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La fabrique des savoirs scolaires

Comment apparaissent des savoirs scolaires ? Comment sont–ils reçus, comment évoluent-ils, se transforment-ils ? Autant de questions qui, si elles ne sont pas suffisamment au cœur de la formation et de la réflexion des enseignants, se trouvent en revanche souvent débattus depuis quelques décennies et permettent d’éclairer les débats actuels autour de la culture commune et du socle commun.
L’auteure, qui enseigne la sociologie à l’IUFM de Nantes, nous propose un panorama de la recherche sur ces questions, en croisant trois regards différents, tous trois utiles et non antagonistes si on veut bien les croiser : celui de l’historien (tel André Chervel), celui du sociologue (Perrenoud par exemple, ou l’équipe Escol) et celui du didacticien (dont un des pères fondateurs est Chevallard). De cette manière, une conception naïve et angélique de la « transposition didactique » peut se trouver relativisée par la référence aux débats, voire batailles idéologiques, politiques, qui accompagnent les écritures de programmes par exemple. À un ordonnancement idéalisé s’oppose un « curriculum réel » qui renvoie à ce qu’exprime le sociologue américain Bernstein : « la façon dont une société sélectionne, distribue, transmet et évalue les savoirs destinés à l’enseignement reflète la distribution du pouvoir en son sein et la manière dont s’y trouve assuré le contrôle social des comportements individuels ».
Tout cela resterait abstrait sans le développement d’exemples que l’on trouve dans les chapitres 2, 3 et 4 et qui forment tout l’intérêt du livre, avec une utile retour sur la réforme des « maths modernes », entre intentions des initiateurs, effets réels et fantasmes, un aperçu sur les débats, ô combien d’actualité, autour des sciences économiques et sociales et un développement très riche autour de l’évolution de la technologie, sa confrontation avec les sciences physiques et l’évolution possible vers un pole commun aux sciences et à la technologie (l’auteure nous propose un exemple précis à Nantes qui montre la collaboration possible de ces disciplines, et toute la difficulté à intégrer les mathématiques).
La dernière partie, qui fait allusion au socle commun, laisse sur sa faim, la question du socle commun n’est abordée que de façon lapidaire ; on appréciera cependant le ton mesuré des critiques qui laissent la porte ouverte à d’indispensables débats de fond, qui nous permettraient — enfin ! — de savoir vraiment quelle est la différence entre la bonne « culture commune » et le mauvais « socle commun ». On appréciera que ce livre ne sacrifie pas au manichéisme…

Jean-Michel Zakhartchouk