Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

L’atelier des images : en quoi cet atelier aide-t-il les élèves à mieux regarder les images ?

atelier.gif

François Malliet, à travers son témoignage[[Article « Raconte-moi une histoire », p. 49 du dossier.]] en classe de CE2, se pose la question de « savoir si des images peuvent être source de paroles ». C’est effectivement bien là le point de départ du projet et sa raison d’être. Je voudrais rappeler tout d’abord que cet Atelier des Images a un intérêt tout particulier pour les élèves de Cycle 2. En effet, sa dimension culturelle (réappropriation des contes traditionnels) leur permet une entrée singulière dans le monde de l’écrit, ou plus exactement des écrits (codes, conventions usages).
Sur le plan pédagogique (au cycle 2, mais également en cycle 3), cet atelier trouve sa cohérence à travers les trois axes suivants :
– une approche pédagogique transdisciplinaire ;
– une place et un rôle privilégiés du dire/lire/écrire dans les apprentissages au service du projet ;
– une éducation au regard qui passe par une mise en paroles.
La question essentielle, à laquelle chaque enseignant est confronté lorsqu’il élabore son projet, reste bien évidemment :

En quoi cet atelier aide-t-il les élèves à mieux regarder les images
du monde d’aujourd’hui ?

Une approche pédagogique transdisciplinaire : l’école donne à vivre des expériences …

Chacun d’entre nous est aujourd’hui convaincu que Savoir parler est indispensable pour lire et pour écrire, et chacun admet que l’école reste, pour nombre d’élèves, l’unique milieu de fréquentation de la culture de l’écrit : à nous, donc, de diversifier les rencontres avec cet écrit sous toutes ses formes. Je citerai là, un extrait du Document d’accompagnement des programmes « Lire au CP [2] », qui illustre parfaitement le propos : Les activités qui relèvent de la découverte du monde et qui articulent connaissances sur le monde et vocabulaire adapté, vocabulaire précis pour les verbaliser ou pour les retrouver dans des livres (ou autres supports), contribuent grandement à nourrir la dimension culturelle qui s’attache aux apprentissages de la lecture et de l’écriture. La finalité réflexive de la lecture apparaît ainsi dès le début de l’apprentissage : l’école montre comment utiliser la lecture pour accéder à des connaissances nouvelles, pour confronter des idées, elle donne à vivre des expériences dans lesquelles la lecture aide à penser en faisant découvrir d’autres pensées, représentations, manières de voir le monde ».

Un projet de classe comme lieu de convergence des apprentissages, à partir d’une situation problème : comment construire, ou retrouver un récit à partir de formes et de couleurs ?

atelier.gif

Ce schéma permet de se rendre compte que le volet technologique ne figure pas dans les apprentissages liés au projet ; en effet, la manipulation de l’outil est simple : aspect tactile uniquement (les opérations de sauvegarde des fichiers et d’impression sont à la charge de l’adulte).

Une place et un rôle privilégiés du dire/lire/écrire dans les apprentissages : raconter une histoire ne suffit pas…

Parmi les cinq compétences développées tout au long du cycle 2 (cf. Lire au CP, pages 15 à 17), il en est une sur laquelle il est important d’insister dans le cadre de ce projet, et tout particulièrement pour des élèves qui rencontrent des difficultés d’apprentissage de la langue, il s’agit de Dire, Redire, Raconter … Il est évident que les récits servent d’appui à l’apprentissage de la lecture, il faut donc que les élèves maîtrisent ce fonctionnement textuel (thème, personnages, objets, accessoires, péripéties, lieu, temps …) et ne s’y perdent pas. On va donc les amener à travailler en production et en réception sur les types de narration les plus divers : raconter un évènement vécu, une histoire entendue ou vue (en l’occurrence avec la Vidéo de Warja Lavater), comparer, créer une trame en utilisant des formes symboliques…

Mais raconter ne suffit pas, il faut aussi :
– savoir informer, ce qui recouvre les compétences suivantes : décrire, inventorier, énumérer, questionner, expliquer en respectant la chronologie, en donnant des détails sur la position, en sélectionnant, en reformulant…
– savoir argumenter, ce qui regroupe les compétences suivantes : donner son avis, justifier, émettre des hypothèses, dire une préférence, réfuter, développer l’idée d’un autre…

