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Enseigner l’information-documentation : le coeur du métier de professeur documentaliste

Le Snes a organisé en 2007 une large consultation des enseignants documentalistes par le biais de deux enquêtes : la première axée sur les aspects pédagogiques de la profession et la seconde orientée vers des questions plus catégorielles.
Deux questionnaires ont été envoyés à tous nos adhérents, ainsi que dans l’ensemble des établissements du second degré, et diffusés lors de stages syndicaux animés dans différentes académies. À l’arrivée, 926 questionnaires remplis essentiellement par des femmes (dans plus de 80% des cas), plutôt jeunes (environ 40 % ont entre 26 et 40 ans et environ 35 % entre 40 et 55), majoritairement syndiqués au Snes (pour 62,5 % des enquêtés). C’est un échantillon significatif de la profession, puisqu’on compte 8874 certifiés en documentation sur des postes de documentation (chiffres Depp, Direction de l’évaluation, de la prospective performance – 2007).
Notre syndicat consulte régulièrement les collègues (stages syndicaux, enquêtes, liste de diffusion syndicale…) pour construire des revendications qui sont ensuite formalisées lors de ses congrès nationaux. Celui de Toulouse, en 2003, reconnaissait déjà qu’« il est nécessaire de penser l’information documentation comme une discipline appliquant les savoirs théoriques en des savoir-faire et dont le seul usage ne peut être considéré comme suffisant à son apprentissage (…) l’information documentation doit donc bénéficier d’un horaire spécifique et d’un curriculum de savoirs et savoir-faire indentifiés afin que les professeurs documentalistes puissent mettre en oeuvre des apprentissages cohérents et progressifs en collaboration avec les professeurs des autres disciplines. ». Une position réaffirmée lors du Congrès de 2007 à Clermont-Ferrand.
Le rôle d’un syndicat comme le Snes dans la construction de la profession d’enseignant documentaliste est parfois méconnu. Pourtant, la circulaire de missions des professeurs documentalistes (1986), puis le CAPES de documentation (1989), n’ont pu être acquis qu’après des années de luttes menées conjointement par la Fadben et le Snes. Notre syndicat n’a cessé depuis de défendre les professeurs documentalistes et de revendiquer une culture informationnelle pour tous les élèves.

Enseignant et documentaliste : une double identité professionnelle assumée

Le premier enseignement de ces enquêtes est que les collègues assument pleinement leur double identité professionnelle, à la fois comme documentaliste et comme enseignant. Les sondés se revendiquent majoritairement « enseignant documentaliste » ou « professeur documentaliste », appellations illustrant les deux aspects de notre métier : gestion et enseignement. Les activités pédagogiques occupent une grande part de leur temps de travail : seuls moins de 10 % n’assurent aucune heure de formation et 91,84 % sont prêts à évaluer les élèves. Si la profession assume pleinement sa mission enseignante, elle se refuse à être bornée à cette seule facette du métier : une minorité se revendique « professeur d’informationdocumentation ». Les témoignages sont nombreux sur l’importance de conserver cette diversité du métier considérée comme une richesse. Le retour vers la fonction de « bibliothécaire documentaliste » ou de « documentaliste » est dans le même temps rejeté.
Quant à l’« expert en politique documentaire », il n’attire qu’à la marge ; c’est un désaveu du protocole d’inspection qui voudrait faire des documentalistes de tels experts.

Pour une revalorisation des missions pédagogiques

C’est donc en toute logique que les enquêtés insistent pour que leurs missions pédagogiques soient revalorisées. Le désaveu de la définition actuelle des missions est unanime. 81,77 % des sondés estiment que la circulaire de 86 n’est plus suffisante. 69,60 % réclament que soit définie une nouvelle circulaire avec des instructions officielles pour la formation en information-documentation. La revendication d’un curriculum est partagée par une écrasante majorité des sondés. L’instauration du curriculum est la solution préférée devant le référentiel d’acquisition de compétences. Quant au référentiel de type B2I ou portfolio, il est « recalé » (3,83 % des réponses). 90,41 % des sondés affirment qu’il est nécessaire d’organiser la formation sur tous les niveaux, prioritairement en Sixième et en Seconde. 68,05 % des sondés veulent qu’un horaire soit attribué pour la formation en collège et 58,31 % en lycée. Seuls 28,43 % y sont opposés. Toutefois, le cadre horaire reste à déterminer, comme le montre la proportion importante de « sans opinion » sur cette question. Ceux qui se prononcent privilégient des heures dans une discipline support, animées en coordination avec des collègues d’autres disciplines, en dédoublant une classe, toute l’année. Afin de remplir au mieux ces missions pédagogiques, plusieurs collègues réclament une formation continue plus étoffée et de meilleure qualité. Les PAF (Plans Académiques de Formations) font la quasi-unanimité contre eux.

