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Pour que chaque enfant trouve sa place
C’est une petite école maternelle, mais avec une très grande salle de classe. Vous allez pénétrer dans cet espace où tout est jeu, mais où rien n’est innocent, où chaque endroit appelé « coin », en maternelle, comprend, dans la mesure du possible, la panacée pédagogique que l’on nous a inculquée. Tout y est organisé : espace, accueil, logistique, langage, développement-plaisir de la personnalité, socialisation, règles de vie… bref, de quoi s’approcher des buts à atteindre, le tout concocté en fonction de notre personnalité, du système D et des bonnes volontés qu’on pioche autour de soi. Et tout cela sans perdre de vue qu’à 3 ans, on joue ! L’enfant va prendre plaisir et intérêt à s’approprier chaque coin aménagé, chaque jeu proposé devra le mener vers l’acquisition de compétences, d’où les recherches sans fin de l’instit’ qui a le cap sur ses objectifs (savoir, savoir-faire, savoir être).
Gardez à l’esprit durant cette visite que tout est fait pour eux, ces tout-petits de 3 ans, qui vont arriver dans un univers étranger, dans un monde nouveau. Chacun doit trouver au moins un endroit, un espace, qui lui convienne, qui réponde à son centre d’intérêt. C’est pourquoi l’espace-classe va se transformer en « coins » où tout comportement sera pour nous, du moins sur le papier, apprentissage.
Dans l’univers des jeux
C’est toujours un véritable déménagement que d’organiser une classe : il faut tourner, essayer, faire, défaire, remanier, catégoriser les différents endroits pour que chacun des individus qu’ils vont accueillir y trouve sa place, se construise, psychologiquement, dans son langage, dans sa socialisation et dans son habileté.
Vous arrivez dans le coin cuisine ; ici les meubles, amovibles, ont été dessinés par la maîtresse et fabriqués par le menuisier de la mairie : l’évier, le four avec ses boutons, les placards, les étagères avec des légumes, des fruits, etc., tout ce qui peut se trouver dans une cuisine, enclos par un panneau qui a une porte et des fenêtres. Et que croyez vous qu’ils y fassent ? Comme à la maison : on invite, on se fait servir, on goûte, on fait ce qu’on a l’habitude de voir, on imite et l’apprentissage commence : on évolue.
Juste après, le coin des puzzles, des encastrements, jolis et colorés pour attirer l’œil, qui vont évoluer dans la difficulté au fur et à mesure. Par exemple celui-ci, un encastrement aux dessins bien conçus qui est un de leur préférés . Et le jeu commence : sous chaque papa animal, se trouve le paysage adapté, la maman, le bébé, de quoi faire des rapprochements avec la réalité.
Ici, près du lavabo, séparés par les plantes vertes, sont installés les endroits où l’on « patouille » : eau, sable, colle, peinture, terre. Endroits de plaisir et en même temps de construction de soi, où l’on améliore et affine sa dextérité.
Un peu plus loin sur votre gauche, les coins déguisement, marionnettes, musique, avec des instruments bricolés ou existants, micro et magnéto, et de la vraie musique que l’on écoute, que l’on vit, que l’on joue.
A droite, la bibliothèque, avec ses coussins pour lire à son aise ou jouer à lire. Puis le coin constructions, avec montages et surtout démontages.
Où que vous alliez, vous trouvez des lieux qui vont permettre de jouer à imiter, comme la cuisine : chambre, garage où l’on peut faire comme si… On met un épouvantable désordre au début, mais très vite, si on veut y retourner, on va apprendre à mettre chaque chose à sa place, à ne pas tout accaparer, à lire les étiquettes. En somme et mine de rien, on va se construire comme plus tard on apprendra à mettre ses mots dans le bon ordre. Toute discipline ne commence-t-elle pas par une certaine rigueur ? Et ainsi dans chaque coin. Par exemple, depuis la fenêtre de la cuisine, on peut jouer à la marchande, il faut donc s’organiser et compter ses petits sous !
