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Pourquoi les enfants de profs réussissent mieux

Le propos des deux auteures, bonnes connaisseuses du système éducatif (l’une d’elles est productrice d’une excellente émission sur l’école à France Culture), est finalement assez original. Plutôt que d’ironiser sur ces familles d’enseignants qui font si bien réussir leurs enfants à l’école, mais ne sont pas toujours conscientes des privilèges qu’ils donnent à ces derniers de par leur capacité à « transmettre les bons codes », les auteures prennent la question autrement. À partir de divers témoignages de fils ou filles d’enseignants, en particulier de personnalités très diverses (Thomas Pesquet, Michel Bussi ou Marlène Schiappa), il s’agit plutôt de repérer justement les atouts que donne ce rapport à l’école, aux savoirs, à l’autorité que s’approprient petit à petit les « enfants de profs » et qui pourraient selon les auteures inspirer toutes les familles. On permet en effet à ces enfants de se construire une bonne distance par rapport au monde scolaire : on croit en l’école, mais de manière souvent critique, on apprend à comprendre les attentes des enseignants, on relativise le poids des notes, on décèle les implicites des demandes scolaires, on sait naviguer dans les méandres de l’orientation, etc. Et on ne méconnait pas tout ce qui se joue en dehors de l’école, dans les activités artistiques, sportives ou culturelles, dans les échanges familiaux, etc.

Et à la fin de chaque chapitre, on trouve une récapitulation de « ce que les parents non enseignants peuvent retenir ». Par exemple : « éviter les “vous avez carte blanche”, l’enseignant n’a pas besoin d’autorisation et il n’est pas là pour être parent à votre place », ou « transmettre une attitude face au travail est autant une priorité que d’arracher des bonnes notes »

Ne cachons pas notre perplexité. Si les incitations, quand elles ne sont pas des « portes ouvertes » enfoncées, sont souvent intéressantes et peuvent être utiles finalement à bien des acteurs de l’école (enseignants ou parents), deux choses au moins nous gênent. D’abord, est-on si sûrs que tous les enseignants donnent le même type d’éducation à leurs enfants et n’érige-t-on pas un certain modèle (éducation libérale, de type « bienveillant et exigeant ») en généralité ? Ainsi ne prend-on pas ses désirs pour des réalités en s’imaginant que les parents profs encouragent davantage la coopération que la compétition ? Et surtout on aurait aimé aussi un recul critique qui conduirait peut-être nombre d’enseignants à apprendre des autres. Apprend-on suffisamment par exemple l’ouverture aux autres, les vertus d’autres modes culturels qui peuvent valoriser le risque, la débrouillardise ? Et surtout ne faut-il pas regarder du côté des enfants qui réussissent quand tous les facteurs socio-culturels devraient conduire à l’échec ? Quelle part peuvent avoir les familles dans ce défi aux lois d’airain de la sociologie ? Ce qui au passage est une manière de reconnaitre l’hétérogénéité des « familles populaires ».

Autant ce livre grand public diffuse-t-il des pistes plutôt bienvenues en réponse à la première partie de son titre « comment mieux accompagner nos enfants dans le système scolaire », autant on peut à bon droit s’irriter du déterminant défini de l’assertion « les parents profs donnent LES bonnes réponses ».

Jean-Michel Zakhartchouk