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Revue de presse du dimanche 21 février 2021
L’actualité du monde de l’éducation est régulièrement secouée par diverses polémiques. Cette semaine ne déroge pas à la règle puisque plusieurs sujets agitent les médias et les commentateurs. Dans cette revue, on parlera donc d’ « islamo-gauchisme », de l’évolution de l’épidémie et de ses variants, et, en fin, un peu de mixité sociale.
Islamo-gauchisme
« Frédérique Vidal est-elle bien à sa place au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ? Ce n’est pas la première fois que la question se pose, tant l’ex-présidente d’université est coutumière des bourdes ou petites phrases explosives. Alors que l’université souffre de la pandémie, qui la force à organiser des cours à distance, que les étudiants peinent à trouver un sens à leurs études faute de contacts humains et d’horizon, que certains se retrouvent contraints d’avoir recours à l’aide alimentaire, la ministre préfère s’inquiéter de l’«islamo-gauchisme» qui, selon elle, « gangrène » les universités». C’est en ces termes qu’ Alexandra Schwartzbrod revient sur les propos de Frédérique Vidal dans son article sur Liberation.fr. La journaliste enfonce le clou : «Ses propos sont si décalés par rapport aux drames quotidiens des étudiants qu’ils ne sont pas dignes de la fonction. La très policée Conférence des présidents d’université (CPU) l’a d’ailleurs appelée à « élever le débat ». (…) le rôle d’une ministre de l’Enseignement supérieur est-il d’hystériser le débat et de s’ériger en police politique de la recherche et des débats universitaires ? Évidemment non. Il reste que les propos de Vidal, qui suivent de peu la prestation très sécuritaire et droitière de Gérald Darmanin face à Marine Le Pen, s’inscrivent dans un climat».
Soazig Le Nevé pour Le Monde.fr revient sur l’enquête lancée par Frédérique Vidal sur « l’islamo-gauchisme » à l’université. La ministre de l’enseignement supérieur a en effet chargé le CNRS de mener une « étude scientifique » pour définir « ce qui relève de la recherche et du militantisme »». La journaliste rappelle au passage, dans cet article réservé aux abonnés, que lorsque enflait «la polémique sur « les ravages » de « l’islamo-gauchisme » à l’université, en octobre 2020», c’était le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui «était alors à la manœuvre». Frédérique Vidal avait alors plutôt pris de la distance avec ces affirmations.
Dans un autre article, toujours sur le site du Monde, on peut lire : «Si dans un communiqué le CNRS s’est, lui, dit prêt à « participer à la production de l’étude souhaitée par la ministre », il a toutefois insisté sur le fait que le terme d’islamo-gauchisme « ne correspond à aucune réalité scientifique », regrettant une « polémique emblématique d’une instrumentalisation de la science ». Le centre de recherche a par ailleurs tenu à « condamner avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques »».
Sur le site du Figaro (partie réservée aux abonnés), on parle d’une «opération déminage» lancée pour tenter de freiner la flambée des réactions. «Par l’intermédiaire du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, Emmanuel Macron a souhaité rappeler son « attachement absolu à l’indépendance des enseignants-chercheurs ». C’est une « garantie fondamentale de notre République » et « cette conception est partagée par l’ensemble des membres du gouvernement et continuera à être défendue », a insisté le porte-parole, mercredi, à l’issue du Conseil des ministres».
