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Bibliothèques, enfance et jeunesse

La première édition de cet ouvrage a été publié en 1993 sous le titre Lectures, livres et bibliothèques pour enfants. La production éditoriale a beaucoup évolué depuis, en particulier avec l’intégration des outils numériques. L’accueil des publics s’est beaucoup diversifié : adolescents, bébés, parents, professionnels de la petite enfance, groupes scolaires… avec l’idée de s’adapter aux usages de ces publics tout en faisant la promotion d’une plus grande diversité culturelle…

Le contexte politique a changé avec la mise en place de réseaux de lecture publique à un niveau intercommunal. La bibliothèque est aussi un lieu qui se transforme en favorisant l’inclusion sociale et culturelle et le vivre ensemble des différents publics de ce lieu ouvert à tous.

Dans la première partie de cet ouvrage collectif, « Enfance, jeunesse : de quoi parlons-nous ? », un chapitre est consacré à la lecture à l’ère des smartphones chez les jeunes et un point est fait sur les cultures juvéniles.

Il y a en même temps des injonctions à la précocité et à l’épanouissement individuel et un retardement de l’entrée du marché du travail. Cela tend à une fragmentation de la condition juvénile par âge, par sexe, origine sociale, origine ethnique, niveau de diplôme…

Les caractéristiques des cultures juvéniles sont la technophilie, la recherche d’expression, le goût de l’expérimentation et une prédilection pour la sociabilité ce qui vient en contradiction avec les attributs de la culture scolaire. L’éclectisme culturel s’est aussi développé, avec la reconnaissance de nouvelles formes.

Et la lecture dans tout ça ? Elle est plus que jamais plurielle, avec une érosion sensible de la lecture de livres, livres qui sont prescrits par des femmes (mères, enseignantes, bibliothécaires).

La seconde partie aborde la question de l’offre aux jeunes. On rappelle quelques chiffres : 14 000 titres publiés par an (en incluant les réimpressions), soit 60 % d’augmentation en dix ans, avec un effet négatif : on entre dans une logique d’industrie au détriment de la durée de vie des titres et d’une exigence graphique et littéraire. Plus que jamais, la nécessité de médiations se fait sentir. A noter la marginalité de la vente de livres numériques : moins de 3 %.

Un chapitre est consacré à la profusion des albums pour la jeunesse. On note l’influence de la petite édition indépendante et contestataire. L’album pour la jeunesse se caractérise par une grande diversité dans les formats, dans les styles et de techniques.

Un autre chapitre s’intéresse aux livres objets, pop ups… Depuis longtemps, les éditeurs de livres pour enfants savent que la dimension matérielle de l’objet a une importance dans l’expérience que l’enfant ferait du livre.

Concernant le roman pour la jeunesse, on voit clairement deux publics d’acheteurs : parents et médiateurs du livre (bibliothécaires et enseignants) et celui des jeunes lecteurs que les éditeurs cherchent à conquérir (Harry Potter : 27 millions d’exemplaires).

La production est de plus en ciblée par sexe et par âge : 6-8 ans les premières lectures, 8-12 ans déclinée en deux : 8-10 et 11-12 ans, la production pour adolescents (à partir de 13 ans) et jeunes adultes. Les personnages ont en général l’âge des lecteurs qui sont dans un parcours d’initiation qui traverse tous les genres : policiers, science-fiction…
Ce sont des univers plein de fantaisie, proche du conte et de la fable, des histoires qui se passent dans des familles pas toujours simples. Autres thématiques importantes ce sont les histoires sentimentales. La question des jeunes dans la société est très régulièrement traitée.

Une sous-partie est consacrée à la poésie, comptines et jeux de langage si importants dans le développement de l’enfant. Cette production mélange à la fois les grands auteurs valorisés par l’institution scolaire, la création contemporaine mais aussi fait une belle part au patrimoine de la littérature jeunesse issue de la culture populaire.

Un point est fait sur la bande dessinée, les comics et le manga. Là aussi un historique qui permets de comprendre les enjeux éditoriaux actuels.

Une partie est consacrée à la « Promotion, manifestations, censures et débats ». Les manifestations autour de la littérature jeunesse se sont développées avec l’essor de ce secteur. Actuellement, il y a environ 70 salons ou festivals de livre jeunesse.

La littérature jeunesse a peu de place dans les médias sauf au moment par exemple du Salon du livre de Montreuil mais on en parle beaucoup quand il y a des débats sur certains titres jugés « choquants », « malsains » orchestrées au niveau national par des groupes de pression idéologique, morale ou politique.

Le dernier chapitre est consacré aux bibliothèques, avec un rappel des conditions de création de bibliothèques jeunesse : dès le départ, une volonté de faire un modèle à la française en mélangeant les publics et de s’inspirer des principes de l’éducation nouvelle. L’objectif premier de la bibliothèque est le développement de la personnalité de l’enfant et le livre est un allié. Les bibliothécaires se retrouvent avec les pédagogues dans les associations d’éducation populaire (Ligue de l’enseignement, FOL, CEMEA)…

Autre moment important : la création de la Bibliothèque de Clamart par Isabelle Jan et Geneviève Patte.

Une sous partie est consacrée à « Lire à l’école » de la page 209 à 218 avec un rappel de la scolarisation de la littérature jeunesse avec une sous-partie intitulée « Écoles et bibliothèques : de la concurrence à la complémentarité ». Hélène Weiss recommande « une connaissance mutuelle des compétences acquises chez les bibliothécaires et les enseignants serait certainement l’un des atouts majeurs au service de tous ». L’école demeure le lieu de la raison et de l’exercice et la bibliothèque un n3e lieu ouvert sur la rencontre, l’émotion, l’intime, l’imaginaire…

Une place est faite aussi au développement du jeu en bibliothèque : le jeu est une autre porte d’entrée culturelle de la bibliothèque.

« Enchanter la bibliothèque : inventer des parcours culturels » Comment faire de la bibliothèque un espace de tous les possibles ?

Ce livre est donc une véritable mine d’informations sur le secteur édition jeunesse mais aussi sur les bibliothèques. Il est donc à mettre en toutes les mains pour voir les possibles et s’émerveiller devant la richesse des documentaires, de la littérature, des albums et en particulier pour les tout petits parce que même si l’appétence à la lecture n’est pas synonyme de réussite scolaire, l’accès aux livres est primordial.

C’est aussi un livre contre les clichés car le livre rivalise avec le numérique.
Il montre le lien entre les principes de l’éducation nouvelle et la mise en place de secteur jeunesse.

Sylvie Fromentelle