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Rased : un sigle en voie d’extinction ?
Ce dispositif-ressource unique en Europe, et dont les origines remontent aux années 1970, a vu sa place constamment réaffirmée par les circulaires ministérielles jusqu’en 2002. Quelle est sa place propre ? En quoi ne peut-il, en aucun cas, être confondu avec le dispositif de soutien, dit « aide personnalisée » actuellement sous les feux de l’actualité ?
Présents sur tout le territoire national, les Rased sont constitués d’enseignants spécialisés ayant reçu une formation spécifique. Leurs approches complémentaires de la difficulté scolaire permettent, en collaboration avec les maîtres des classes, les familles et les partenaires extérieurs, une remédiation, un projet d’aide individualisé au plus près des difficultés que rencontrent certains élèves.
Autre particularité fondamentale, ces aides spécialisées sont apportées pendant le temps de classe et se fondent sur un postulat incontournable : la difficulté est inhérente au processus d’apprentissage.
Mais, qui sont ces enfants qui interpellent les enseignants et pour lesquels ils ne peuvent, seuls ou dans le cadre d’un travail de cycle, apporter des réponses différenciées suffisantes ?
Il y a d’abord les élèves qui ont besoin d’une approche individualisée, différente de celle la classe, d’un diagnostic pédagogique précis ; leurs capacités ne sont pas en cause, mais, pour mobiliser leurs connaissances ou en construire de nouvelles, ils ont besoin d’une aide capable d’identifier le point précis dans le processus d’apprentissage qui fait obstacle. Identifient-ils la tâche qui leur est demandée et si non, pourquoi ? Comment ont-ils construit, par exemple, la numération ? Quelle est l’origine de ses éventuelles confusions ? Quels types d’erreurs font-ils et pourquoi ? Ils possèdent des acquis, des connaissances mais ne peuvent les mettre en œuvre !
Ce sont les enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante pédagogique qui, dans ces cas précis, peuvent intervenir. Ils sont titulaires des Capa-SH option E et sont dits « maîtres E ».
Et puis, certains enfants, car ce sont des enfants qui avant toute chose viennent à l’école, ne peuvent endosser leur costume d’écolier. Ce sont des élèves qui rêvent, ont du mal à se concentrer et peuvent parfois perturber le déroulement de la classe ; ils n’arrivent pas, à ce moment de leur vie, à entrer pleinement dans les apprentissages. Il ne s’agit plus d’être capable de mobiliser ses connaissances ou d’identifier une tâche, mais de manque voire d’absence d’appétence scolaire, d’un désir d’apprendre non « autorisé » ou qui ne peut émerger. L’école, par ses demandes précises, institutionnelles, peut mettre un enfant « en panne d’investissement personnel ». Les rééducateurs, enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante rééducative, proposent à ces enfants un cadre, une relation, un temps et des médiations à même de lui permettre de dépasser ce qui, dans son chemin d’être humain en construction, vient contrecarrer sa capacité à s’inscrire en tant que personne autonome dans la classe.
Ce tissage de liens entre le monde personnel de l’enfant et les codes culturels que requiert l’école, se fait en étroite collaboration avec, bien entendu, l’enseignant, mais aussi avec les parents de ces enfants.
Troisième maillon de ce dispositif : le psychologue scolaire, qui, lui aussi, fut chargé de classe avant d’occuper ce poste, participe à l’analyse de la difficulté à la demande de la famille ou de l’enseignant. Il prend en compte la dimension psychoaffective et cognitive de l’enfant et son histoire singulière. Il ouvre un espace d’écoute et de parole, propose des entretiens psychologiques et/ou un bilan psychologique. Il participe à la réflexion, suscite les questionnements, les changements de regard, et apporte ses éclairages dans la compréhension de situations complexes ; il assure si besoin le lien avec les services extérieurs.
Alors, ces deux heures de soutien me direz-vous, quelle est leur place, leur rôle ? Certes, elles peuvent permettre à quelques élèves de « raccrocher » le rythme des apprentissages faits en classe mais n’est concernée qu’une petite proportion d’élèves éprouvant des difficultés passagères, ciblées, sur un aspect particulier de l’acquisition d’une notion. D’ailleurs cette aide n’excédera pas quelques semaines et les élèves concernés ne peuvent être les mêmes au fil de l’année.
La Fnaren considère que le recours à du soutien hors temps de classe, constitue une stigmatisation mais surtout un retour en arrière. Dans les années soixante-dix, alors que jusque-là on traitait la difficulté scolaire par la ségrégation, le législateur, inspiré par les idées humanistes, a alors décidé de traiter les inadaptations in situ grâce à l’intervention d’enseignants spécialisés sur le temps scolaire.
À la différence des aides spécialisées des Rased, les groupes de soutien vont prolonger très sensiblement la journée de classe pour les enfants qui en relèveront : dans la grande majorité des écoles, la semaine scolaire ne se fera plus que sur quatre jours et non pas, comme il est souvent affirmé, par choix des enseignants. Ce sont plutôt les contraintes matérielles rencontrées par les communes dans la mise en place de ce nouveau dispositif qui en ont décidé : comment organiser le ramassage scolaire avec des horaires ou des jours de classe multiples, comment maintenir les dispositifs d’accueil, d’activités culturelles ou sportives proposés et auxquels les parents d’élèves restent si attachés ? Et quelles seraient les conséquences économiques si des modifications devaient intervenir ?
Car, et le nœud du problème est là, il s’agit avant toute chose d’une approche comptable de l’éducation et des coûts qu’elle engendre : 13 000 postes budgétaires à supprimer dans l’Éducation nationale en 2009 et quelques 8 000 enseignants spécialisés exerçant dans les Rased… Pour la lutte contre l’échec scolaire, le soutien devrait suffire, alors, le ministère semble décider à redéployer, à la baisse, ce dispositif ou même de le supprimer purement et simplement. Et tant pis pour tous ces enfants que tant de textes officiels ont, depuis plusieurs années déjà, pris en compte et considérés dans leur individualité !
Joëlle Gambier, bureau national de la Fnaren, Fédération nationale des associations des rééducateurs de l’Éducation nationale.
www.fnaren.asso.fr