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Inventer des moments de rencontre

Nous sommes dans un lycée polyvalent, un terme qui prend tout son sens dans cette périphérie d’une ville universitaire. Offrant un large choix de filières et d’options, principalement de l’enseignement technologique, ce lycée est emblématique de la massification. Il accueille, dans une soixantaine de classes, des élèves venant de toute l’académie. Le nombre important de communes rurales n’explique pas à lui seul le très modeste investissement des parents au sein des espaces où ils sont attendus : conseils de classe, rencontres parents-profs, voire élections au Conseil d’Administration (la seule liste connait des difficultés récurrentes de constitution), ou lors des assemblées appelées par les parents eux-mêmes. Dans ce contexte, le faible sentiment de représentativité éprouvé par les élus n’est pas sans répercussions sur leur rôle en CA. Cette réalité a constitué une préoccupation pour les responsables successifs de l’établissement.
Le problème semblait insoluble, mais un espace s’est ouvert dans le cadre d’un CES-C[[Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté : voir sur le site :
http://eduscol.education.fr/D0004/vtcacc01.htm.]] déjà opérationnel mais dont les parents étaient les seuls absents. L’objectif prioritaire fixé était d’ aborder les problèmes liés au mal-être des adolescents (sentiment de dépression, tentatives de suicide…). Il ne pouvait être pensé sans une approche spécifique en direction des familles. Le CES-C a décidé d’organiser une « réunion débat » dont le contenu devait être le plus proche du public visé. L’équipe d’animation, qui cherchait la démarche la plus pertinente pour traiter un sujet aussi sensible, a sollicité les parents élus du C.A pour les associer le plus étroitement possible aux diverses phases de sa réalisation.
Pour la préparation, toujours déterminante, la nouvelle équipe ainsi constituée s’est réunie plusieurs fois avec le pédopsychiatre intervenant du projet. Ces rencontres ont permis tout à la fois d’évaluer au mieux les attentes des parents sur ce thème, de faire part de leurs représentations et de définir les questions relatives à la présentation du sujet, à sa construction et au déroulement de la soirée. L’invitation à la conférence, transmise à tous les parents d’élèves, a été signée conjointement des membres du CES-C et des parents élus présentés en tant que co-organisateurs.

Cette initiative a donné lieu à la plus importante réunion de parents organisée au sein de l’établissement : près d’une centaine de familles y ont participé. À l’évidence, la qualité du dialogue noué dès la préparation correspondait à une réelle attente et de nombreux parents ont dit publiquement leur satisfaction. Une telle action montre bien comment les élus parents peuvent trouver, dans ce genre de rôle, une occasion de légitimation et de reconnaissance (certes toujours fragile) de leur fonction auprès des familles. Et c’est aussi tout simplement pour l’établissement un moment important de connaissance réciproque avec les parents. Qui sait si de telles actions, renforçant les liens école-familles, ne permettraient pas de freiner l’élaboration de stratégies d’évitement en changeant la perception que l’on a de ces « établissements de seconde zone » ?

Régis Rémy, Professeur en lycée.