Tout au long du cycle 2, et encore davantage au niveau de la Grande Section, langue orale et langue écrite sont en constante interférence pédagogique, l’une servant de point de départ à l’autre et vice versa. La dictée à l’adulte prend là toute sa place.
L’organisation de la classe impose des temps en groupes de travail (phases d’échanges, de création, d’écriture…) à alterner avec des temps collectifs (phase de restitution en situation de communication).

Une éducation au regard qui passe par une mise en paroles : un moyen attrayant de …

On sait que nos enfants ont une imagination constamment sollicitée par les multiples images qui les entourent au quotidien. En tant qu’enseignant, mettons-nous en œuvre une pédagogie qui leur donne les moyens de décoder un langage visuel omniprésent dans la société d’aujourd’hui ? Comment les aide-t-on à distinguer le réel de l’imaginaire ?
Cet atelier des images représente une des réponses possibles en utilisant l’image comme moyen attrayant de propulser les enfants dans le monde de la parole et des échanges.
On ne décrira pas là l’ensemble des compétences langagières mises en jeu à travers les projets liés à l’Atelier des Images, mais on insistera plus particulièrement sur le volet communication :
– oser prendre la parole, savoir écouter, prendre en compte ce que l’autre (les autres) dit (disent), utiliser sa mémoire, utiliser le code non verbal, parler à un récepteur non visible, communiquer avec des intermédiaires, avoir une attitude réflexive sur sa parole et sur la langue en général, se décentrer, mettre des mots sur des sensations, des émotions…

Au sein de l’équipe de circonscription (IEN, conseillers pédagogiques, membres du RASED, animateur multimédia…) nous nous interrogeons souvent sur les moyens à mettre en œuvre pour aider les enfants qui ont des difficultés à passer du langage factuel (communication réduite au sein de la famille à des échanges de base liés à la vie courante) au langage de l’échange, du plaisir, du jeu…
C’est une des entrées, parmi bien d’autres, que nous privilégions aujourd’hui pour ces élèves.

Un premier bilan positif

À travers le témoignage de François Malliet, et au vu des expérimentations menées avec des classes de la Moyenne Section au CM2, on peut à ce jour faire un premier bilan positif quant à la richesse des situations langagières mises en oeuvre, aussi bien sur le plan des compétences discursives que sur le plan des compétences de communication.

On peut également affirmer aujourd’hui que l’aspect ludique du travail autour des stations infographiques est un élément fort au service de l’apprentissage de la rigueur. En effet, les élèves sont contraints à agir en fonction de l’autre (et ils l’acceptent !) à expliciter et à valider leurs choix (souvent difficiles) sans quoi le résultat obtenu ne sera pas compréhensible pour les autres (par manque de cohérence du récit, par des liens peu lisibles entre les éléments …) ; le récit en images produit par chaque groupe faisant systématiquement l’objet d’une communication à d’autres (sous une forme papier ou/et numérique). L’activité vécue par les élèves prend ainsi tout son sens, l’enjeu pédagogique pour les enseignants est évident. Ils ont là une situation privilégiée pour mettre en œuvre un véritable projet d’apprentissage transdisciplinaire sous la forme d’une situation problème à résoudre. Tout le monde y trouve son compte : enfants et adultes, apprenants et enseignants.

Même si on ne peut pas affirmer avec certitude que tous les élèves ayant travaillé avec l’Atelier de Images regardent mieux les images, il est certain qu’ils vont désormais les regarder autrement, qu’ils vont avoir un regard plus distancié, plus critique … et qu’ils seront capables d’en discuter avec les autres, ce qui n’est somme toute pas négligeable.
Bien des pistes pédagogiques restent à explorer avec cet outil, des adaptations et une évolution du matériel vont être nécessaires… Nous nous y attelons. À suivre…

Guy Aladame, conseiller pédagogique, circonscription de Chalon-sur-Saône 1.