mais ainsi va la vie d’enseignant, avec ses réussites, ses échecs, ses déceptions et l’expérience qui se construit, au fil des rentrées.

Natacha Lefauconnier