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Ne pas quitter le terrain de l’école

Pour moi, le « mouvement » a commencé avec l’action des Mi/Se. Cette action a été très dure et très suivie dans mon établissement qui a un internat pour la partie lycée professionnel. Les collègues enseignants se sont peu mobilisés lors des grèves nationales. Personnellement, lors de ces moments, je me sentais déjà gêné par le peu de questionnement suscité par le statut actuel des Mi/Se qui ne correspond plus à mon avis à la situation des étudiants et de l’université et des besoins des jeunes et du système scolaire.

Et puis est arrivé le retour des vacances de Pâques. La grève reconductible a été votée par de nombreux collègues. Lors des AG au lycée, les débats porteront surtout sur les conséquences de la grève pour les élèves et l’attitude à adopter par rapport aux examens. Certains étant décidés à aller jusqu’au bout et n’assurant pas leurs cours, même aux élèves de classes à examens, d’autres se déclarant grévistes et assurant leurs cours.

De mon côté, j’ai participé pendant plus d’une semaine à cette grève reconductible par solidarité surtout avec les ATOS même si je ne suis pas convaincu que la décentralisation aurait des effets négatifs sur leur emploi et même sur leur place dans les équipes d’établissement (quand ils en ont, ce qui n’est pas si souvent le cas).

Gréviste, je ne me retrouvais pas dans les slogans des manifestations. J’ai d’ailleurs arrêté d’y aller (pas facile, j’aime les manifs). Et puis, j’ai assisté à une assemblée générale de secteur plus réduite forcément et rassemblant les éléments les plus radicaux du secteur. Et là je me suis demandé où je me trouvais, on ne parlait plus de décentralisation mais de l’AGCS, de grève générale interprofessionnelle…

Je n’ai pas voté pour ce gouvernement. J’ai même voté pour une des rares députées socialistes élues. Mais je respecte le scrutin universel.

Lors d’une AG du lycée, j’ai annoncé que je reprenais le travail en disant :
« Je me suis mobilisé sur le problème de la décentralisation Raffarin en particulier pour les personnels ATOS dont on peut craindre à terme la privatisation. J’ai fait toutes les grèves sur la décentralisation et souvent nous étions peu nombreux. Peut-être le cours des choses aurait été changé si nous avions été massivement en grève à ce moment-là ?
Il me semble que les revendications vont quitter le terrain de l’école. Aux partis politiques de gauche de prendre leur responsabilité quand ils reviendront au pouvoir (?) sur les retraites.
Personnellement, je pense qu’une conception réactionnaire de l’école, de la formation des jeunes est en train de se mettre en place :
– réduction drastique de la formation continue
– démantèlement des IUFM
– attaque contre la loi de 89 mettant le jeune au centre du système éducatif.
– Remise en cause du collège unique…
C’est sur ce genre de terrain que je me suis toujours principalement mobilisé. »

Pas facile quand on a toujours été militant de se trouver à côté d’un mouvement social et d’être au travail quand certains des collègues avec qui vous aimez travailler sont en grève. En y réfléchissant, j’ai l’impression d’un retour en arrière à l’époque où j’ai commencé à enseigner. Alors, je lisais L’école aux enchères de Bernard Charlot. J’étais jeune prof de CET et la grande crainte, c’était l’entrée du patronat avec les stages en entreprises. On n’en est plus là aujourd’hui. Aujourd’hui, on remplace le patronat par l’OMC…

Je crois, comme hier, qu’il y a d’autres façons de lutter contre la « marchandisation de l’école » que le repli sur soi et la stratégie de la citadelle assiégée.

Alain Le Flohic, documentaliste, lycée de Lamballe, Côtes d’Armor.