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« C’est quand qu’on va où ? »

8 décembre 2013 : soirée de clôture des festivités des cinquante ans de France Inter. Un concert de chanson française est diffusé sur la Toile en direct. Je reste devant ma tablette sous le charme des duos inédits qui se succèdent : Alain Souchon et Vincent Delerm, Jacques Higelin et Camille, Cali et Bernard Lavilliers. Puis viennent sur scène Alex Beaupain et Julien Clerc. Ils reprennent avec talent C’est quand qu’on va où ? de Renaud. J’avais oublié cette chanson sortie en 1994. Les deux chanteurs l’introduisent en soulignant qu’elle est « hélas, cruellement d’actualité ». J’écoute :
« Veulent me gaver comme une oie
‘vec des matières indigestes,
J’aurai oublié tout ça
Quand j’aurai appris tout l’reste. »

J’écoute, en ayant à l’esprit ce que je viens de lire sur le blog de Jean-Michel Zakhartchouk : ses souhaits et ses inquiétudes sur ce qui sortira des travaux du Conseil supérieur des programmes, son invitation à donner un autre rôle aux programmes scolaires, à se centrer sur « les activités intellectuelles avant tout ».
Julien Clerc et Alex Beaupin continuent de chanter :
« Quand j’s’rais grande j’veux être heureuse,
Savoir dessiner un peu,
Savoir m’servir d’une perceuse,
Savoir allumer un feu,
Jouer peut-être du violoncelle,
Avoir une belle écriture,
Pour écrire des mots rebelles
À faire tomber tous les murs !
Si l’école permet pas ça
Alors je dis : “Halte à tout !”
Explique-moi, Papa,
C’est quand qu’on va où ? »

Et je repense à ce qu’écrivait Philippe Perrenoud il y a vingt ans dans son ouvrage Dix nouvelles compétences pour enseigner  : « Si un jeune sort de l’école obligatoire persuadé que les filles, les Noirs ou les musulmans sont des catégories inférieures, peu importe qu’il sache la grammaire, l’algèbre ou une langue étrangère. L’école aura raté son coup dramatiquement, parce qu’aucun des enseignants qui auraient pu intervenir à divers stades du cursus n’aura considéré que c’était prioritaire. »
Un propos qui prend un relief particulier ces dernières semaines, suite aux paroles racistes à l’encontre de Christiane Taubira, ou à celles proférés par un supposé humoriste tout au long de ses spectacles.
Le Conseil supérieur des programmes est au travail. Vincent Peillon a lancé officiellement le chantier sur les programmes de la scolarité obligatoire le 6 décembre dernier. La chanson de Renaud a-t-elle quelque chance de ne plus être « cruellement d’actualité » dans vingt ans ?