Il faut dire que les réactions sont multiples et s’enchainent depuis : «Jacques Maire, député de La République en marche, a jugé jeudi 18 février sur franceinfo le terme « d’islamo-gauchisme » employé par la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal de « profonde erreur », même si, selon lui, elle « pointe le doigt sur quelque chose de réel »». De son côté, Eric Fassin interrogé par Franceinfo estime qu’«il s’agit d’une chasse aux sorcières ! Ce n’est pas un bilan des recherches, mais un tribunal de « l’islamo-gauchisme », comme l’annonce clairement Frédérique Vidal sur CNews. Or ce mot n’a rien de scientifique : c’est un slogan polémique venu de l’extrême droite. Certes, à l’Assemblée nationale, la ministre change de lexique et parle de « post-colonialisme », mais quand Jean-Pierre Elkabbach lui parlait sur CNews de « race, genre, classe », elle approuvait aussi. C’est tout et n’importe quoi !». Toujours sur Franceinfo, Jean Chambaz, le président de Sorbonne Université va plus loin : «il y une orientation de ce gouvernement qui va draguer des secteurs de l’opinion publique dans des endroits assez nauséabonds ». Et d’ajouter que « connaissant Frédérique Vidal », il a d’abord cru « que c’était une phrase sortie de son contexte ». L’islamo-gauchisme est un terme absolument peu précis, issu des milieux de la droite extrême, repris par certains députés LR qui voudraient interdire l’enseignement de certaines disciplines à l’université. On se croirait dans l’ancienne Union soviétique. Ça me fait davantage penser aux slogans du 20e siècle dénonçant le judéo-bolchévisme. On accole deux mots qui font peur pour ne pas définir la réalité d’un process».
Cette polémique masque une réalité assez bien décrite par Alexandra Schwartzbrod pour libération.fr : «Alors que l’université souffre de la pandémie, qui la force à organiser des cours à distance, que les étudiants peinent à trouver un sens à leurs études faute de contacts humains et d’horizon, que certains se retrouvent contraints d’avoir recours à l’aide alimentaire, la ministre préfère s’inquiéter de l’islamo-gauchisme qui, selon elle, « gangrène » les universités».
Pour aller plus loin, on pourra lire l’article de Stéphane Dufoix sur le site du Jdd, professeur de sociologie à l’Institut Universitaire de France, intitulé «Enquête sur l' »islamo-gauchisme » dans la recherche : l’impossible décolonisation de l’Université»
La polémique, quant à elle, risque de durer. En effet, Jean-Michel Blanquer «vole au secours de Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur» (…) et a estimé, samedi 20 février, en parlant de l’islamo-gauchisme, qu’il s’agissait d’un «fait social indubitable». Forte de ce soutien, la ministre de l’enseignement supérieur persiste et signe.
Covid
Malgré une courte accalmie, l’épidémie déjoue à nouveau les pronostics. La propagation des variants change la donne.
Le site de Ouest-France reprend les dernières données publiées : «22 046 nouvelles contaminations au coronavirus ont été recensées ce dimanche par Santé publique France contre 22 371 la veille et 16 546 dimanche dernier. Le nombre des décès enregistrés en 24 heures dans les hôpitaux s’élève à 160, contre 183 samedi. Ce qui porte le nombre total de décès depuis le début de l’épidémie à 84 306». «Le taux moyen d’occupation des lits en réanimation (par rapport à la capacité en lits dans ces services avant la crise), s’élève ce dimanche soir à 67,2 %. C’est le taux moyen le plus élevé observé en France depuis le 3 décembre dernier. Après être descendu à 51 % début janvier, ce taux remonte doucement mais sûrement depuis».
«Invité ce samedi du programme Apolline de Malherbe, le rendez-vous (BfmTv), Jean-Michel Blanquer a évoqué les enjeux des prochaines rentrées scolaires dans les semaines à venir, sous la menace de l’épidémie de Covid-19 et de ses différents variants. Lors de cet entretien, le ministre de l’Éducation nationale a affirmé que « d’après les études » qu’il a pu consulter, il « observe qu’à l’occasion des vacances, ils (les enfants, NDLR) ont tendance à se contaminer davantage que lors de la période scolaire».
Sur le site de l’éducation nationale, le point du 19 février montre quand même, alors que deux zones sont en vacances, que le nombre de contaminations parmi les élèves et les personnels continue d’augmenter. Pour les élèves, on observe 5422 cas supplémentaires (cumul sur les 7 derniers jours) dont + 847 en 24h et pour les personnels, 647 cas supplémentaires cumulés dont +120 en 24h.
