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L’autorité à l’école, mode d’emploi

La question de l’autorité est inhérente à la posture d’éducateur qu’incarne l’enseignant et que celui-ci soit débutant ou expérimenté, elle n’est jamais acquise une fois pour toute et reste une préoccupation ou du moins une vigilance avec laquelle il faut sans cesse apprendre à se familiariser.

Martine Boncourt connait bien cette problématique ; on sent d’ailleurs dans cet ouvrage, que ce n’est pas juste une problématique mais qu’elle s’ancre à partir et dans une réalité concrète, celle du quotidien de la classe qu’elle a fréquenté d’abord comme professeur des écoles, puis comme directrice mais aussi maître formateur en Alsace. Spécialiste de la pédagogie institutionnelle, elle est aujourd’hui chargée de cours en sciences de l’éducation et nous livre au fil des 175 pages, des conseils fondés sur un ensemble d’études de cas vécus offrant à l’enseignant lecteur des pistes à la fois réflexives et étayées d’outils. En voici un petit aperçu :

Assoir sa légitimité face au parents :

  • Comprendre le positionnement des parents.
  • Reconnaître et dépasser les tensions.
  • Cultiver le sentiment de légitimité.

La place de la parole du maître, sa voix, ses silences :

  • Utiliser un ton de voix calme et posé, en évitant les aigus et les cris.
  • Préférer le ciblage et l’économie à l’abondance et la répétition des paroles.
  • Penser également à se taire en considérant le silence comme un allié pédagogique.

La chasse aux tics verbaux, inutiles et même nuisibles :

  • Proscrire l’utilisation systématique du « chut », inefficace et donc inutile.
  • Être vigilant à l’usage abusif des pronoms « je » « me » et « moi » qui entretiennent une relation d’emprise et gênent l’autonomisation des élèves.
  • Traquer les expressions vides de sens qui trahissent la crainte du vide et détériorent l’image d’autorité.

Parler juste et à la bonne hauteur :

  • Oser s’exprimer comme un maître avec un niveau de langage soutenu et approprié en bannissant toute familiarité déplacée dans un contexte de classe.
  • Eviter d’utiliser des mots ou expressions porteurs de connotation morale et culpabilisante.
  • Face aux questions ou aux erreurs des élèves, ne pas se poser en censeur ou en détenteur du savoir. Répondre systématiquement nuit à la réflexion et l’apprentissage des élèves.

La confiance comme fondement de l’autorité :

  • Ne dire que ce que l’on est capable de faire et faire toujours ce que l’on a dit.
  • Ne rien exiger des enfants qu’ils soient dans l’incapacité de réaliser.
  • Ne pas confondre éducation bienveillante et relation affective.

Le langage du corps, un travail de chaque instant :

  • Ni trop relâché, ni trop rigide, le corps doit refléter la conviction visible de ce que l’on dit et de ce que l’on est.
  • Eduquer et enseigner ce n’est pas chercher à ressembler, c’est accepter de se démarquer.
  • Dans la classe, préférer le coude-à-coude au face-à-face, oser les déplacements, les rapprochements, de manière à se mettre à la portée des élèves.

Le premier jour, tout est important mais rien n’est irréversible :

  • Penser la manière dont on va accueillir les élèves et se donner comme défi de mémoriser le plus rapidement possible les prénoms des élèves.
  • Construire un univers sécurisé pour apprendre sans oublier d’y faire entrer d’emblée la créativité et le plaisir, ingrédients fondamentaux pour l’investissement à long terme.
  • Impliquer les élèves dans l’organisation matérielle et spatiale de la classe.

La loi, la règle et le règlement, des outils pour protéger et émanciper :

  • Privilégier une charte de vie élaborée coopérativement, au fil du temps et des événements qu’un panneau de règles de vie imposé ex cathédra.
  • Instituer peu de lois stables et incontournables et davantage de règles à discuter et modifier en cours d’année.
  • Pour être un bon gardien de la loi, ne pas oublier de s’y soumettre soi-même.

La régulation par la parole coopérative ; réfléchir et décider ensemble :

  • Mettre en place une instance de régulation : débat réglé ou conseil d’enfants pour apprendre de manière démocratique ce qu’est la démocratie.
  • Enrôler les enfants dans ces dispositifs en fonction de leurs compétences et selon une organisation prédéfinie à l’avance.
  • La présence de l’adulte, même s’il y intervient peu, est une garantie de sécurité pour tous.

La sanction, une nécessité qui fait partie du processus éducatif :

  • A l’école, un enseignant qui sanctionne ne fait que son métier. Différente de la punition, la sanction a des vertus expiatoires, restauratrices et structurantes.
  • Proscrire la punition collective, inefficace et injuste, la colère et la menace, contraires à toute posture éducative.
  • Travailler la sanction de manière collective et en équipe de façon à incarner une cohérence éducative.

En guise de conclusion, il convient d’ajouter que Martine Boncourt à aucun moment ne délivre ces différents conseils sous forme de recettes miracles, mais qu’elle prend toujours le soin de les proposer en lien avec des études de cas précises et minutieusement racontées dans l’ouvrage. Décontextualisés, ces points-clés perdraient leurs valeurs réflexives et donc leur efficacité. Voilà pourquoi, pour donner du sens aux actes et aux pratiques, il parait important de lire l’ouvrage dans son intégralité. L’enseignant pourra alors confronter les approches proposées à sa propre situation professionnelle, faire ses proches choix et adapter selon ses besoins et ceux de ses élèves.

Ostiane Mathon