Revendications catégorielles : priorité à la reconnaissance professionnelle

L’importance d’être reconnu au sein de l’équipe éducative et de voir respectées les qualifications des certifiés en documentations est fortement soulignée. Tout aussi récurrente, la demande que les enseignants documentalistes puissent enfin bénéficier du statut de certifié (paiement des heures supplémentaires au taux des certifiés ; attribution de l’Isoe – l’indemnité pour l’orientation des élèves – ; création d’une agrégation en documentation). 86,64 % des sondés souhaitent aussi une évolution du service permettant d’intégrer la formation des élèves, le calcul actuel ne prenant pas en compte le temps de préparation et d’évaluation des séances pédagogiques. Cette revendication va de pair avec celle de la création d’un corps de secrétaire de CDI. La valse des contrats précaires n’est plus tolérée alors que les besoins sur le terrain sont réels pour assurer une gestion efficace d’un CDI. Dans le même temps, la revendication d’un taux d’encadrement dans les établissements est très forte. Il faut souligner que l’enquête montre que dans 72 % des établissements, il n’y a qu’un seul poste de professeur documentaliste, et ce, quelque soit la taille de l’établissement. Ces conditions de travail ne permettent plus aux collègues de remplir correctement leurs missions, en particulier dans le domaine pédagogique. La demande d’augmentation des postes aux concours, revendication numéro un des sondés, est donc largement justifiée. Enfin, la création d’une inspection spécifique fait partie des revendications phares des enquêtés. Les Inspecteurs
Etablissement et Vie Scolaire (IPR EVS) connaissant mal notre métier et défendant peu la place de notre discipline, qu’ils ne reconnaissent d’ailleurs pas toujours comme telle, sont désavoués.
Au final, les résultats de ces enquêtes prouvent que la défense de l’existence de la profession passe pour nos collègues par la promotion de sa fonction pédagogique. Et pour que l’enseignant documentaliste soit enfin un certifié à part entière, sa mission pédagogique devrait être reconnue par l’Institution (revendication du curriculum) et les contentieux statutaires devraient être enfin réglés.
Force est bien de constater qu’il existe aujourd’hui un consensus, parmi les certifiés en documentation, sur la question de leur identité professionnelle. Titulaires d’un CAPES, ils maîtrisent des savoirs info-documentaires et sont en capacité d’élaborer des situations d’apprentissages à la maîtrise de l’information. Les faux débats sur cette identité, bien que dépassés, servent encore trop souvent d’alibi à un Ministère et à une Inspection Education Vie Scolaire qui partagent une vision réductrice de notre métier. Les résultats de notre consultation nous ont confortés dans notre détermination à porter les revendications pédagogiques et catégorielles de la profession. Nous l’avons fait au cours d’audiences obtenues depuis (cabinet du Ministre, Direction Générale de l’Enseignement Scolaire, Inspection Générale Education Vie Scolaire). Nous avons aussi adressé au Ministre « Six propositions pour la revalorisation de la profession d’enseignant documentaliste »[[Courrier au Ministre du 10 avril 2008 publié à cette adresse : http://www.snes.edu/observ/spip/spip.php?article3716.]].

Conclusion

Un récent rapport de l’Unesco (2008) identifie la « maîtrise de l’information » comme l’un des défis majeurs pour « la survie au XXIe siècle ». Notre système éducatif ne pourra donc plus faire longtemps l’économie du développement d’une culture informationnelle chez tous les élèves. C’est pourquoi nous dénonçons les baisses drastiques des recrutements au CAPES de documentation qui aboutissent au non-remplacement de 2 professeurs documentalistes sur 3. Pourtant, qui d’autre que le professeur documentaliste est le plus à même de garantir la transmission de cette culture aux élèves ?

Dominique Chabant, professeur documentaliste, académie de Nice.
Jean-Pierre Hennuyer, professeur documentaliste, académie de Créteil.
Vassilia Margaria, professeur documentaliste, académie de Versailles.

Co-responsables du Groupe Documentation – Secteur Contenus, du Snes
documentalistes@snes.edu