Après avoir durci le protocole pendant quelques jours, le ministère l’a assoupli le 12 février. On peut lire sur le site Vousnousils.fr que «le syndicat Snes-FSU a interrogé le ministère de l’Éducation nationale sur les bases scientifiques de l’allègement du protocole sanitaire». «le Snes-FSU a affirmé, dans son compte-rendu, qu’aucun avis n’a été rendu par la Haute autorité à la Santé ou le conseil scientifique».
Paul Gratian pour Ouest-France se fait l’écho de la difficulté que représente ces changement incessants du protocole pour les personnels des établissements scolaires : «On est complètement paumés sur le terrain. Ça m’est déjà arrivé d’avoir l’air plus au courant que le chef d’établissement », abonde Marion*, professeure de français dans un collège de Seine-et-Marne. Car les règles ne cessent de changer, et ce, parfois de manière très discrète. Alors que le protocole a à nouveau été allégé vendredi 12 février 2021, plusieurs responsables syndicaux expliquent avoir découvert ces nouvelles règles au hasard de leurs réseaux sociaux. « Si on n’écoute pas les médias ou si on n’actualise pas le site internet du ministère tous les jours, on n’est pas mis au courant des directives concernant les protocoles. Les directeurs ne savent plus quel protocole s’applique, c’est un vrai désordre « , regrette Guislaine David, porte-parole du syndicat d’enseignant SNUipp-FSU. « On a vraiment l’impression que le ministère change en catimini les règles du jeu, pointe cette responsable de ce syndicat des enseignants du premier degré français, jugeant cette évolution « assez incompréhensible et insensée ». » Les autorités de santé ont pensé que c’était mieux de revenir au système précédent », s’est défendu Jean-Michel Blanquer sur BFM TV le lundi 15 février, sans pour autant préciser quelle autorité de santé il évoquait».
Alors faut-il pour autant fermer les écoles ? La question reste posée. Nous sommes à peu près tous convaincus de l’importance de maintenir les élèves en présentiel. Encore faut-il s’en donner les moyens.
Le Think Tank Terra Nova publie une note pour une autre stratégie de lutte contre le covid à l’école. Un article de FranceInfo revient sur cette publication : «Pour Terra Nova, le constat est sans appel : « Les enfants sont des vecteurs de transmission de l’épidémie, et l’école est impliquée dans sa diffusion. » Dans un rapport (PDF) publié mercredi 17 février, le groupe de réflexion alerte sur la propagation du virus en milieu scolaire et formule des conclusions qui pourraient donner des arguments aux syndicats d’enseignants, inquiets en raison d’un nouveau protocole sanitaire allégé à l’école». «Le rapport ne préconise pas pour autant la fermeture des établissements scolaires, en raison des impacts négatifs d’une telle décision, à commencer par les pertes pour l’apprentissage des élèves». «Le rapport préconise d’abord de « permettre aux enfants et adolescents de devenir acteurs de la lutte contre l’épidémie ». Il invite à s’inspirer des multiples exemples de la lutte contre le tabac et l’alcool, de l’éducation à la sexualité, de la dépendance aux écrans ou encore de la prévention routière. Pour faire passer un « message d’engagement solidaire », le rapport suggère de faire appel à des influenceurs, des vidéos didactiques, des quiz, des BD, des jeux…Dans un deuxième temps, Terra Nova invite à mieux accompagner les enseignants, en première ligne pour faire respecter les gestes barrières en classe. Pour cela, Terra Nova propose de prévoir « un dispositif global de formation et de modules didactiques pour la classe concernant l’épidémie ». Enfin, le rapport propose d’améliorer l’aération des salles, notamment avec le déploiement de capteurs de CO2 dans les classes». Le rapport préconise aussi de développer une stratégie de dépistage de masse à l’école.
