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Emmenez vos élèves sur le chemin de l’école !

Comme j’ai eu la chance de rencontrer Marie-Claire Javoy, scénariste de ce documentaire ou du « Premier cri » notamment, et réalisatrice d’autres documentaires, je vais vous rapporter notre entretien baigné de thé vert.

Marie-Claire Javoy

Marie-Claire Javoy

« Mon travail de scénarisation a commencé par la mise en mots de l’idée de ce film pour déclencher la recherche de financements par Barthélémy Fougea, le producteur. Avant l’enquête de terrain, il a fallu incarner le message du film à travers les personnages, inspirés d’histoires réelles. » Elle a participé aux réunions, a été associée au processus, mais a ensuite découvert que les enfants dans les images avaient à eux seuls écrit l’essentiel du scénario. « Ne restait qu’à rendre l’ensemble plus cinématographique, pour donner l’envie. » Et oui les images sont belles parce que les enfants, Jackson (11 ans) au Kenya, Zahira (12 ans) au Maroc, Samuel (13 ans) en Inde et Carlito (11 ans) en Patagonie, les paysages, les couleurs, les soleils sont beaux, mais jamais dans l’indécence, jamais pour rien, toujours pour porter le message. La musique est pour beaucoup dans l’émotion du spectateur, je ne sais pas si vous l’avez remarqué. C’est elle qui donne des ailes aux images, exactement aux bons moment. Et c’est à Laurent Ferlet que l’on doit se s’envoler ou de sentir sa gorge se nouer.

Trois ans et demi de travail entre l’idée et votre gorge nouée… Il en faut de la détermination. Il faut de la force au message. Le film s’ouvre et se termine sur cette idée : « On oublie trop souvent que le savoir est une chance ». « Ici, on en a peut-être perdu la conscience et les enfants sont pris dans l’idée d’obligation scolaire. L’idée a en tout cas déclenché un élan d’enthousiasme, et le projet a été bien reçu dans d’autres pays également. Le sujet doit être de ceux auxquels on tient très fort.», souligne Marie-Claire Javoy. Mais la manière dont les enfants, les nôtres, vont recevoir ce message, en même temps que les paysages, les couleurs, la poule et le cheval, voilà ce qu’elle voudrait savoir. C’est l’inconnue qui manque encore à l’équation réussie qu’est ce documentaire. Je me demandais comment ils pourraient bien comparer ces incomparables. Eh bien trois de ces jeunes spectateurs ont calculé les kilomètres en sortant de projection, et ont trouvé qu’avec leurs 22 km quotidiens, en un seul trajet Jackson et sa petite sœur du Kenya faisaient autant qu’eux-mêmes en toute la semaine. Ils ont comparé aussi les éléphants du désert au racketteur de la passerelle qui avait fait paniquer toute l’école. Qui a dit que c’était incomparable ?

images_film.jpgQuoi qu’il en soit on est déjà dans une réussite d’auteur, d’avoir ainsi su capter l’école comme on ne la voit peut-être plus, ou pas toujours ne faisons pas les ronchons, en ce qu’elle ouvre des fenêtres dans les murs de la misère, en ce qu’elle trace les contours de nouveaux possibles qui amènent ces enfants à croire en elle et à croire en eux aussi, et en leurs projets de devenir pilote pour regarder d’en haut les éléphants, médecin pour faire remarcher les petits enfants ou femme libre pour passer de village en village et convaincre les filles et leurs parents qu’il faut apprendre, qu’il faut se rendre à l’école.

Car l’affaire n’est pas acquise. Pour un Jackson, une Zahira, un Samuel, un Carlos qui traversent les déserts et les montagnes pour aller hisser le drapeau dans la cour de l’école, combien d’enfants et de parents abandonnent le chemin de l’école, parce que c’est trop loin, trop couteux, trop dangereux, ou pas pour les filles ? Personne ne leur jettera la pierre, surtout pas, mais tout le monde pourra à sa manière chercher à inverser le cours des choses, en soutenant des constructions d’écoles à l’autre bout du monde, en parrainant des classes pour accompagner dans les frais de scolarité comme en emmenant ses enfants ou sa classe voir « Sur les chemins de l’école ». En rappelant, quitte à lasser, en se rappelant, quitte à se déranger, que le savoir est une chance qui donne du pouvoir sur sa pensée, de l’épaisseur au regard que l’on porte sur les choses et de l’envergure à ses choix et à ses actes. Ici comme là-bas.

Christine Vallin