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«La coéducation constitue une urgence éducative pour l’ensemble des élèves»

couverture coéducation

La coéducation, qu’est-ce que c’est, au juste? Une injonction officielle ou de véritables mises en œuvre sur le terrain? Et qui cela concerne-t-il?
​La coéducation est avant tout un impératif souvent relégué au rayon des utopies. Nous l’avons constaté lors du premier épisode du confinement. Quelle est la part des uns et des autres pour contribuer à l’éducation des enfants, quels sont les ponts, les terrains communs? La question reste entière entre injonctions, bonnes intentions et réalités de terrain.

Elle constitue pourtant une urgence éducative pour l’ensemble des élèves et plus particulièrement ceux qui ne sont pas dans la norme scolaire pour des raisons diverses (sociales, de santé, d’appartenance…). Dans nos sociétés de plus en plus plurielles, elle s’impose comme un vecteur d’équité.

Dans ce dossier, on voit que la coéducation, c’est à la fois des orientations fortes et des mises en œuvre locales, par teintes, par niches, dépendant d’initiatives et de leur agrégation. Au travers des expériences des uns et des autres, on remarque que la coéducation ne va pas de soi, qu’elle est un processus entremêlé, parfois comme révélant une véritable rencontre et parfois faisant face à des impasses, des fins de non-recevoir. Si on devait adjectiver cette coéducation, il est possible qu’elle ne soit pas toujours harmonieuse, mais parfois bien conflictuelle, et que les divers acteurs peuvent malheureusement se regarder en chiens de faïence.

Pour dépasser cela, nous lisons à travers les propositions des contributeurs du dossier un engagement éducatif, qui met la priorité sur la confiance, jamais donnée à l’avance, mais toujours à construire, à remettre sur le métier. Pour tisser cette confiance entre les professionnels, les parents, et tous les acteurs, même l’enfant, autour de l’éducation. Tout simplement, ce n’est pas gagné, mais les expériences partagées dans ce dossier démontrent qu’un travail de longue haleine a bel et bien commencé à prendre racines dans les pratiques des professionnels pour s’apprivoiser et travailler à plusieurs pour l’éducation des enfants et des jeunes.

Que trouveront les lecteurs dans ce dossier?
Des éclairages de chercheurs, des récits d’initiatives de terrain, des échos d’expériences personnelles qui reflètent la diversité de la coéducation, les espoirs qu’elle recueille et les questionnements qu’elle récolte en retour. Nous avons tenté de construire un dialogue entre la recherche et les réalités complexes et plurielles de terrain.

En cela, nous avons souhaité aussi laisser la parole aux différents acteurs de la coéducation : enseignants, parents, mouvements d’éducation populaire, collectivités territoriales. Cela nous a semblé fondamental pour ne pas résumer la coéducation à la relation parents-école et montrer le foisonnement propice à une véritable continuité éducative, pas celle du confinement, mais celle qui permet à l’enfant de grandir sans être morcelé entre ses différents espaces éducatifs.

Est-ce que des articles du dossier permettent d’entrevoir si le confinement du printemps dernier changera des choses ?
Ce que nous avons remarqué lors du confinement du printemps passé, c’est une mise sous la loupe de la distance que certaines familles ont par rapport à l’institution scolaire. Et cette question n’est pas neuve du tout. Elle est juste mise en exergue d’une manière brutale. Ce sont les inégalités croissantes -inégalités qui étaient déjà dans l’environnement scolaire- qui ont mis à défi l’école, les professionnels, les parents et tous les autres acteurs, pour éviter le plus possible le décrochage des enfants et encore plus l’éloignement des familles.

L’institution scolaire doit rester un lieu important et essentiel de la socialisation des jeunes, et en ces temps difficiles, en s’approchant des familles, en re-connaissant leurs réalités, on peut tisser des nouvelles manières de fonctionner pour que les enfants apprennent et aient espoir dans une vie future dans laquelle ils peuvent jouer leur rôle. Certains articles montrent avec force comment il ne faut pas penser que la famille peut jouer le rôle de l’école dans la mise en œuvre du vocable « continuité pédagogique ». 

Malgré les contacts forts qui ont été tissés, recherchés, sauvegardés, les inégalités persistent.

Avec le recul de votre travail de coordination, avez-vous envie de mettre quelque chose de particulier en avant ?
Coordonner un numéro des Cahiers pédagogiques, avec un ou une collègue d’un endroit de la carte géographique, vivant professionnellement d’autres réalités de vie, est tout simplement un enrichissement humain et intellectuel. Et on apprend à se connaître et à se dévoiler dans le travail de la conception d’un dossier, dans une écriture partagée et collaborative, dans le tissage des phrases, de paragraphes, des idées-clefs d’un dossier. On fait connaissance par cela, sur les priorités de chacune, sur la façon dont on voit la chose éducative, comment on peut articuler nos sensibilités et nos ouvertures au monde d’une manière commune et surtout accueillir des contributeurs, en allant parfois les solliciter ou en accueillant leurs propositions.

C’est aussi rencontrer à distance, par les mails, beaucoup de contributeurs qui veulent échanger sur leur métier, mutualiser, partager avec d’autres virtuellement collègues. Nous nous rendons compte que, malgré les différences de pays, de villes, d’écoles, en rapport avec la problématique de la coéducation qui nous a occupée dans ce dossier, il y a des convergences, sur ce processus en construction. Une belle occasion d’être ensemble autour de la même préoccupation et de lui porter toute notre attention !

La diversité des témoignages et de leur nature souligne que la coéducation est un sujet vif, vivant, et dont la traduction concrète est une réalité espérée. Les assembler en un regard systémique pour conjuguer la pluralité des approches montre toute l’urgence du sujet.

Propos recueillis par Cécile Blanchard