Mixité sociale
Durant la semaine écoulée, plusieurs médias ont évoqué la question de la mixité sociale à l’école et reviennent sur l’expérimentation de secteurs multi-collèges conduite à Paris depuis septembre 2017. L’Institut des politiques publiques publie une étude qui tire un bilan positif sur le sujet. Delphine Bancaud pour le site 20minutes.fr, rappelle que «ce dispositif consiste à définir des secteurs communs à plusieurs collèges géographiquement proches, de manière à rééquilibrer leur recrutement social».
Amandine Hirou pour L’Express, indique que «la France est l’un des pays de l’OCDE où l’origine sociale des élèves détermine le plus fortement leurs performances scolaires à l’âge de 15 ans. Plusieurs autres études ont également mis en évidence le niveau très élevé de ségrégation sociale qui caractérise les établissements du second degré en France, en particulier au collège. À Paris, cette absence de mixité est encore plus flagrante qu’ailleurs. Ce qui s’explique, entre autres, par le découpage de la carte scolaire, la concentration d’une population socialement hétérogène sur des territoires restreints, l’abondance de l’offre pédagogique ou encore la place centrale de l’enseignement privé».
Eva Mignot publie un article (réservé aux abonnés) sur le même sujet sur le site alternatives-economiques.fr et dresse un bilan globalement positif mais contrasté de l’expérimentation en compagnie de Julien Grenet, pilote du projet.
Mattea Battaglia pour Le Monde revient elle-aussi sur cette expérimentation. Elle rappelle les deux modalités choisies pour favoriser la mixité dans les collèges concernés : «les deux modalités testées sont la « montée alternée » – les collégiens sont répartis alternativement entre les deux établissements – et le « choix régulé », qui fait intervenir un algorithme d’affectation conçu par des chercheurs, lequel prend en compte les vœux des parents tout en équilibrant la composition des établissements». Elle indique que le bilan est « encourageant » mais aussi que «le dispositif, reconduit à la rentrée, ne sera pourtant pas étendu».
On pourrait s’interroger longuement sur toutes ces expérimentations menées et qui, malgré des évaluations plutôt positives ne sont pas reconduites. Je ne suis pas loin de penser comme l’ami Philippe Watrelot que nous assistons à une véritable «mise au pas» et qu’elle s’accélère même actuellement. Je vous recommande fortement la lecture de son billet de blog.
Pour conclure cette revue de presse, je me permets de vous ajouter ce petit lien vers le crowdfunding pour la refonte du site des cahiers péda.
Pascal Thomas
La revue de presse des Cahiers pédagogiques évolue ! Aujourd’hui, on trouve facilement des tas d’articles en ligne, qui circulent et s’échangent notamment sur les réseaux sociaux. Nous avons donc pensé que ce que nous pouvions vous apporter, c’était autre chose, soit le recul et le temps du commentaire, en proposant une revue de presse hebdomadaire, plus hiérarchisée, plus sélectionnée et largement commentée, toujours, bien sûr, sous l’angle des questions éducatives.
Sur la librairie des Cahiers Pédagogiques
N° 563 : Actualité de la métacognition
septembre-octobre 2020
Dossier coordonné par Marc Romainville et Jacques Crinon
À quelles conditions la connaissance de sa propre pensée peut-elle aider à mieux apprendre ? Quelle place pour les émotions, la confiance en soi, les stéréotypes ? Le point sur les nouvelles approches métacognitives.
N° 562 :Profs, exécutants ou concepteurs
Dossier coordonné par SABINE COSTE ET NICOLE PRIOU
n° 562 juin 2020
Comment les enseignants, individuellement et collectivement, interprètent-ils des textes officiels apparemment intrusifs de manière à stimuler leur créativité ? Comment s’approprient-ils des situations matérielles, organisationnelles, sociales fortement contraignantes ?