Se cacher, observer
Dissimulés au gré de la place qui reste (il arrive parfois qu’on pousse les murs !), des lieux qui permettent de se cacher. Comme dans ce château fort en carton devant vous, à hauteur des enfants, où on échappe aux yeux de la maîtresse, du moins le croit-on, d’où l’on va observer les autres ou rentrer dans sa coquille.
Ici, l’endroit qui permet d’observer la nature, de la comprendre : des poissons, un aquarium marin avec des crabes et des anémones qu’on nourrit, des papillons en liberté, un hérisson avec son carré d’herbe qui ronronne, un criquet dans le vivarium, des têtards qui se transforment et une larve de libellule qui mange les têtards (au grand dam des enfants ) avant de sortir de sa chrysalide, une tourterelle en attente, un lièvre à sevrer…. Tout un petit monde qui paraît d’abord magique mais qui se dévoile sous leurs yeux, et qui leur enseigne aussi la délicatesse et le respect. Pour faire comme les crabes, les enfants ont joué à manger leurs chips avec le pouce et l’index ; comme les papillons, ils ont occupé l’espace salle de jeux ; c’est dire l’importance que peuvent revêtir tous les phénomènes qui nous entourent, sur lesquels on peut s’appuyer pour créer des jeux, aussi éphémères soient-ils. N’oublions pas que ce qu’on appelle « jeu » n’est pas forcément acheté dans le commerce, les enfants sachant très bien s’approprier ce qui leur plaît et le transformer à leur guise : à nous de ne pas « louper le coche » !
Devenir grand
A présent, nous sommes au coin mystère. A priori, rien d’installé, il reste de la place sur les tables débarrassées, nettoyées. Et pourtant, lorsqu’on sort le matériel, on y fait comme les plus vieux, les aînés, les parents : on découpe, on dessine, on écrit (bon, d’accord on joue à écrire, on gribouille! mais il faut bien commencer), exercices libres au début, avec consignes ensuite.
Pour terminer la visite, retrouvons-nous sur le tapis entouré de petits bancs (récupérés). C’est l’espace regroupement où on parle, on écoute l’autre, on chante, on apprend des comptines qui se répèteront le long des couloirs. On devient grand, le jeu devient collectif et c’est un moment des plus importants que celui où on s’installe pour donner ses impressions, créer une histoire ou lire un livre avec la maîtresse, tous ensemble.
Enfin, nous sortons de la classe pour aller dans la cour, s’il fait beau, ou dans la salle de jeux. Là, le corps va tester ses possibilités : jeux plus ou moins collectifs, avec l’autre, contre l’autre, tout le monde en même temps, ce qui est loin d’être évident !
Ainsi, disait une aide-éducatrice, « la classe, c’est comme une maison en légos qui évolue en fonction de la maturité des enfants, à leur rythme. » Ils grandissent, ils progressent, et quand on compare les productions de juin avec les toutes premières de l’année, quelle fierté ! Déjà ils parlent de la classe des grands, quand ce n’est pas de « la grande école ». Tout a changé au cours des mois, tout a évolué comme tout évoluera dans les sections suivantes, avec un minimum de cohérence et de travail d’équipe.
Un dernier mot : n’oubliez jamais les parents, expliquez bien que le fait de jouer n’est pas aussi innocent que l’ on pourrait le supposer, mais qu’ayant affaire à des « bébés » (c’est ainsi qu’on les nomme entre nous !) on veut qu’ils mûrissent, bien sûr, mais à leur rythme, avec un des moyens le plus approprié et à leur portée : le jeu, le plaisir, le rire, car tout passe par là , sans « gavage prédigéré ». Faites-leur faire le tour du « domaine » et même jouer, c’est le meilleur moyen pour qu’ils comprennent le sens de ce qu’on fait là et qu’ils donnent eux aussi aux enfants envie de revenir, n’est-ce pas le plus important ?
Michelle Ayme, directrice à la retraite.