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Enseignants et élèves en souffrance

Le sous-titre de l’ouvrage souligne son orientation : il s’agit d’un  « guide pratique pour des partenariats entre école et pédopsychiatrie ». Le mot partenariat y est central : quatre auteurs issus de champs disciplinaires différents (pédopsychiatrie, philosophie, médecine, psychsociologie) ont participé à sa rédaction et les expériences relatées sont une émanation et une illustration des collaborations possibles entre ces deux instances.

Prendre en charge les élèves et les enseignants en souffrance et trouver des pistes pour sortir de situations d’impasse est en effet  l’affaire de tous. Nicole Catheline, coordinatrice de l’ouvrage,  a exercé comme pédopsychiatre pendant 40 ans, avec la particularité de s’intéresser  à l’impact de la scolarité sur le développement psycho-affectif des jeunes. Elle en a gardé quelques convictions :  une méfiance contre une externalisation hâtive et une médicalisation  trop souvent liées à une confusion entre conduites réactionnelles et symptômes pathologiques , la fécondité des croisements de regards et de points de vue issus de pratiques conjointes entre  structures de soins, d’enseignement, de loisirs. C’est dans ce sens qu’elle a impulsé, avec d’autres, dans l’académie de Poitiers entre 1997 et 2016, plusieurs dispositifs décrits et analysés dans l’ouvrage.

Trois parties l’organisent. La première est centrée sur le repérage des difficultés des élèves, la deuxième sur une recherche-action autour de la prévention du décrochage associant cliniciens, soignants, chercheurs et personnels des centres socioculturels de la ville, la troisième sur la prévention de la souffrance professionnelle des enseignants et les aides possibles.

L’idée qui préside à l’ouvrage est bien d’extraire de ces expériences menées sur le temps long quelques principes susceptibles d’orienter les pratiques des équipes qui voudraient mener des projets du même type. Sans angélisme : les difficultés ne sont jamais masquées. Sans triomphalisme : si des effets bénéfiques sont constatés ils sont toujours présentés avec modestie et prudence.

Du côté de la prise en charge des élèves  on retiendra que les dimensions affectives et cognitives sont étroitement liées, que l’écoute des adultes est déterminante dans la prise en charge des adolescents en souffrance et qu’il convient d’apprendre à déchiffrer des symptômes qui ne sont pas « bruyants ».

Du côté des enseignants on constate le bénéfice de s’adjoindre les compétences de professionnels de la pédopsychiatrie qui aident à discerner ce qui relève du développemental, du réactionnel ou du pathologique.

Du coté de l’institution on observe – hélas – la fragilité de ces dispositifs s’ils n’ont pas le soutien de la hiérarchie. Ils dépendent des valeurs et de la volonté des personnes. Qu’un financement cesse ou que des remaniements de personnels introduisent un changement de priorités et tout s’écroule. Or les politiques d’éducation ont besoin de se développer sur des temps longs. Ce facteur temps est à maintes reprises évoqué avec le constat d’une dérive vers le « faire » au détriment de la pensée. Citant Marcel Gauchet, Nicole Catheline alerte pour que « la frénésie de faire ne devienne pas empêchement de penser ».

Nicole Priou