Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Les IUFM dans l’université : quelle intégration ?

Le processus d’intégration des IUFM dans l’université s’est subitement emballé. Bien que prévu dans la loi Fillon pour au plus tard en 2008, il est longtemps resté en latence. Les corps d’inspection cherchaient à enterrer l’affaire jusqu’aux élections, en espérant voir ressurgir un projet concurrent d’école professionnelle gérée par la hiérarchie. De leur côté, les syndicats oeuvraient pour une intégration qui revalorise rapproche la formation des enseignants de la recherche tout en lui garantissant une réelle autonomie au sein de l’université.

Accélération

Courant 2006, le ministère décide de créer un groupe de réflexion sur l’intégration, d’abord avec des IUFM d’académies où n’existe qu’une université (donc sans enjeux de concurrence), puis avec quelques autres, Quelques IUFM « expérimentaux » seraient intégrés dès le 1er janvier 2007 et les autres au plus tard le 1er janvier 2008.
Soudainement, fin 2006 et à la surprise (presque) générale, ce sont deux « gros » IUFM qui sont choisis pour intégrer immédiatement et dans l’urgence : celui d’Aix-Marseille dans l’université de Provence et celui de Versailles dans l’université de Cergy-Pontoise. Des décrets parus dans les derniers jours de 2006 ont donc supprimé ces deux IUFM et ont créé une « école intégrée » dénommée « IUFM » dans les deux universités au 1er janvier 2007.

Quelle concertation ?

On peut d’abord s’interroger sur la transparence et la place des procédures démocratiques dans l’histoire de ce processus mouvementé. Les services concernés du ministère ont négocié avec quelques rares responsables de chaque académie : le recteur, le directeur de l’IUFM, les présidents d’universités… mais ont refusé les demandes réitérées d’information et de concertation des syndicats. De même, jusqu’à maintenant, le ministère a toujours refusé de mettre en place une « commission nationale paritaire sur l’intégration ». Par ailleurs, au sein de chacune des institutions concernées, seul un petit groupe de dirigeants a été informé des péripéties et des enjeux. Le principe de l’efficacité de la gouvernance l’a manifestement emporté partout sur celui de la transparence… pourtant constamment à la bouche des responsables !

Au nom de l’autonomie…

Si tous les acteurs (ou presque) s’accordent sur le principe de l’intégration, beaucoup s’inquiètent des modalités et des conséquences. En effet, de nombreuses questions restent en suspens ou trouvent des réponses différentes, selon les circonstances locales. Par exemple, quelle sera la place des représentants élus des formateurs des IUFM dans les instances de l’université, et particulièrement dans l’attente de prochaines élections – le plus souvent dans plusieurs années ? Les réponses données pour les deux premiers « intégrés » divergent. Six représentants issus des conseils de l’IUFM de Versailles ont été intégrés dans le conseil d’administration de l’université de Cergy-Pontoise et neuf dans les autres conseils, alors qu’un nombre plus limité est simplement « invité » dans celui de l’université de Provence. Certes, cette université est actuellement structurée en « secteurs » lettres et sciences et non pas en composantes comme les UFR à Cergy-Pontoise, mais une « commission des réformes des structures » est mise en place dans la seconde université, alors que ce ne serait pas le cas dans la première ! Autre exemple de difficulté qui est cruciale pour l’avenir des IUFM intégrés : la composition du nouveau « conseil d’école ». Le ministère et des directeurs actuels d’IUFM proposent une parité entre membres élus et nommés, alors que la loi stipule que la proportion de nommés peut varier de 30 % à 50 %. Les représentants de formateurs et des formés s’opposent à une parité qui ne pourrait que minorer encore leur influence sur la politique des IUFM, influence déjà faible dans la composition des conseils des anciens IUFM.
De son côté, le ministère joue à fond de l’autonomie des universités pour refuser les demandes de cadrage national et, pour l’instant, de « commission nationale ».

Pourquoi supprimer le mémoire ?

En revanche, alors que d’un côté on intègre dans l’urgence les IUFM dans l’université, le gouvernement publie un nouveau « cahier des charges » qui fait la part belle aux « formations sur le terrain », à la fois pour des questions d’économies et d’idéologie du « bon sens ». Pourtant tous les travaux existants (comme dirait ce ministre) montrent qu’une véritable formation professionnelle des enseignants se joue dans l’alternance entre les pratiques des terrains et les enrichissements théoriques, cette alternance étant gérée par les IUFM… qui ont d’ailleurs été créés pour mettre en place cette conception de la formation des enseignants. On pourrait ajouter encore que le cahier des charges ne fait plus mention du « mémoire professionnel »… Même si certaines dérives ont pu être observées, l’intégration dans l’université devrait contribuer à les résorber en renforçant les relations avec la recherche et en faisant en sorte que le mémoire professionnel soit reconnu comme une partie d’un master, délivré par l’université.
Oui à l’intégration des IUFM dans l’université, au nom de la qualité de la formation des enseignants, mais pas n’importe comment et à n’importe quel prix… c’est en substance ce qui se joue actuellement dans le processus en marche. Et de son issue dépend en grande partie ce que sera la formation des futurs enseignants.

Alain Legardez